mardi 6 septembre 2011

Alain Chouet, ancien responsable de la DGSE : « Le trafic de drogue en Afghanistan est assuré par des militaires américains »



par Ian Hamel - publié le mercredi 7 septembre 2011

C’est un ouvrage particulièrement dense que nous livrent Alain Chouet, ancien chef de service de sécurité à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), interviewé par Jean Guisnel, journaliste au Point, spécialiste des questions militaires. « Au cœur des services spéciaux » (*) ne se contente pas de mettre les pieds dans les plats. L’ouvrage piétine carrément certains plats, notamment en ce qui concerne le printemps arabe.

80 à 90 % de la morphine base
L’ancien responsable de la DGSE rappelle qu’en 2002, l’Occident a mis sciemment en place en Afghanistan un gouvernement fantoche et mafieux, avec à sa tête, Hamid Karsai, le plus minable des « parrains ». Les chefs de bandes afghans se sont ensuite répartis « les rentes du pouvoir, les revenus du pavot, la manne de l’aide internationale ». Pour rappel, 80 à 90 % de la morphine base mondiale provient d’Afghanistan.
Le plus compliqué n’est pas de produire de l’opium, mais de l’exporter vers les consommateurs, sachant que l’Afghanistan n’a pas de débouché maritime. Contrairement à ce que croit l’opinion publique, la drogue ne rejoint pas l’Europe et les Etats-Unis par des routes défoncées et de vieux rafiots rouillés, mais par les voies aériennes, les gros porteurs de l’armée américaine. Et celle-ci contrôle tous les aérodromes du pays…
L’ancien chef du renseignement de sécurité ne dit pas que c’est l’armée américaine qui assure le trafic. Mais plus sûrement des militaires, qui arrondissent ainsi leurs soldes, et surtout les mercenaires engagés dans les sociétés militaires privées « pour assurer des tâches de logistique, d’intendance, de transport et même d’engagement opérationnel ».
Pression sur les armées
Les chapitres consacrés au « printemps » arabe risquent de faire grincer quelques mâchoires. « Les Arabes et les musulmans sont comme tout le monde, ils préfèrent la démocratie et la liberté à la dictature et à la répression », insiste Alain Chouet, soulignant que les habitants du Nord de l’Afrique n’ont pas attendu 2011 pour se révolter. Il y a eu des émeutes et des manifestations en Tunisie en 1969, 1978, 1980, 1984, 2000, en Egypte en 1968, 1977, 1986, 1987, 1995. Et qu’en Libye, les tentatives de coups d’Etat militaires contre Kadhafi « étaient quasiment mensuelles pendant la décennie 1980 ».
Seulement voilà, l’Occident ne s’en préoccupait pas et les médias n’en parlaient guère. Qu’est-ce qui a changé cette année ? Non seulement l’Europe et les Etats-Unis se sont intéressés à la contestation dans le monde arabe, mais ils sont intervenus… indirectement. Du moins en Tunisie et en Egypte, en faisant pression pour que les armées ne jouent plus leur rôle traditionnel de répression.
Visées sur la Cyrénaïque
Au lieu de jeter les dictateurs dehors en envoyant des soldats américains, comme George Bush en Afghanistan et en Irak, Barak Obama préfère faire jeter aux orties les dictateurs « par leur propre armée », assure l’ancien responsable des services spéciaux français. Pessimiste en ce qui concerne la Tunisie, très pessimiste pour l’Egypte, Alain Chouet est carrément alarmiste quant au devenir de la Libye.
Il souligne que la révolte a débuté le 15 février en Cyrénaïque, dans la région de Benghazi, « avec l’apparition brutale de civils armés ». Or, curieusement, les observateurs étrangers ne se sont pas demandés comment des centaines d’hommes sont apparus « armés de canons B7 et B10 sans recul, de canons bitubes anti-aériens, des mitrailleuses de 500 et 800, des lance-roquettes individuels ».
L’auteur de « Au cœur des services spéciaux » n’exclut pas que le haut commandement égyptien ait pu recevoir la promesse de la part des Américains que la Cyrénaïque, riche en pétrole, soit un jour rattachée à l’Egypte, surpeuplée, et qui manque cruellement de ressources.

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