Le monde arabe et musulman, l’Oriental, s’est réveillé entre les deux guerres mondiales inter impérialistes sur le cadavre de l’Empire ottoman trahi par une «sainte famille» impériale ayant recouvré et confisqué une légitimité décatie, comme il fut sacrifié aux appétits d’une tribu nourrissant des prétentions impériales symboliques parce qu’elle s’est convaincue d’être la dépositaire des lieux saints de l’Islam.
Mohamed Lakhdar Maougal
Mardi 26 Juillet 2011
«Toujours au moment des aveux, la scène paraît vide»
Kateb Yacine, Le cadavre encerclé
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, tous les empires traditionnels s’effondrèrent l’un après l’autre. Ce fut surtout le cas des archaïques empires terrestres et symboliques comme l’Empire russe, l’Empire austro-hongrois, l’Empire ottoman et l’Empire du Soleil-Levant (La Chine). Ainsi naquirent de nouvelles républiques. Certaines seront constitutionnalistes, plus ou moins libérales. D’autres dictatoriales, à l’exemple de la Turquie prise en tenaille entre un nouvel empire soviétique moderniste et une périphérie impériale colonialiste arriérée, régentée par l’empire maritime britannique, relayé par l’empire colonial français. Tel aura été aussi l’exemple de l’Empire russe secoué par une révolution sociale qui a conduit à un embargo total isolant la Russie révolutionnaire du reste du monde et la transformant en une proie aux prises avec les puissances occidentales intéressées par son dépècement.
En gros et schématiquement, le monde arabe et musulman, entre les deux grandes guerres mondiales, était partagé surtout entre la zone britannique et la zone française. Ce à quoi il faudra ajouter un fait marquant et capital. Le colonialisme français au Maghreb présentait la particularité d’avoir créé des colonies de peuplements dont l’Algérie était le cas le plus flagrant. C’est la mise en place de cette colonisation de peuplement qui imposera à la métropole une politique d’aménagement et de développement dont les principaux bénéficiaires furent avant tout les colons et les administrateurs civils et militaires métropolitains.
Le développement du capitalisme colonialiste au Maghreb a provoqué une prise de conscience des pratiques multiples de discriminations et d’inégalités qui furent le creuset de la conscientisation nationalitaire. C’est pourquoi le mouvement de décolonisation aura été plus radical au Maghreb qu’au Machreq. Ce radicalisme maghrébin a provoqué par contagion un radicalisme des processus révolutionnaires arabes et musulmans qui débouchèrent sur des révolutions radicales et républicaines (Egypte, Syrie, Irak, Yémen, Iran) un peu à la manière du processus révolutionnaire actuel qui, à partir de la Tunisie, s’est propagé en Orient en passant par l’Egypte). Au Machreq, ce décrochage des griffes de l’empire anachronique ottoman a conduit les nationalistes arabes à s’aliéner à deux types de puissance. La première est la puissance impériale européenne décadente qui donne un répit au capitalisme colonial à travers les gesticulations ultimes de la France et de la Grande-Bretagne. Ces dernières mettent sous leurs tutelles tous les pays arabes d’Orient d’obédience hachémite à l’exclusion de la Péninsule arabique.
Ce colonialisme résiduel disparaîtra avec la Seconde Guerre mondiale et avec la création d’un Etat colonial domino israélien. La seconde puissance est américaine, mais elle présente la particularité de se présenter au départ comme puissance accompagnatrice de processus d’émancipation et de modernisation (Charte W. Wilson). Elle recourt à une stratégie subtile qui consiste à intégrer les pays qu’elle met sous tutelle dans la sphère impérialiste avec la perspective de s’en servir comme dominos. Tel est le cas de l’Iran et de l’Arabie Saoudite convoités par les puissances industrielles et par les firmes multinationales qui commencent à se mettre en place surtout dans le domaine financier, bancaire et dans le domaine énergétique comme noyau et pôle de formation du stade suprême du capitalisme devant aboutir au dépérissement de l’Etat nation, surtout le modèle jacobin contraignant. L’Arabie Saoudite, au lendemain de la conférence de Yalta, intégrera les premiers clubs de prospective et de redéploiement stratégique, le Club de Bildelberg et de la Trilatérale créés par Zbiniew Brezinski, en raison de la place qu’elle occupe dans la culture musulmane, vu qu’elle est le centre de pèlerinage et de référence du conservatisme et du traditionalisme, mais surtout en raison aussi de l’extrême richesse de ses potentialités énergétiques. En effet, dès 1945, Ibn Saoud scelle un pacte d’alliance avec Roosevelt, le président des USA.
Grâce à l’initiative du mouvement des non-alignés (Bandung-Pékin-New Delhi en 1955, puis Belgrade-Le Caire-Alger 1961,1963, 1964), le monde arabe et musulman va se retrouver catapulté aux avant-postes de la lutte anticoloniale avec cinq personnalités marquantes comme, d’abord les révolutionnaires chinois (Chou en Lai) et européen (Tito), ensuite les réformateurs tels les Officiers libres comme l’Egyptien Nasser et Ahmed Sukarno l’Indonésien, et enfin les pacifistes réconciliateurs comme Nehru l’Indien. La conférence sera appuyée par les délégations de plus d’une centaine de pays en voie de décolonisation, au nombre desquels les trois pays du Maghreb, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie.
Le mouvement de décolonisation va être pris en charge surtout par l’Algérie qui venait de sortir victorieuse d’une longue et pénible guerre. Dès le début des années 60, l’Algérie prend le relais de l’Egypte pour conduire le processus de non- alignement en organisant la Conférence afro-asiatique à Alger (1964).
Un début de radicalisme révolutionnaire va souffler sur le continent africain qui sera encadré par l’Algérie jusqu’à la crise algéro-marocaine de 1975. Au Proche-Orient, l’hégémonie culturelle et révolutionnaire de l’Egypte a usé d’abord sa crédibilité qu’elle a fini par la dissoudre par la défaite de 1967. La victoire relative de 1973 passera presque inaperçue du fait du conflit ouvert entre l’Algérie et la France (crise de la nationalisation des hydrocarbures en 1971) qui mettra l’Algérie aux avant-postes de la lutte anti-impérialiste.
Ce dernier conflit permet de réaliser le changement de cap dans la perception des différentes étapes de la maturation du monde arabe et musulman qui venait de sortir de la période coloniale pour affronter la période néocoloniale. L’Algérie utilise alors la question énergétique pour s’imposer comme leader et arrive tant bien que mal à fédérer un front des pays producteurs du pétrole (OPEP) où siègent, côte à côte, le Schah d’Iran et Fayçal d’Arabie Saoudite, un front élargi un peu plus tard aux pays latino-américains. En tentant de mobiliser le tiers-monde, l’Algérie va participer à embraser le continent africain et participera activement à accélérer le mouvement d’émancipation anticolonial.
Le monde arabe est alors sur deux fronts : le front anticolonial qui présente l’exemple d’émancipation arabe et musulman comme modèle à l’Afrique, mouvement soutenu et parfois porté à bout de bras par des financements indirects (algérien d’abord, libyen ensuite). Le second front est économique qui propose au continent africain surtout un modèle de développement inspiré de l’économie étatique dirigiste et fortement contrôlée avec des encadrements programmés militairement, économiquement, etc. A vrai dire, ce paternalisme «révolutionnaire» arabe et musulman est surtout à valeur ajoutée démagogique et sert de faire-valoir aux politiques locales antipopulaires, même si elles pouvaient se présenter comme populistes, à des régimes dictatoriaux comme le régime égyptien qui s’effondrera et au régime algérien qui s’étiolera.
Cette étape montre un monde arabe et musulman se présentant abusivement comme le champion de la lutte anti-impérialiste, surtout avec la radicalisation de la lutte de la résistance palestinienne anticoloniale qui contiendra et retardera l’émergence brutale de l’impérialisme américain dans la région orientale et africaine. Mais le monde arabe et musulman ne réussira jamais à créer sa propre stratégie ni à initier son propre savoir pour porter et proposer un nouveau projet alternatif aux hégémonies néocoloniales européenne, anglaise et française d’une part, et aux projets impérialistes américains d’autre part. En fait, le monde arabe et musulman s’accrochera désespérément à sa culture traditionnelle et patrimoniale devenue un instrument de gouvernance qu’il va offrir à l’industrie touristique en spectacle folklorique et artistique. Cette stratégie qui ouvre la voie à la régression choisie en lieu et place du progrès et de la modernité, préparera le lit du fondamentalisme et de l’intégrisme quand les dictatures se fissurent surtout en Algérie et en Egypte. A la fin des années 70, alors que l’Egypte capitule devant le diktat américano-saoudien, alors que l’Algérie annule les monopoles sur le commerce extérieur qui protégeaient jusque-là sa fragile économie, Cuba seule résiste à la pression américaine dans un contexte d’aggravation de la guerre froide et d’affaiblissement de l’Union soviétique en lançant le projet désespéré de la Tricontinentale (Amérique latine, Afrique, Asie) dont les pays arabes et musulmans seront absents, et pour cause… d’alignement.
La plupart de ces pays arabes et musulmans se sont alignés sur le bloc occidental colonialiste et capitaliste, auquel ils ont plus ou moins apporté leur collaboration dans la lutte contre le bloc de l’Est et contre le socialisme sous prétexte de défendre la liberté surtout de culte et de religion.
En tournant le dos au projet de la Tricontinentale, la seule alternative programmée contre la mondialisation, si l’on en croit les derniers travaux de stratégie anti-impérialiste (voir les livres : L’empire (2000) et Multitude (2004), des philosophes, l’Italien Toni Negri et l’Américain Michael Hardt), le monde arabe a renoncé à s’autoémanciper comme l’avaient fait les peuples asiatiques d’abord et les peuples latino-américains ensuite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Etats et régimes arabes et musulmans ont changé de servitude et ont aggravé leur servilité vis-à-vis de leurs maîtres, alors que les peuples arabes exigeaient et exigent toujours le parachèvement des émancipations pour lesquelles ils ont payé le prix fort.
Les «maîtres du monde» euro-américains qui ont tiré les leçons des passés révolutionnaires ont inspiré, voire imposé à leurs protégés et clients des projets de consolidation des systèmes politiques (des mises à niveau et autres restructurations) adossés à des strates sociales d’encadrement et de contrôle de plus en plus larges et de plus en plus soumises aux logiques d’intégration dans le nouvel ordre de la mondialisation.
Dans le même temps, ces projets se révélaient de plus en plus des projets «éliticides» (effacement et éradication destructrice des élites politiques) adossés à une pratique programmée de dépolitisation profonde et d’abrutissement «médiocratique» des cadres moyens et des couches sociales moyennes et basses (tribalisation, clanisation, symbolisation religieuses ou magico-rituelles, maraboutisation effrénée, patrimonialisation familiale du système politique, économique et financier ; corruptions débridées…).
Pour ce qui concerne le monde arabe et musulman, les stratèges occidentaux (aussi bien européens-anglo-français qu’américains) vont renforcer la prise en main des pays arabes et musulmans par des idéologies de soumission s’appuyant sur les cultures traditionnelles (symbolisme de démission et de renoncement au monde ou encore exaltation de la tradition et du patrimoine spécifique et «authentique») et de culture de substitution (symbolisme d’espérance et de projection dans un univers de l’autre monde, le monde métaphysique de l’au-delà). C’est ainsi qu’à la culture d’exigence de progrès et d’émancipation, le nouvel ordre a substitué avec la complicité de dictateurs corrompus et de monarques et émirs corrupteurs une culture de résignation et de mysticisme démobilisateur.
La révolution iranienne victorieuse à la fin de la décennie 70 et au début de la décennie 80 a tout bouleversé du projet néo-impérialiste en ouvrant une perspective révolutionnaire adossée à un retour en force de l’islamisme politique qui constituera un levain et un levier efficaces pour relancer les processus de contestation et de lutte contre les puissances de la mondialisation à laquelle avaient fait allégeance la plupart des dirigeants arabes et musulmans et à leur tête les Saoudiens, les Emiratis, les dictateurs du Machrek et du Maghreb et les roitelets qui commencent à payer aujourd’hui le prix de leur forfaiture.
La cascade de chutes de régimes dictatoriaux et totalitaires qui ne fait que commencer va provoquer un bouleversement géostratégique dans la région arabe qui bousculera tous les pays, y compris l’état colonial israélien.
La stratégie actuelle développée par les Clubs euro-américains (Bildeberg et Trilatérale) de prospective géostratégique s’appuie sur la nécessité de démocratisation politique formelle et de libéralisation rationnelle et effective des économies avec la mise hors circuit des pratiques rentières peu productives d’investissements mais fort portées vers les thésaurisations bancaires et les spéculations financières dont les Emirats, l’Arabie Saoudite et les oligarchies des dictateurs rentiers sont devenues le symbole des économies spéculatives qui risquent de constituer des fortunes colossales improductives, en tout cas dans leurs propres pays (sources : les placements des fortunes personnelles et familiales mises à jour et à nu lors des derniers bouleversements). C’est ce souci de rationalisation qui explique l’attitude conciliatrice des USA embourbés dans d’interminables guerres et surtout des Européens qui convoitent de tirer les marrons du feu à l’abri de la puissance américaine de nuisance envers les révoltes et/ou révolutions qui commencent à éclater partout dans la sphère arabo-musulmane, processus, est-il besoin de le souligner encore une fois, qui ne fait que commencer.
Si les tornades de «démocratisation» qui soufflent aujourd’hui sur le monde arabe et musulman se limitent à n’être qu’une réaction aux dictatures et aux dérives «voyoucratiques» des régimes corrompus et corrupteurs, si un mouvement élitaire n’émerge pas de ces secousses qui ouvrent des perspectives mais sans programmation préétablie, si les institutions encore relativement bien structurées comme les institutions militaires, les institutions médiatiques et informatives ne créent pas des alternatives pensées et sorties des expériences directes des luttes de leurs peuples, il est à craindre que tout ce qui se passe aujourd’hui ne servira en dernier ressort qu’à faire basculer les pays sous la domination du nouvel empire qui se constitue, l’empire des multinationales et de la puissance liberticide qui instaurera son ordre discriminatoire, qui forcera et aggravera les processus de dépossession de l’homme de sa puissance revendicative, ce fruit amer de ses longues histoires de luttes pour des valeurs humaines de liberté, d’égalité et de dignité. Ici et là, on voit poindre des processus élitaires qui se réveillent surtout en Tunisie – le cas aujourd’hui le plus clair et le plus avancé dans le relatif mûrissement avec une émergence de nouvelles forces élitaires que tentent d’encadrer et d’envelopper les vieilles gardes revanchardes bourguibistes, victimes du régime voyou et maffieux du clan Benali-Trabelsi sur fond de mobilisation populaire encore fragile au regard de l’abcès de fixation libyen. Mais le mouvement semble être relativement bien encadré par la centrale syndicale de l’UGTT qui aura joué un rôle appréciable dans la mobilisation face à la réaction «voyoucratique» benaliste. La révolution tunisienne qui a forcé la main à l’armée l’obligeant à rallier le processus d’émancipation sociale et politique est à considérer et à suivre avec la plus haute attention et surtout avec une solidarité agissante sans calcul et sans méprise.Plus problématique est le cas égyptien, où les forces politiques et syndicales bien qu’existantes étaient faibles pour pouvoir prendre en charge le processus et ont dû composer avec la force militaire qui a beaucoup tergiversé avant d’être obligée de s’aligner et d’intervenir dans le sens de l’histoire par la pression de la rue et par le capital de sympathie internationale aiguisée par la révolution tunisienne.
Dans le cas tunisien, comme celui égyptien, qui doivent constituer un exemple à méditer pour nous Algériens, car il y a grande similarité des régimes (dictatures «voyoucratiques», gabegies «médiocratiques», corruptions débridées, patrimonialisations tribalo-claniques de l’Etat et de ses rouages et de ses richesses, gabegies politiciennes que se partagent les pouvoirs et leurs oppositions institutionnalisées, des classes politiques débiles et décaties, encadrements sociopolitiques aussi bien officiels qu’oppositionnels corrompus sur fond de climats sociaux délétères et agités à la limite de l’état d’insurrection et de désobéissance civile s’aggravant de jour en jour mais contenu par des meutes et des hordes de forces de répression et de «baltaguia» dont le comportement revanchard s’exprime par la violence contre des citoyens pacifistes et désarmés, souvent des catégories sociales les plus fragiles (les femmes, les étudiants, les professions en état de servitude comme les médecins, les enseignants, les retraités, les syndicats autonomes fragilisés, etc). L’Algérie n’échappe pas et n’échappera pas à la règle. Elle est pour le moment dans le cas exceptionnel de l’expectative. Son sort semble encore dépendre des capacités du pouvoir actuel à courber l’échine sous les diktats des impérialistes anglo-européens pourtant divisés sur la conduite à mener dans ce cas d’espèce (les Français voulant toujours traiter avec un Etat jacobin rentier même fragilisé et surtout à genoux, cependant que les Anglo-saxons espèrent – quand ils n’y travaillent pas d’arrache-pied et cela se voit surtout dans le cas libyen – accélérer le processus de dépérissement de l’Etat et susciter l’émergence d’un pouvoir financier qui bridera les institutions, toutes les institutions y compris celle de la grande muette). Depuis que le général major Khaled Nezzar – la grande gueule de l’armée qui monte toujours au créneau quand il s’est agi de défendre «Les Tagarins» et l’Algérie – observe une énigmatique réserve, voilà qu’il est paradoxalement relayé par des académiciens fatigués, véritables scribes et plumitifs qui découvrent les nécessités de l’intervention ultime et salutaire de la casquette autrefois décriée et stigmatisée par eux-mêmes, relayant en écho des politicards roublards devenus salonards retraités en attente de recyclage.
Le mouvement de décrochage des dictatures arabes et des monarchies anachroniques est inéluctable. C’est une question de temps et de calendrier. Ce ne sont pas pourtant les impérialistes qui tiennent les fils conducteurs et les pédales d’accélération. Bien au contraire. Ils ne sont là qu’à attendre que le cadavre se présente en état de décomposition avancée pour se ruer à la curée comme les charognards. Les véritables acteurs des décompositions sont les pouvoirs actuellement en place avec les politiques de leurs Etats serviles et corrupteurs qui aggravent chaque jour davantage les situations de précarité repoussées fébrilement et dans la panique par la politique de la planche à billets et des injections volontaristes débridées de pouvoir d’achat, momentanément payant en la relative paix sociale mais certainement pas politique. L’Algérie n’a besoin ni de réformes ni de révolutions qui ne sortent pas de ses entrailles comme en 1954 voire comme pendant la décennie 1989-99. L’Algérie a besoin d’une régénération sociale et politique – dans tous les sens du terme –, d’une démocratisation effective et non tactique ou médiatique, d’un assainissement de ses institutions à tous les niveaux, d’une renaissance effective et vitale du sentiment patriotique usé par les gabegies et les injustices. Cela est encore possible. Il suffit d’écouter attentivement la rue s’animer malgré la répression imbécile de toutes ces revendications de ses médecins, la trique comme réponse aux exigences légitimes de ses étudiants inquiets de leur avenir et déconcertés par des responsables tétanisés, la surdité comme réponse aux cris d’angoisse de ses femmes épouses, mères et autres, l’autisme comme mépris aux appels de détresse de ses retraités. Il faut prendre le pouls des craintes des syndicalistes honnêtes. La solution – et elle existe – n’est ni dans le problématique coup d’Etat militaire fusse-t-il ultime (quelle sinistre rigolade d’inféconde
indigence !), ni dans le replâtrage réformiste aussi bien des équipes usées et épuisées de technocrates stériles que des outsiders qui vont à Paris, à Londres ou à Washington prendre leurs cahiers de charges et de directives, et engager des créances de chargés de missions. La solution algérienne doit être d’abord et surtout algérienne, ni américano-saoudienne, ni anglo-saxonne, ni française. Elle ne devrait émaner que de l’épreuve de notre propre peuple. C’est le prix à payer à la démocratie .Vade Retro Satanas.
Mohamed Lakhdar Maougal. Membre de l’Académie africaine des langues, professeur et écrivain
Kateb Yacine, Le cadavre encerclé
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, tous les empires traditionnels s’effondrèrent l’un après l’autre. Ce fut surtout le cas des archaïques empires terrestres et symboliques comme l’Empire russe, l’Empire austro-hongrois, l’Empire ottoman et l’Empire du Soleil-Levant (La Chine). Ainsi naquirent de nouvelles républiques. Certaines seront constitutionnalistes, plus ou moins libérales. D’autres dictatoriales, à l’exemple de la Turquie prise en tenaille entre un nouvel empire soviétique moderniste et une périphérie impériale colonialiste arriérée, régentée par l’empire maritime britannique, relayé par l’empire colonial français. Tel aura été aussi l’exemple de l’Empire russe secoué par une révolution sociale qui a conduit à un embargo total isolant la Russie révolutionnaire du reste du monde et la transformant en une proie aux prises avec les puissances occidentales intéressées par son dépècement.
En gros et schématiquement, le monde arabe et musulman, entre les deux grandes guerres mondiales, était partagé surtout entre la zone britannique et la zone française. Ce à quoi il faudra ajouter un fait marquant et capital. Le colonialisme français au Maghreb présentait la particularité d’avoir créé des colonies de peuplements dont l’Algérie était le cas le plus flagrant. C’est la mise en place de cette colonisation de peuplement qui imposera à la métropole une politique d’aménagement et de développement dont les principaux bénéficiaires furent avant tout les colons et les administrateurs civils et militaires métropolitains.
Le développement du capitalisme colonialiste au Maghreb a provoqué une prise de conscience des pratiques multiples de discriminations et d’inégalités qui furent le creuset de la conscientisation nationalitaire. C’est pourquoi le mouvement de décolonisation aura été plus radical au Maghreb qu’au Machreq. Ce radicalisme maghrébin a provoqué par contagion un radicalisme des processus révolutionnaires arabes et musulmans qui débouchèrent sur des révolutions radicales et républicaines (Egypte, Syrie, Irak, Yémen, Iran) un peu à la manière du processus révolutionnaire actuel qui, à partir de la Tunisie, s’est propagé en Orient en passant par l’Egypte). Au Machreq, ce décrochage des griffes de l’empire anachronique ottoman a conduit les nationalistes arabes à s’aliéner à deux types de puissance. La première est la puissance impériale européenne décadente qui donne un répit au capitalisme colonial à travers les gesticulations ultimes de la France et de la Grande-Bretagne. Ces dernières mettent sous leurs tutelles tous les pays arabes d’Orient d’obédience hachémite à l’exclusion de la Péninsule arabique.
Ce colonialisme résiduel disparaîtra avec la Seconde Guerre mondiale et avec la création d’un Etat colonial domino israélien. La seconde puissance est américaine, mais elle présente la particularité de se présenter au départ comme puissance accompagnatrice de processus d’émancipation et de modernisation (Charte W. Wilson). Elle recourt à une stratégie subtile qui consiste à intégrer les pays qu’elle met sous tutelle dans la sphère impérialiste avec la perspective de s’en servir comme dominos. Tel est le cas de l’Iran et de l’Arabie Saoudite convoités par les puissances industrielles et par les firmes multinationales qui commencent à se mettre en place surtout dans le domaine financier, bancaire et dans le domaine énergétique comme noyau et pôle de formation du stade suprême du capitalisme devant aboutir au dépérissement de l’Etat nation, surtout le modèle jacobin contraignant. L’Arabie Saoudite, au lendemain de la conférence de Yalta, intégrera les premiers clubs de prospective et de redéploiement stratégique, le Club de Bildelberg et de la Trilatérale créés par Zbiniew Brezinski, en raison de la place qu’elle occupe dans la culture musulmane, vu qu’elle est le centre de pèlerinage et de référence du conservatisme et du traditionalisme, mais surtout en raison aussi de l’extrême richesse de ses potentialités énergétiques. En effet, dès 1945, Ibn Saoud scelle un pacte d’alliance avec Roosevelt, le président des USA.
Grâce à l’initiative du mouvement des non-alignés (Bandung-Pékin-New Delhi en 1955, puis Belgrade-Le Caire-Alger 1961,1963, 1964), le monde arabe et musulman va se retrouver catapulté aux avant-postes de la lutte anticoloniale avec cinq personnalités marquantes comme, d’abord les révolutionnaires chinois (Chou en Lai) et européen (Tito), ensuite les réformateurs tels les Officiers libres comme l’Egyptien Nasser et Ahmed Sukarno l’Indonésien, et enfin les pacifistes réconciliateurs comme Nehru l’Indien. La conférence sera appuyée par les délégations de plus d’une centaine de pays en voie de décolonisation, au nombre desquels les trois pays du Maghreb, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie.
Le mouvement de décolonisation va être pris en charge surtout par l’Algérie qui venait de sortir victorieuse d’une longue et pénible guerre. Dès le début des années 60, l’Algérie prend le relais de l’Egypte pour conduire le processus de non- alignement en organisant la Conférence afro-asiatique à Alger (1964).
Un début de radicalisme révolutionnaire va souffler sur le continent africain qui sera encadré par l’Algérie jusqu’à la crise algéro-marocaine de 1975. Au Proche-Orient, l’hégémonie culturelle et révolutionnaire de l’Egypte a usé d’abord sa crédibilité qu’elle a fini par la dissoudre par la défaite de 1967. La victoire relative de 1973 passera presque inaperçue du fait du conflit ouvert entre l’Algérie et la France (crise de la nationalisation des hydrocarbures en 1971) qui mettra l’Algérie aux avant-postes de la lutte anti-impérialiste.
Ce dernier conflit permet de réaliser le changement de cap dans la perception des différentes étapes de la maturation du monde arabe et musulman qui venait de sortir de la période coloniale pour affronter la période néocoloniale. L’Algérie utilise alors la question énergétique pour s’imposer comme leader et arrive tant bien que mal à fédérer un front des pays producteurs du pétrole (OPEP) où siègent, côte à côte, le Schah d’Iran et Fayçal d’Arabie Saoudite, un front élargi un peu plus tard aux pays latino-américains. En tentant de mobiliser le tiers-monde, l’Algérie va participer à embraser le continent africain et participera activement à accélérer le mouvement d’émancipation anticolonial.
Le monde arabe est alors sur deux fronts : le front anticolonial qui présente l’exemple d’émancipation arabe et musulman comme modèle à l’Afrique, mouvement soutenu et parfois porté à bout de bras par des financements indirects (algérien d’abord, libyen ensuite). Le second front est économique qui propose au continent africain surtout un modèle de développement inspiré de l’économie étatique dirigiste et fortement contrôlée avec des encadrements programmés militairement, économiquement, etc. A vrai dire, ce paternalisme «révolutionnaire» arabe et musulman est surtout à valeur ajoutée démagogique et sert de faire-valoir aux politiques locales antipopulaires, même si elles pouvaient se présenter comme populistes, à des régimes dictatoriaux comme le régime égyptien qui s’effondrera et au régime algérien qui s’étiolera.
Cette étape montre un monde arabe et musulman se présentant abusivement comme le champion de la lutte anti-impérialiste, surtout avec la radicalisation de la lutte de la résistance palestinienne anticoloniale qui contiendra et retardera l’émergence brutale de l’impérialisme américain dans la région orientale et africaine. Mais le monde arabe et musulman ne réussira jamais à créer sa propre stratégie ni à initier son propre savoir pour porter et proposer un nouveau projet alternatif aux hégémonies néocoloniales européenne, anglaise et française d’une part, et aux projets impérialistes américains d’autre part. En fait, le monde arabe et musulman s’accrochera désespérément à sa culture traditionnelle et patrimoniale devenue un instrument de gouvernance qu’il va offrir à l’industrie touristique en spectacle folklorique et artistique. Cette stratégie qui ouvre la voie à la régression choisie en lieu et place du progrès et de la modernité, préparera le lit du fondamentalisme et de l’intégrisme quand les dictatures se fissurent surtout en Algérie et en Egypte. A la fin des années 70, alors que l’Egypte capitule devant le diktat américano-saoudien, alors que l’Algérie annule les monopoles sur le commerce extérieur qui protégeaient jusque-là sa fragile économie, Cuba seule résiste à la pression américaine dans un contexte d’aggravation de la guerre froide et d’affaiblissement de l’Union soviétique en lançant le projet désespéré de la Tricontinentale (Amérique latine, Afrique, Asie) dont les pays arabes et musulmans seront absents, et pour cause… d’alignement.
La plupart de ces pays arabes et musulmans se sont alignés sur le bloc occidental colonialiste et capitaliste, auquel ils ont plus ou moins apporté leur collaboration dans la lutte contre le bloc de l’Est et contre le socialisme sous prétexte de défendre la liberté surtout de culte et de religion.
En tournant le dos au projet de la Tricontinentale, la seule alternative programmée contre la mondialisation, si l’on en croit les derniers travaux de stratégie anti-impérialiste (voir les livres : L’empire (2000) et Multitude (2004), des philosophes, l’Italien Toni Negri et l’Américain Michael Hardt), le monde arabe a renoncé à s’autoémanciper comme l’avaient fait les peuples asiatiques d’abord et les peuples latino-américains ensuite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Etats et régimes arabes et musulmans ont changé de servitude et ont aggravé leur servilité vis-à-vis de leurs maîtres, alors que les peuples arabes exigeaient et exigent toujours le parachèvement des émancipations pour lesquelles ils ont payé le prix fort.
Les «maîtres du monde» euro-américains qui ont tiré les leçons des passés révolutionnaires ont inspiré, voire imposé à leurs protégés et clients des projets de consolidation des systèmes politiques (des mises à niveau et autres restructurations) adossés à des strates sociales d’encadrement et de contrôle de plus en plus larges et de plus en plus soumises aux logiques d’intégration dans le nouvel ordre de la mondialisation.
Dans le même temps, ces projets se révélaient de plus en plus des projets «éliticides» (effacement et éradication destructrice des élites politiques) adossés à une pratique programmée de dépolitisation profonde et d’abrutissement «médiocratique» des cadres moyens et des couches sociales moyennes et basses (tribalisation, clanisation, symbolisation religieuses ou magico-rituelles, maraboutisation effrénée, patrimonialisation familiale du système politique, économique et financier ; corruptions débridées…).
Pour ce qui concerne le monde arabe et musulman, les stratèges occidentaux (aussi bien européens-anglo-français qu’américains) vont renforcer la prise en main des pays arabes et musulmans par des idéologies de soumission s’appuyant sur les cultures traditionnelles (symbolisme de démission et de renoncement au monde ou encore exaltation de la tradition et du patrimoine spécifique et «authentique») et de culture de substitution (symbolisme d’espérance et de projection dans un univers de l’autre monde, le monde métaphysique de l’au-delà). C’est ainsi qu’à la culture d’exigence de progrès et d’émancipation, le nouvel ordre a substitué avec la complicité de dictateurs corrompus et de monarques et émirs corrupteurs une culture de résignation et de mysticisme démobilisateur.
La révolution iranienne victorieuse à la fin de la décennie 70 et au début de la décennie 80 a tout bouleversé du projet néo-impérialiste en ouvrant une perspective révolutionnaire adossée à un retour en force de l’islamisme politique qui constituera un levain et un levier efficaces pour relancer les processus de contestation et de lutte contre les puissances de la mondialisation à laquelle avaient fait allégeance la plupart des dirigeants arabes et musulmans et à leur tête les Saoudiens, les Emiratis, les dictateurs du Machrek et du Maghreb et les roitelets qui commencent à payer aujourd’hui le prix de leur forfaiture.
La cascade de chutes de régimes dictatoriaux et totalitaires qui ne fait que commencer va provoquer un bouleversement géostratégique dans la région arabe qui bousculera tous les pays, y compris l’état colonial israélien.
La stratégie actuelle développée par les Clubs euro-américains (Bildeberg et Trilatérale) de prospective géostratégique s’appuie sur la nécessité de démocratisation politique formelle et de libéralisation rationnelle et effective des économies avec la mise hors circuit des pratiques rentières peu productives d’investissements mais fort portées vers les thésaurisations bancaires et les spéculations financières dont les Emirats, l’Arabie Saoudite et les oligarchies des dictateurs rentiers sont devenues le symbole des économies spéculatives qui risquent de constituer des fortunes colossales improductives, en tout cas dans leurs propres pays (sources : les placements des fortunes personnelles et familiales mises à jour et à nu lors des derniers bouleversements). C’est ce souci de rationalisation qui explique l’attitude conciliatrice des USA embourbés dans d’interminables guerres et surtout des Européens qui convoitent de tirer les marrons du feu à l’abri de la puissance américaine de nuisance envers les révoltes et/ou révolutions qui commencent à éclater partout dans la sphère arabo-musulmane, processus, est-il besoin de le souligner encore une fois, qui ne fait que commencer.
Si les tornades de «démocratisation» qui soufflent aujourd’hui sur le monde arabe et musulman se limitent à n’être qu’une réaction aux dictatures et aux dérives «voyoucratiques» des régimes corrompus et corrupteurs, si un mouvement élitaire n’émerge pas de ces secousses qui ouvrent des perspectives mais sans programmation préétablie, si les institutions encore relativement bien structurées comme les institutions militaires, les institutions médiatiques et informatives ne créent pas des alternatives pensées et sorties des expériences directes des luttes de leurs peuples, il est à craindre que tout ce qui se passe aujourd’hui ne servira en dernier ressort qu’à faire basculer les pays sous la domination du nouvel empire qui se constitue, l’empire des multinationales et de la puissance liberticide qui instaurera son ordre discriminatoire, qui forcera et aggravera les processus de dépossession de l’homme de sa puissance revendicative, ce fruit amer de ses longues histoires de luttes pour des valeurs humaines de liberté, d’égalité et de dignité. Ici et là, on voit poindre des processus élitaires qui se réveillent surtout en Tunisie – le cas aujourd’hui le plus clair et le plus avancé dans le relatif mûrissement avec une émergence de nouvelles forces élitaires que tentent d’encadrer et d’envelopper les vieilles gardes revanchardes bourguibistes, victimes du régime voyou et maffieux du clan Benali-Trabelsi sur fond de mobilisation populaire encore fragile au regard de l’abcès de fixation libyen. Mais le mouvement semble être relativement bien encadré par la centrale syndicale de l’UGTT qui aura joué un rôle appréciable dans la mobilisation face à la réaction «voyoucratique» benaliste. La révolution tunisienne qui a forcé la main à l’armée l’obligeant à rallier le processus d’émancipation sociale et politique est à considérer et à suivre avec la plus haute attention et surtout avec une solidarité agissante sans calcul et sans méprise.Plus problématique est le cas égyptien, où les forces politiques et syndicales bien qu’existantes étaient faibles pour pouvoir prendre en charge le processus et ont dû composer avec la force militaire qui a beaucoup tergiversé avant d’être obligée de s’aligner et d’intervenir dans le sens de l’histoire par la pression de la rue et par le capital de sympathie internationale aiguisée par la révolution tunisienne.
Dans le cas tunisien, comme celui égyptien, qui doivent constituer un exemple à méditer pour nous Algériens, car il y a grande similarité des régimes (dictatures «voyoucratiques», gabegies «médiocratiques», corruptions débridées, patrimonialisations tribalo-claniques de l’Etat et de ses rouages et de ses richesses, gabegies politiciennes que se partagent les pouvoirs et leurs oppositions institutionnalisées, des classes politiques débiles et décaties, encadrements sociopolitiques aussi bien officiels qu’oppositionnels corrompus sur fond de climats sociaux délétères et agités à la limite de l’état d’insurrection et de désobéissance civile s’aggravant de jour en jour mais contenu par des meutes et des hordes de forces de répression et de «baltaguia» dont le comportement revanchard s’exprime par la violence contre des citoyens pacifistes et désarmés, souvent des catégories sociales les plus fragiles (les femmes, les étudiants, les professions en état de servitude comme les médecins, les enseignants, les retraités, les syndicats autonomes fragilisés, etc). L’Algérie n’échappe pas et n’échappera pas à la règle. Elle est pour le moment dans le cas exceptionnel de l’expectative. Son sort semble encore dépendre des capacités du pouvoir actuel à courber l’échine sous les diktats des impérialistes anglo-européens pourtant divisés sur la conduite à mener dans ce cas d’espèce (les Français voulant toujours traiter avec un Etat jacobin rentier même fragilisé et surtout à genoux, cependant que les Anglo-saxons espèrent – quand ils n’y travaillent pas d’arrache-pied et cela se voit surtout dans le cas libyen – accélérer le processus de dépérissement de l’Etat et susciter l’émergence d’un pouvoir financier qui bridera les institutions, toutes les institutions y compris celle de la grande muette). Depuis que le général major Khaled Nezzar – la grande gueule de l’armée qui monte toujours au créneau quand il s’est agi de défendre «Les Tagarins» et l’Algérie – observe une énigmatique réserve, voilà qu’il est paradoxalement relayé par des académiciens fatigués, véritables scribes et plumitifs qui découvrent les nécessités de l’intervention ultime et salutaire de la casquette autrefois décriée et stigmatisée par eux-mêmes, relayant en écho des politicards roublards devenus salonards retraités en attente de recyclage.
Le mouvement de décrochage des dictatures arabes et des monarchies anachroniques est inéluctable. C’est une question de temps et de calendrier. Ce ne sont pas pourtant les impérialistes qui tiennent les fils conducteurs et les pédales d’accélération. Bien au contraire. Ils ne sont là qu’à attendre que le cadavre se présente en état de décomposition avancée pour se ruer à la curée comme les charognards. Les véritables acteurs des décompositions sont les pouvoirs actuellement en place avec les politiques de leurs Etats serviles et corrupteurs qui aggravent chaque jour davantage les situations de précarité repoussées fébrilement et dans la panique par la politique de la planche à billets et des injections volontaristes débridées de pouvoir d’achat, momentanément payant en la relative paix sociale mais certainement pas politique. L’Algérie n’a besoin ni de réformes ni de révolutions qui ne sortent pas de ses entrailles comme en 1954 voire comme pendant la décennie 1989-99. L’Algérie a besoin d’une régénération sociale et politique – dans tous les sens du terme –, d’une démocratisation effective et non tactique ou médiatique, d’un assainissement de ses institutions à tous les niveaux, d’une renaissance effective et vitale du sentiment patriotique usé par les gabegies et les injustices. Cela est encore possible. Il suffit d’écouter attentivement la rue s’animer malgré la répression imbécile de toutes ces revendications de ses médecins, la trique comme réponse aux exigences légitimes de ses étudiants inquiets de leur avenir et déconcertés par des responsables tétanisés, la surdité comme réponse aux cris d’angoisse de ses femmes épouses, mères et autres, l’autisme comme mépris aux appels de détresse de ses retraités. Il faut prendre le pouls des craintes des syndicalistes honnêtes. La solution – et elle existe – n’est ni dans le problématique coup d’Etat militaire fusse-t-il ultime (quelle sinistre rigolade d’inféconde
indigence !), ni dans le replâtrage réformiste aussi bien des équipes usées et épuisées de technocrates stériles que des outsiders qui vont à Paris, à Londres ou à Washington prendre leurs cahiers de charges et de directives, et engager des créances de chargés de missions. La solution algérienne doit être d’abord et surtout algérienne, ni américano-saoudienne, ni anglo-saxonne, ni française. Elle ne devrait émaner que de l’épreuve de notre propre peuple. C’est le prix à payer à la démocratie .Vade Retro Satanas.
Mohamed Lakhdar Maougal. Membre de l’Académie africaine des langues, professeur et écrivain
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