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L'Angleterre éprouve les émeutes les plus violentes depuis 30 ans. Vers la quatrième journée de troubles sous le feu et les bagarres se sont retrouvées non seulement les banlieues populaires de Londres, mais les autres grandes villes du pays - Manchester, Liverpool, Birmingham, ou encore Gloucester. Les hommes politiques cherchent les moyens pour réprimer la brutalité des jeunes, les experts cherchent des explications et parallèles. Est-ce qu'il faut comparer les émeutes à Londresavec celles de Paris en 2005 et y a-t-il des risque d'une nouvelle contamination par cette violence de l'autre coté de La Manche, aux questions de la Voix de la Russie a répondu le sociologue au CNRS, spécialiste des questions de l'adolescence et de la jeunesse Michel Fize:
Pourquoi cette violence a jaillit à Londres?
Je crois qu’elle a surgit à Londres par l’effet d’un détonateur qui la permise. En l’occurrence la mort de ce père de famille de 29 ans tué par des policiers dans des conditions qui restent obscures, puisqu’une enquête est actuellement en cours. Et on sait bien qu’un incident avec les forces de l’ordre ou une rumeur effectivement mettant en cause les forces de l’ordre, suffit à déclencher des incidents parfois violents. Donc derrière il y a bien, en Angleterre comme dans beaucoup d’autres pays, ce vieux contentieux avec les forces de police.
Est-ce que vous pensez que ce genre de mouvements peut en engendrer d’autres, et notamment traverser la Manche pour venir en France?
Vous savez ces mouvements se répandent sur la planète déjà une bonne année, de ce point de vue les convergences entre la Tunisie, l’Egypte, le Maroc, la Lybie, la Syrie, la Grèce, l’Italie, Israël il y a quelques jours, ces convergences sont réelles. Donc on voit bien qu’il y a un embrasement de la jeunesse sur toute la planète pour des raisons qui sont généralement les mêmes: à savoir une situation d’exclusion, notamment du monde du travail, qui prive la plupart de ces jeunes de toute perspective d’avenir. Donc le trait d’union il est là.
C’est vrai que certaines des manifestations se déroulent pacifiquement. Ce sont «les indignés» en Espagne, par exemple, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit là de jeunes ayant mené des études supérieures, qui sont capables d’exprimer des idées de tenir les assemblées générales. La violence c’est le dialogue du pauvre, si je peux employer cette expression, comme ça avait été le cas dans les banlieues françaises en 2005. Quand on n’a pas les mots pour dire une souffrance, exprimer une revendication, la violence vient prendre le relai, tout naturellement.
Tout ceci j’ai expliqué dans un livre « les Bandes », c’est une étude sur tous ces phénomènes de violence urbaine. En tout cas ces événements sont tout sauf imprévisibles. C’est Londres parce que c’est un cartier pauvre qui concentre toutes les difficultés sur les jeunes qui y vivent. Il y a cet événement déclencheur, comme il y avait eu en France ces deux jeunes électrocuté par un générateur EDF ou quand deux autres jeunes avaient à moto été percutés par les forces de l’ordre. Il y a toujours une étincelle. Une étincelle qui met en avant ce conflit très vieux entre les jeunes et la police.
Vous avez fait un rapprochement entre ce qui ce passe à Londres et ce qui c'est passé au Maghreb. Mais là bas les jeunes ils demandaient quelque chose, là on ne sait pas vraiment ce qu'ils veulent.
Bien évidemment. Pour les pays arabes d’abord ce qu’il s’agissait de secouer, c’était la dictature. Il s’agissait de mettre à bas un régime évidemment attentatoire aux droits de l’homme. Ce qui explique que là c’est une revendication très claire, comme nos révolutionnaires de 1789 qui demandaient l’abolition de la monarchie.
C’est vrai que à Londres ces jeunes comme d’ailleurs en 2005 en France, on va apprendre très vite que ce ne sont pas des voyous, que ce ne sont pas des délinquants, que beaucoup sont à l’école, certes dans des parcours modestes, mais dans des parcours. Il est vrai que par rapport aux jeunes indignés d’Espagne, par exemple, aux jeunes indignés grecs, s’agissant de jeunes de milieux populaires ayant un rapport au langage très difficile ne peuvent par arriver en centre ville de Londres et dire «nos revendications c’est: nous voulons réussir en classe, nous voulons un emploi, nous voulons pouvoir être autonomes, quitter nos parents ».
C’est la raison pour la quelle c’est le rôle des sociologues de regarder derrière ce qui peut justifier quelque chose qui va être rapidement qualifié de violence gratuite, si l’on ne voit pas effectivement les raisons qui poussent à ce genre de violences.
Qu’est-ce que doit faire le gouvernement ou les forces de l’ordre, notamment en France, pour guider ces jeunes, pour prévenir ce genre d’émeutes?
D’abord, il doit éviter de faire des déclarations aussi enflammées que les violences qu’ils veulent contrer, quand Monsieur Sarkozy en 2005 ou Monsieur Cameron aujourd’hui mettent en avant la répression. Ca ne peut être qu’une solution entre guillemets à très court terme. Certes un gouvernement a le devoir de maintenir l’ordre public, ça personne ne le contestera mais il a aussi le devoir de comprendre pourquoi on en est arrivé à pareille situation.
Donc je redis ce que je dis depuis hier: il faut pouvoir ouvrir un dialogue avec cette jeunesse en grande détresse, avec ses représentants, les associations. Ce qui est une manière de prendre acte de la réalité, de la gravité du problème et donc des jeunesses du monde entier, qui même diplômées, sont aujourd’hui les unes et les autres aspirés par l’exclusion. Car les diplômes aujourd’hui protègent de moins en moins, c’est un parapluie pesé. Ces jeunes londoniens ont besoin d’être reconnus comme des êtres humains qui ont le droit de vivre dans des conditions décentes. Une fois que ce dialogue est ouvert on peut imaginer des médiations donc faire intervenir entre le pouvoir et la jeunesse un médiateur.
Il faut imaginer des solutions pour que l’on passe de la formation à l’insertion économique, d’une manière naturelle.
Vous pensez que là, en ce moment et notamment en France, la police et les forces de l’ordre sont bien équipées et bien formées pour faire face à ce genre de manifestations ?
Je pense que oui. Elles ont l’avantage, peut-être, de l’expérience par rapport aux maintien de l’ordre. Donc c’est vrai que je pense que pour la science de la « matraque » la France est bien servie, on l’a vu d’ailleurs en 2005.
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