Entretien avec M.Thierry Meyssan, journaliste et écrivain français, Président-fondateur du Réseau VoltaireTout récemment le secrétaire américain à la défense M.Robert Gates a essayé avant son départ de régler ses comptes avec les européens et s'agissant de l'OTAN et de l'Europe il a carrément parlé du déclin militaire de l'OTAN. Comment expliquez-vous ces propos d'autant plus que ce n'est pas la première fois que Robert Gates s'en prend au Vieux continent?Ce discours était le discours d'adieu de monsieur Gates et il pouvait dire de manière brutale ce que Washington souhaite dire sans que ceci ait des conséquences puisqu'il ne sera plus là pour assumer la suite de son discours. Quand il parle du déclin militaire de l’OTAN, il ne parle pas du déclin des européens. Ceci n'a pas diminué leur participation à l’OTAN, ce qui a diminué, c’est la participation des Etats-Unis. Ce sont les Etats-Unis qui sont en faillite. Ce que monsieur Gates souhaite c'est compenser le déclin économique des Etats-Unis en sollicitant les européens, lesquels n'ont strictement aucune raison de financer l'effort de guerre des Etats-Unis et son colonialisme.
Autrement dit vous voulez dire que c'est pour cette raison qu'il a accusé les européens de s'abriter sous parapluie sécuritaire américain sans en apporter le coup?Bien sûr, pourquoi demander aux européens de payer ? Parce qu'il y a une faillite des Etats-Unis. Jusqu'à là les Etats-Unis se peignaient régulièrement mais ils n'insistaient pas puisqu'ils souhaitaient contrôler l'ensemble du système mais aujourd'hui ils ont du mal à le contrôler. D'ailleurs juste après cette intervention de monsieur Gates le chef d'état majeur de la marine en France a fait une déclaration pour expliquer que les forces françaises étaient déjà sur déployées parce que l'OTAN leur avait demandé d'être à la fois en Afghanistan et en Libye et qu'il fallait arrêter ça au plus vite parce que les forces françaises ne pouvaient pas tenir en tel déploiement.
Cette déclaration intervient à un moment où l'OTAN est en guerre dans deux pays. Est-ce que cette déclaration ne signifie pas la fin de cette organisation atlantique?Je ne crois pas que ça soit la fin. Je pense que c'est son épuisement. Ce système trouve sa limite par son déploiement d'une part et par l'impossibilité de le financer d'autre part.
Autrement dit vous voulez dire que ses capacités sont désormais remises en cause?Oui. Tout a fait. Ses capacités sont remises en cause et les États-Unis ne savent plus avec quoi ils vont financer leur prochaine guerre.
C'est- à -dire?Je ne sais pas où sera la prochaine guerre. Dans la situation actuelle ils n'ont pas les moyens.
Pourquoi dans cette période actuelle Robert Gates invite les européens à doper leurs capacités de défense ?Parce qu'ils ont besoin d'eux. Ce n'est pas du tout qu'ils leur reprochent d'être absents de la scène. Ce qu'ils veulent, c'est qu'ils payent pour les États-Unis parce que pour le moment comment ça se passe une intervention de l'OTAN en Afghanistan et en Libye ? Ce sont massivement les hommes qui viennent participer au combat mais ce sont des munitions qui sont fournies par les États-Unis et les États-Unis ne veulent plus payer les munitions et veulent obliger les européens à payer ça.
C'est entraîner les européens dans les guerres qui ne sont pas les leurs?C'est le cas depuis le début. Ils sont là au service d'une stratégie qui n'est pas la leur.
Lorsque le secrétaire américain accuse carrément les européens de s'abriter sous le parapluie sécuritaire américain, ce n'est pas une humiliation à l'adresse de l'Europe qui voulait avoir une défense commune et une politique étrangère commune?Ce sont les États-Unis qui ont empêché l'Union Européenne de se développer comme un pouvoir autonome et qui ont au contraire imposé un système où il y a une défense européenne mais placée sous le parapluie des Etats-Unis.
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