samedi 27 août 2011

L’entreprise exportatrice face à la mondialisation dans la Tunisie postrévolutionnaire

Hatem Karoui Conseiller en exportation
Jeudi 25 Août 2011

L’angoisse des hommes d’affaires tunisiens est palpable après la révolution. Tout le monde parle Politique et jamais Economie. Et pourtant les exportateurs tunisiens sont terriblement angoissés et ont hâte que tout ceci se termine, que la Tunisie se stabilise et que le flux des biens et des services vers les marchés extérieurs reprenne normalement son cours. 
De la même manière les partenaires étrangers ayant l’habitude de commercer avec la Tunisie sont perplexes. Il y a d’abord les chefs d’entreprises délocalisées concentrées dans les secteurs Textiles et IMME qui se demandent si les perturbations ne vont pas reprendre et qui avaient pour certains après le 14 janvier commencé à plier bagages et pour d’autres s’étaient mis à lorgner vers d’autres sites d’investissement moins risqués. Il y a ensuite les importateurs qui se demandent notamment si les patrons tunisiens ont surmonté la crise et si les mécanismes d’assainissement en cours n’affecteront pas leurs affaires. A cet égard les remous provoqués récemment par les scandales découverts dans la gestion du secteur de l’huile d’olive en représentent un exemple édifiant. 
Mais au fond tout ceci n’est que conjoncturel et les exportateurs tunisiens ont eu à faire face aussi bien durant l’ère Bourguiba que dans l’ère Ben Ali à de nombreux problèmes de fond non encore résolus. 
En effet, l’entreprise exportatrice tunisienne avait été structurellement confrontée à de nombreux enjeux liés au monde implacable des affaires sur le marché international, notamment au niveau de la fiabilité des partenaires potentiels à laquelle elle n’était pas spécialement préparée alors qu’elle est traditionnellement habituée auparavant à vendre sur un marché local exigu et même ingrat. 
Confrontée à de tels défis difficiles à relever, l’entreprise exportatrice ne pouvait pas éviter dans une économie en voie de développement, de compter sur l’assistance de l’état. D’où la mise en place tant bien que mal par les pouvoirs publics dès l’indépendance d’un encadrement institutionnel assez diversifié pour l’assister dans ses premiers pas sur le marché international. Le pivot central de ce mécanisme de soutien avait été représenté sans contexte par la création du Centre de Promotion des Exportations, établissement public sous la tutelle du Ministère du commerce crée en 1973. Ce dernier était supposé donner un appui à l’exportateur notamment au niveau de l’information commerciale essentielle qu’il pouvait lui apporter sur la composition et les articulations des marchés extérieurs. A ce rôle se sont greffées progressivement d’autres attributions concentrées sur l’assise adéquate de son image auprès de ses partenaires étrangers potentiels, ce qui supposait naturellement un effort financier considérable qui venait s’ajouter à l’investissement promotionnel assez limité fourni par l’opérateur économique privé. 
Cet investissement limité se traduisait comme nous l’avons souligné précédemment par la concentration antérieure de l’opérateur sur le marché local. Ce dernier aurait voulu continuer à ne pas prendre de risques, mais la concurrence acharnée dans un marché de plus en plus exigu, ajoutée au développement insidieux du commerce informel ne lui avait pas laissé le choix. Il avait commencé par se focaliser sur les voisins immédiats de la Tunisie pour vendre ses produits, mais là encore la concurrence est rude compte tenu des aléas politiques dont il avait découvert l’existence avec amertume au fil des ans. 
L’état, devant l’enjeu majeur de la fonction des exportations dans le développement économique du pays avait ensuite bien entendu pour amoindrir le risque d’accès aux marchés extérieurs, consolidé la capacité d’intervention de cet organisme public et d’autres, tout en prenant en parallèle une série de mesures et des incitations réglementaires d’ordre financier et fiscal pour fournir à l’entreprise exportatrice tunisienne plus de chances d’accès avec succès au marché international. 
Mais la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’environnement institutionnel actuel des exportations est suffisamment à même de pouvoir répondre à la demande d’assistance et des exportateurs ? 
La première série de questions en relation avec ce thème a trait au fait de savoir ce qui dans la Tunisie postrévolutionnaire va permettre aux choses de changer. Comment par exemple faire davantage prévaloir la voix des régions ? Comment savoir si l’état joue effectivement le rôle qui lui est attribué ? Comment la coloration multi-partisane va-t-elle influer sur le processus de décision en relation avec le politique menée par l’état en matière de promotion des exportations ? 
La seconde série de questions que nous aurions à nous poser à ce sujet est de connaitre tout d’abord en quoi consiste exactement et en priorité l’assistance demandée ? Flux d’informations commerciales et éclairage sur les marchés extérieurs? Financement de la promotion? Financement des ventes ? Participation logistique à la promotion des ventes ? 
La troisième série de questions se rapporte au rôle de l’état pour aboutir à cet objectif. L’état est-il le seul à poursuivre l’aboutissement des efforts de succès et l’acquisition de résultats par l’entreprise exportatrice ? Cette dernière ne doit-elle pas compter en parallèle ou à travers une solution alternative sur l’assistance du secteur privé ? 
Pour pouvoir répondre au moins en partie à ces questions procédons pour commencer à un peu de benchmarking. 






L’entreprise exportatrice face à la mondialisation dans la Tunisie postrévolutionnaire
Une institution publique d’encadrement du commerce extérieur à vocation nationale dans un système multi-partisan 

Il est évident que le multipartisme aux élections ne va pas modifier de façon tranchée le mécanisme de prise de décision dans les entreprises publiques ou les établissements publics, surtout celles à vocation nationale. Ce principe est autant valable pour le CEPEX que pour d’autres institutions publiques d’encadrement du commerce extérieur. La règle est que le parti ou la coalition majoritaire dans les élections préfigure et stimule l’ossature du gouvernement, et c’est le gouvernement à son tour qui influe sur la décision du président de la république dans la désignation des premiers responsables des structures économiques étatiques qui établissent la politique économique du pays durant le mandat politique prévu ou en cours. Toujours est-il que même avec un tel schéma, la coloration politique partisane différente n’est pas absente dans le processus de décision, dans la mesure où les élections municipales décentralisées peuvent dégager une autre majorité qui fait contrepoids, raison pour laquelle le chef de l’entreprise nationale tient compte des critiques, des suggestions et des propositions formulées par la collectivité locale quand à la conformité de la politique de l’état avec les intérêts de la région ou de la collectivité. En l’absence du respect de ce poids de pondération, l’autorité politique peut essuyer des critiques beaucoup plus acerbes pouvant lui couter la perte de sièges dans les prochaines élections législatives. 
Ce risque ne signifie pas que le chef d’entreprise ne fait pas son travail avec compétence pour asseoir la poursuite de l’intérêt national notamment en matière de promotion des exportations mais la prudence lui commande de faire en sorte d’installer au sein du Conseil d’Administration de son établissement des représentants des régions. Ces derniers veillent à l’absence de marginalisation des entreprises exportatrices de la zone à laquelle ils appartiennent et à leur implication forte dans les actions promotionnelles engagées (foires et salons, missions d’hommes d’affaires, études, organisation de séminaires de vulgarisation au plan régional…). Normalement le système de discipline partisane et le droit de réserve au sein de l’administration étatique impliquent la soumission en bout de compte à la décision finale du chef d’entreprise qui a en plus une voix prépondérante au conseil d’administration, mais ce n’est qu’une apparence car dans un système démocratique, les voies d’expression antagonistes ou antithétiques sont possibles notamment par voie de presse. 
Il ne faut pas oublier non plus que les établissements publics comme le CEPEX bénéficient de l’autonomie administrative et financière. S’ils sont subventionnés et ne disposent pas de ressources propres ou si peu, ils peuvent théoriquement décider de façon indépendante de la politique promotionnelle à suivre par l’entreprise avec simplement un contrôle épisodique de gestion exercé par l’autorité de tutelle, en l’occurrence le ministère concerné. Cette autonomie donne les coudées franches au chef d’entreprise et l’obligation à laquelle il est tenu, est davantage une obligation de résultat que de moyen. La sanction en est le renouvellement de la confiance du chef de l’état qui le nomme par décret sur proposition du premier ministre. L’autre sanction est son départ s’il ne donne pas satisfaction. Mais en politique après des dizaines d’années de pseudo-démocratie, cela ne se passe pas ainsi et il doit en plus de ses qualités de technocrate avéré et confirmé faire preuve d’allégeance sans faille au régime politique dictatorial. Et c’est là où les nouvelles donnes apparaissent selon lesquelles on juge le chef d’entreprise essentiellement sur la base de compétences techniques intrinsèques et non à son degré d’habilité dans la politique politicienne. 

Par ailleurs il est sûr que certains schémas de fonctionnement des institutions continueront à avoir cours mais il est clair que le népotisme, le favoritisme commenceront à être sévèrement contenus. Un exportateur X ou Y ne pourra plus continuer à cumuler la direction de holdings sans payer ses impôts parce qu’il est apparenté à la « famille ». On ne pourra plus lui refiler des tuyaux en catimini sur les marchés extérieurs parce que c’est le copain du PDG. On ne créera plus pour lui des lois sur mesure pour qu’il puisse faire fuir ses capitaux …avec lesquels il investit dans l’immobilier à Paris ou Londres. En sachant que de telles lois fonctionnent comme des trappes : Une fois l’opération délictueuse achevée, on recouvre la surface et tout redevient comme avant…Et bien sûr il ne pourra plus compter sur le gouverneur de la banque centrale pour couvrir ses crédits douteux et sans garantie… 
Autrement, les autres institutions d’encadrement de l’exportation, publics, parapublics et privés continueront à jouer leur rôle de contrepouvoir mais plus sainement…Les chambres de commerce, le club des exportateurs, le syndicat patronal, les chambres mixtes et j’en oublie seront associés à la prise de décision du CEPEX et de son autorité de tutelle pour les grands choix économiques. 
Les magouilles vont-elles disparaitre pour autant ? Certainement pas…Il faudrait tirer les leçons de ces 23 ans de dictature notamment par la promulgation de lois plus précises sur les trusts et les cartels, et prendre des mesures permettant la meilleure répartition des richesses et éviter le pillage et la spoliation de notre patrimoine…Et cela supposerait un travail sur le long terme… 

Qu’en est-il de l’acquisition de l’information commerciale sur l’entreprise exportatrice ? 

L’information commerciale est le nœud gordien du commerce international. Comment la maitriser ? Comment l’obtenir ? That is the question ! 
En partant de l’exemple tunisien, il faut savoir que des bases de données sur les entreprises exportatrices existent mais celles-ci sont confidentielles. Les affaires dans le monde entier sont basées sur la discrétion et pas de doute que le monde des affaires est un espace fermé. Il ne faut que votre concurrent apprenne votre chiffre d’affaires à l’export sans que vous le communiquiez vous-même. Et si cela arrive, cela voudrait dire que l’administration tunisienne qui le connait obligatoirement a été son complice et vous a trahi. C’est pourquoi l’un des acquis de cette révolution serait sans doute le retour au respect de la confidentialité des renseignements sur l’entreprise et circonscrire leur usage à des études internes. 
Dans les pays occidentaux la divulgation de telles données est pénalement répréhensible et punissable sans compter les sanctions d’ordre administratif. S’il vous vient à l’esprit d’offrir un petit cadeau à un fonctionnaire des douanes à l’étranger, sachez que vous pourriez être mis en examen pour tentative de corruption ! 

Reste des solutions consensuelles que l’entreprise exportatrice agrée, c’est lorsqu’elle accepte à l’occasion de trophées ou de récompenses de délivrer des données sur ses ventes. Ainsi en a-t-il été le cas les deux dernières années lors de l’organisation du TEXMED et de l’octroi des TEXMED AWARDS. Certains journaux, à l’exemple de l’économiste Maghrébin, publie annuellement le Top 500 des entreprises économiques tunisiennes les plus performantes (à la fois sur le marché local et à l’exportation) en recueillant les informations publiées volontairement auprès des entreprises. Une réserve toutefois : Il faut que nos entreprises exportatrices fassent attention à l’appel des sirènes et évitent de consentir trop facilement à participer à un concours à l’étranger de nature seulement à leur faire obtenir un trophée fictif et sans valeur. Autrement l’entreprise exportatrice peut en accord avec une base de données internationale payante comme le COMPASS (généralement accessible sur Internet sur la base d’un code confidentiel) délivrer certaines de ses données mais non ses ventes tel que : le nombre d’employés, le type de produits qu’elle commercialise, les marchés qu’elle touche, etc… 
Sinon il existe des bases de données internationales gratuites et libres accessibles sur Internet et sur annuaire comme les « Pages Jaunes », les « Pages Blanches », l’annuaire de l’UTICA…qui publient restrictivement les coordonnées de l’entreprise…Et peut-être aussi quelques opérateurs téléphoniques comme TUNISIANA. 
Le CEPEX possède lui-même sa base de données sur les exportateurs tunisiens. Dans le passé il faisait publier un catalogue illustré appelé TUNISIA EXPORT. Actuellement il publie uniquement des brochures sectorielles actualisées à la rupture du stock et fait également publier les adresses des entreprises avec un code d’accès sur son site WEB. 
Dans certains pays occidentaux et même dans les pays émergents à tradition de commerce extérieur développé comme l’Afrique du Sud, certains opérateurs privés diffusent par voie d’abonnement payant des données sur les entreprises locales. EASY DEX en RSA et EUROPAGES en France publient par exemple des données sur les entreprises. EASY DEX communique même la race de l’opérateur (Blanc ou Noir !). Cela tient d’un vieux réflexe raciste datant de l’Apartheid (mais qui existe aussi aux Etats Unis d’Amérique où on marque la race sur la carte d’identité). La personne qui consulte la base veut alors s’assurer de la fiabilité du partenaire potentiel mais en partant de données « subjectives ». 
Il est vrai que ce problème existe beaucoup en Afrique, et en Nigeria particulièrement où on crée des sociétés fictives ou virtuelles, et notamment des institutions financières fantômes ayant même leur siège en Europe mais qui sont en réalité des fieffés escrocs. 
Reste un autre problème en Tunisie relatif aux bases de données publiques et confidentielles comme celle de la Direction d’Organisation et du Traitement de l’Information (DOTI) au Ministère de commerce qui n’actualise pas et ne met pas à jour régulièrement ses données brutes, ce qui rend impossible d’identifier toutes les entreprises nominativement par voie électronique et ceci rend plus difficile l’élaboration d’études internes pourtant nécessaires au suivi des performances des entreprises exportatrices. 

Informations commerciales payantes ou non payantes ? 

Comme déjà indiqué, certaines bases de données sur le commerce extérieur et notamment sur les entreprises exportatrices sont payantes. Cette rémunération des prestations offertes est conforme à la libéralisation du commerce mondial et à la privatisation planétaire du tissu économique. Certains organismes d’encadrement comme UBI France et AWEX Bruxelles (Belgique francophone) se sont dorénavant concentrés sur la fourniture d’informations commerciales en excluant de leurs attributions la promotion et le financement des entreprises se conformant aux vœux de l’Organisation Mondiale du Commerce qui appelle désormais les organismes privés à assurer cette fonction en s’appuyant sur la nécessité d’entreprendre et d’organiser entre les états un commerce loyal et à ne pas permettre aux organismes gouvernementaux de subventionner indirectement les exportations en procédant eux-mêmes à la promotion du secteur privé. 
Certains organismes comme UBI France adoptent une position intermédiaire en faisant facturer une bouquet de prestations de services qu’ils fournissent s’assurant ainsi partiellement des recettes propres alors qu’auparavant de tels organismes étaient complètement subventionnés par l’état. Le CEPEX en Tunisie s’oriente vers cette solution quoiqu’il doive auparavant mettre à niveau les prestations qu’il est susceptible de fournir aux usagers. Ce choix de non rémunération des services s’explique aussi par le fait que la Tunisie est un pays à économie intermédiaire et que son assistance ne vise pas les conglomérats et les holdings qui ont leurs propres capacités financières de promotion et un budget conséquent mais les petites PME possédant de faibles moyens promotionnels. 

Le conseil privé : un must ? 

Nous revenons maintenant au rôle du CEPEX en tant que pivot du système de circulation de l’information commerciale sur les marchés extérieurs au profit de la PME exportatrice. Il faut dire ici qu’il existe une information simple et une information élaborée qui est nettement plus coûteuse dans la mesure où elle implique parfois des voyages et des déplacements, des enquêtes et interviews sur place et procède davantage de l’étude de marché. Là encore la PME peu structurée compte sur le Centre pour l’assister et recueillir des renseignements précis pour son compte sur le marché visé. Mais la libéralisation implique que la PME apprenne à voler progressivement de ses propres ailes et peu a peu le secteur privé est allé chercher ces informations auprès des bureaux d’études et de conseil qu’il rémunère. Le CEPEX de ce fait a commencé à se désengager de son rôle tout en permettant à la PME exportatrice de bénéficier d’encouragements financiers pour procéder à la collecte d’informations autonome via un système de financement à coût très modéré, personnalisé notamment par le FAMEX et accessoirement par le FOPRODEX. Cependant actuellement le conseiller en exportation ne peut pas recourir lui-même au FAMEX et c’est l’entreprise exportatrice pour laquelle il effectue les recherches qui en exprime la demande. Le conseiller export ne peut donc pas présentement se positionner comme un exportateur direct mais comme un exportateur indirect de services et ce schéma est à revoir car l’entreprise qui le recrute tire davantage profit que lui de cette forme de financement qui se définit davantage comme un appui des autorités publiques car l’entreprise exportatrice industrielle en tant que donneur d’ordre peut exercer sur la société de conseil en tant que sous-traitant une forme de pression en ajournant par exemple indéfiniment la rémunération des prestations que sous traitant fournit ou en la fractionnant. 
Ces dérives qui avaient cours dans le passé doivent trouver des solutions par la permission à la société de conseil d’accès direct au financement de tels fonds d’encouragement. 
La PME exportatrice lorsqu’elle se développe peut encore créer elle-même en son sein un département ou une cellule export et procéder elle-même aux études et recherches sur les marchés étrangers toujours avec des formes d’encouragement financier de l’état. 
Toujours est-il que l’entreprise exportatrice dans les pays à économie développée et avancée recourent largement aux bureaux d’études et le conseil à l’export privé qui se distinguent uniquement des cabinets d’avocats d’affaires au niveau de la possibilité pour ces derniers de plaider en justice. 
La consultation d’un bureau de conseil dans ces pays est facturée même pour cinq minutes d’entretien ! Et on comprend la réticence du responsable de la PME exportatrice tunisienne de recourir au conseiller privé et sa volonté de poursuivre l’obtention des informations commerciales qu’il recherche auprès d’organismes comme le CEPEX. 
Par ailleurs les opérateurs économiques tunisiens ne sont pas rompus dans l’art de négociation et plongent derechef dans une spontanéité bon enfant en s’entretenant avec leurs partenaires étrangers potentiels avec parfois des gestes familiers (tape sur l’épaule, « khomsa », etc..) qui gênent l’interlocuteur (notamment anglo-saxon) sans essayer de s’enquérir préalablement auprès d’un conseiller qui maitrise le background culturel du client. Parfois ont-ils besoin aussi de ce faire accompagner par ce dernier dans les rendez-vous pour éviter les impairs. A titre d’exemple il faut savoir que dans la manière de conduire les affaires dans certains pays, une habitude est prise de faire contresigner aux présents à la fin de l’entretien un « mémorandum of understanding » pour éviter que la teneur secrète et confidentielle des propos échangés ne soit divulguée. 
En Occident de telles mœurs sont entrées dans la pratique des affaires et il faudrait qu’à notre tour on s’y habitue aussi en sachant qu’une information de qualité obtenue répond à l’objectif recherché préconisé par la célèbre règle du « Win-Win » (gagnant-gagnant). 


Il faut savoir qu’un jour ou l’autre le CEPEX et d’autres organismes du même type sont appelés –comme ils l’ont été ailleurs- à disparaitre car ils ne pourront pas répondre aux demandes de plus en plus pointues des opérateurs économiques dans un schéma libéral largement concurrentiel. 
Les Partis de gauche devraient dans leurs programmes politiques et économiques dont on commence à voir les prémisses tenir davantage compte de cette donne sérieuse. 
Le secteur public qu’il soit dans le secteur de la santé ou de l’enseignement secondaire et supérieur a donné largement dans le passé les preuves de ses faiblesses, et il n’est pas plus outillé dans le secteur du commerce extérieur car le moteur de la performance est l’intéressement. Une régulation du marché est certes nécessaire mais elle doit tenir compte de ce facteur. 

Quel est le profil des bénéficiaires des services offerts ? 

Il faut aussi mentionner qu’actuellement le principal fournisseur public des informations sur les entreprises du commerce extérieur et leur fonctionnement au plan national n’est pas le CEPEX mais la Compagnie Tunisienne d’Assurance du Commerce Extérieur ou COTUNACE. La fonction de cette entreprise est principalement de garantir les ventes des produits tunisiens sur les marchés extérieurs et c’est pour cette raison qu’elle doit disposer d’une base de données conséquente pour pouvoir évaluer les risques de couverture des contrats de vente à l’international. Elle puise donc ses informations auprès des différentes sources déjà indiquées au nom et place de l’exportateur tunisien qu’elle couvre obligatoirement car les banques ne prêtent généralement aux opérateurs que sur crédit « cotunacé ». 
La COTUNACE ne se suffit pas à ces sources et sous-traite auprès d’organismes similaires comme la COFACE en France pour recueillir des informations sur les entreprises importatrices et exportatrices. 
Les autres bénéficiaires de ses prestations basées sur des informations complexes touchant les entreprises sont les sociétés de recouvrement et de factoring qui commencent d’ailleurs déjà à proliférer en Tunisie. D’ailleurs sur le marché international les assureurs travaillent en étroite collaboration avec les recouvreurs de dettes ou factors. 
Le recouvrement touche apparemment en Tunisie le commerce interne mais c’est loin d’être le cas. La raison en est d’abord que l’on doit connaitre avec précision les associés potentiels avec lesquels on projette de s’engager pour un marché à l’exportation. Ensuite le recours aujourd’hui à un recouvreur performant et efficace est bien plus utile que de disposer d’un recours pénal contre l’émetteur d’un chèque sans provision. La tendance mondiale à base anglo-saxonne s’oriente en effet vers la dépénalisation des chèques sans provision et l’ouverture des frontières pour le commerce encourage à confier son avenir à un bon recouvreur qu’à un bon avocat. 
Actuellement on s’affole un peu trop après l’amnistie accordée dernièrement aux coupables d’émission de chèque sans provision. Le plus important dans l’avenir est le traçage des entreprises, l’établissement de personnes physiques et morales blacklistées et leur poursuite. La démocratisation du système judiciaire, l’indépendance de la magistrature et le recours à des sociétés de recouvrement possédant des données fiables permettant de contrôler la solvabilité des entreprises, sont alors bien plus en mesure de leur donner des garanties de remboursement que leurs « chèques en bois ». 
Dans le système libéral anglo-saxon il ne fait pas bon d’avoir des dettes et les recouvreurs poursuivent le pauvre endetté jusqu’à ses derniers retranchements. Le plus grand exemple en est constitué par la récente bulle des subprimes aux Etats Unis. 

Et la structure juridique des entreprises exportatrices ? 

La structure juridique des entreprises (personne physique, SARL, Société anonyme, société totalement exportatrice et partiellement exportatrice…) importe aussi car elle a notamment un impact au niveau de la réglementation des changes et à celui des conditions d’accès en encouragements financiers et fiscaux prévus au sein du code tunisien d’encouragement des investissements, par la loi sur les sociétés de commerce international et par quelques autres textes juridiques. 
Actuellement et compte tenu de la réglementation des changes et de la convertibilité partielle du dinar les entreprises exportatrices résidentes sont privilégiées au niveau des mesures d’incitation qui leurs sont accordées car elles sont tenues à l’obligation de rapatriement des devises que leurs rapportent leurs ventes. Mais devant le projet de rendre le Dinar complètement convertible cette différence est appelée à s’estomper. 
L’avantage actuel des entreprises résidentes se situe au niveau de l’accès aux encouragements du FOPRODEX mais il n’existe pas de restriction d’accès aux encouragements d’accès au FAMEX. Toutefois l’ouverture de filiales et de bureaux de liaison à l’étranger est encore conditionnée par la nature juridique résidente de l’entreprise et ce pour pouvoir bénéficier des différents plafonds en devises calculés à partir du chiffre d’affaire annuel de cette dernière. 
Les entreprises exportatrices en s’externalisant et en développant des filiales et des branches à l’étranger ont tendance pour une raison de souplesse à se transformer en sociétés anonymes plus adaptées au plan juridique à l’exportation que les SARL qui dans le passé privilégiaient cette forme d’association pour pouvoir consolider leur nature familiale. Bien entendu d’autres formes possibles de sociétés exportatrices peuvent exister mais il semble évident que l’exportateur personne physique que l’on trouve de manière virtuelle dans les statistiques du commerce extérieur soit appelé à disparaitre ou à survivre difficilement dans ce système largement concurrentiel. 
Quel lien entre la structure juridique de l’entreprise et l’accès à l’information commerciale ? C’est bien sûr un lien indirect car plus l’entreprise est outillée juridiquement plus son champ de manœuvre est étendu sur les marchés extérieurs. 
En fin de compte l’entreprise exportatrice doit dans l’avenir s’adapter constamment et surtout prendre de plus en plus conscience de l’importance de la veille concurrentielle en créant en son sein une cellule d’intelligence économique…Car au-delà des sous qu’elle peut obtenir de la part de l’état c’est bien la qualité de l’information commerciale dont elle dispose qui va lui permettre de tirer elle-même profit de ses ventes sur le marché international et de contribuer par là-même à la croissance de la Tunisie. 

HK 

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