dimanche 22 mai 2011

Quand la révolte fait trembler le monde capitaliste


Capt
FAOUZI ELMIR
Ce serait une grave erreur d’appréciation d’attribuer la révolte tunisienne et la fuite précipitée de Zine Albdine Ben Ali à la nature et aux caractéristiques d’un régime politique, celui de la Tunisie. En réalité, ce sont la propagande politique capitaliste et ses relais dans le monde arabo-musulman qui cherchent à focaliser l’attention, pour divertir et maquiller la réalité des choses, sur le côté politique, répressif et anti-démocratique du régime de Ben Ali dans le but de gommer les raisons profondes qui sont à l’origine de la révolte de la jeunesse tunisienne. Il faut rappeler à cet égard que le système politique de Ben Ali n’est ni plus ni moins démocratique que celui des démocraties capitalistes occidentales puisque le président est élu pour cinq ans au suffrage universel et il existe en Tunisie des institutions représentatives semblables en Europe et aux États unis. Dans la Tunisie de Ben Ali, il existe des forces d’opposition politiques, sociales et syndicales comme dans les démocraties capitalistes occidentales. Malgré la convergence des critères politiques et institutionnels, pourquoi le régime politique de Ben Ali serait-il plus ou moins démocratique que ceux qui sont en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis ?
La question qui se pose est de savoir si la révolte de la jeunesse tunisienne est politique ou sociale. Ceux qui cherchent à noyer le poisson en donnant une coloration politique à la révolte tunisienne se trompent, car celle-ci est avant tout une crise sociale. Mais dire que la révolte tunisienne est une crise sociale, cela ne reflète que partiellement la réalité, car pour être dans le vrai, il faudra aussitôt ajouter qu’elle est aussi et avant tout le symptôme pathologique d’une crise globale bien plus profonde dépassant largement les frontières d’un pays, LA crise d’un système planétaire en phase terminale qui est en train de rendre son âme, le système capitaliste dont la Tunisie n’est qu’un simple maillon. Autrement dit, pour être plus clair et plus précis, Mohamed Bouaziz, le jeune qui s’est immolé par le feu et qui a été à l’origine de la révolte n’est pas seulement victime de l’injustice sociale de son pays, la Tunisie et du régime de Ben Ali mais il est aussi victime d’un système planétaire générateur de misère et d’injustice, le capitalisme. L’hypothèse que la révolte tunisienne dépasse largement les frontières de la Tunisie et elle n’est pas seulement une affaire purement domestique peut être corroborée par deux éléments : (1) la complicité des « patries des droits de l’Homme », l’Europe et des Etats-Unis avec le régime de Ben Ali et leur silence radio depuis le début de la crise sur la violence policière et sur le nombre des victimes de la répression; (2) Les « recettes » et les conseils apportés au régime de Ben Ali par l’Europe et les Etats-Unis pour manipuler psychologiquement et mentalement les émeutiers et les tunisiens en général, pour circonscrire les foyers de révolte et pour étouffer et venir à bout des contestations sociales qui secouent le pays. Mais, face à la détermination des émeutiers et leur emploi des nouvelles technologies de communication, les « recettes » des pays capitalistes européens et des Etats-Unis se sont révélées inefficaces dans la mesure où elles n’ont pas pu empêcher ni la propagation de la révolte à l’ensemble du pays ni la chute du régime du président Ben Ali et la fuite précipitée de ce dernier en Arabie Saoudite.
Sur la fuite précipitée de Ben Ali, les commentaires vont bon train. Certains évoquent l’hypothèse d’un effet de domino sur les autres pays arabes et nord-africains à l’instar des régimes communistes qui sont tombés les uns après les autres après la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Cette hypothèse semble improbable pour une raison très simple : la Tunisie est un maillon dans la chaîne impérialiste et une zone franche pour le capital transnational et il en est ainsi de tous les pays arabes et musulmans du Moyen Orient.. Si l’effet de domino a joué dans le cas du bloc communiste, c’est parce que les Etats-Unis et l’Europe avaient déjà préparé le terrain politique en suscitant et en favorisant l’émergence au sein des régimes communistes, de forces sociales et politiques réactionnaires appelées à prendre la relève après le départ des communistes et dont la plupart était d’anciens membres de la nomenklatura formés depuis de longue date aux techniques des révolutions de velours. L’effet de domino ne saurait jouer dans le cas des pays du Moyen Orient qui, rappelons-le, sont tous des satellites des Etats-Unis et de l’Europe capitaliste.
En tout cas, si risque il y a d’un effet de domino, ce n’est pas du côté du Moyen Orient qu’il faut regarder mais du côté de l’Europe capitaliste. Car, malgré les apparences trompeuses, les émeutes tunisiennes inquiètent plus les pays capitalistes d’Europe et les Etats-Unis que ceux du Moyen-Orient. D’abord, contrairement aux pays du Moyen-Orient, les pas capitalistes du centre, l’Europe et les Etats-Unis possèdent une longue histoire sociale et ils savent pertinemment qu’à cause de la crise qui les frappe actuellement, tout peut arriver et qu’une situation explosive peut à tout moment dégénérer en émeutes semblables à celles de Tunisie. Ensuite, il y a en Europe et à moindre mesure aux Etats-Unis de forces sociales et politiques existant à l’état latent et mais qui peuvent rapidement devenir le fer de lance des mouvements de contestation et de révolte. Enfin, la révolte tunisienne et l’échec des « recettes » fournies par l’Europe et les Etats-Unis au régime de Ben pour étouffer ou du moins pour limiter la contagion à d’autres villes de la Tunisie ont de quoi inquiéter les pays capitalistes en Europe et aux Etats unis dont les classes dominantes et les responsables politiques ne manqueront pas d’analyser à la loupe ce qui s’est passé dans ce pays du pourtour méditerranéen pour en tirer certaines leçons pour l’avenir. Le premier élément à relever est l’inertie et la logique intrinsèque des mobilisations multisectorielles dépassant les stratégies initiales des acteurs de la révolte et des contestations et qu’une simple crise sociale peut facilement dégénérer en émeutes, en révolte et même en révolution que plus personne ne semble arrêter. Le deuxième élément à relever, l’obsolescence des techniques habituelles de manipulation psychologique et mentale des masses utilisées dans les pays capitalistes, en Europe et aux Etats-Unis, pour étouffer toute velléité de révolte et pour empêcher la contagion et le désenclavement des différents secteurs qui composent le corps social. À cet égard, l’exemple tunisien est éloquent car il montre comment les émeutiers ont su habilement déjouer les techniques de manipulation et de confinement du pouvoir en en recourant aux nouvelles technologies de communication dont ils se sont dotés les émeutiers, blogs, internet, téléphone portable, facebook, twittter, etc. qui transmettaient non seulement aux habitants d’autres régions de la Tunisie mais au monde entier des images de morts sans leurs boîtes crâniennes et de blessés défigurés et torturées par la police et la forces de répression du régime.

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