dimanche 2 octobre 2011

11 Septembre :Épouvantails, autruches et perroquets. film documentaire 100 mn


Visionner le film documentaire (100 minutes):




11 septembre : faites entrer le journalisme !
Après la démesure médiatique consacrée aux commémorations du 11 septembre, un documentaire inattendu et courageux s’adresse à nos neurones avant nos tripes. Son titre ? « Épouvantails, autruches et perroquets - Dix ans de journalisme sur le 11 septembre ». Ou la remise en questions du traitement médiatique de l’évènement terroriste ayant façonné notre entrée dans le 21ème siècle. Percutant et didactique, le film d’Olivier Taymans est un ovni journalistiquemade in Belgium. Sans autre diffusion que celle du net. Percutera-t-il les dirigeants d’une profession en crise, répugnant à l’introspection critique ?
4 OCTOBRE 2011
Olivier Taymans 
« A partir du moment où une vérité est martelée par presque l’intégralité de tous ceux qui ont la parole dans une agora déterminée, on en vient à se taire, à ne plus oser prendre la parole à contre-courant parce qu’on risque d’être stigmatisé comme fou, inconséquent ou déviant ». Ces mots du professeur de journalisme, Jean-Jacques Jespers (ULB), plantent le décor ou plutôt la pression sociale liée au film d’Olivier Taymans. « Épouvantails, autruches et perroquets » s’attaque en effet à la plus violente controverse mondiale de ces dix dernières années. Par le biais d’un angle original : l’examen de la couverture des médias sur la décennie de développements qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001. Une entreprise aussi risquée qu’indispensable ...
Pourtant, rappelle Taymans, il n’en fût pas toujours ainsi. Le jour des attentats comme les mois suivants, la parole était libre, la critique permise, le questionnement encouragé. En direct de Manhattan le matin du 11 septembre 2001, le journaliste d’ABCDon Dahler, reformule ce qui lui vient spontanément à l’esprit : « Le second building à avoir été frappé par un avion vient de s’effondrer complètement ! L’immeuble entier s’est écroulé comme si une équipe de démolition ... comme lorsqu’on voit des démolitions de bâtiments anciens. Il s’est replié sur lui-même et n’est plus là ! ».
De l’autre côté de l’Atlantique, c’est « L’effroyable imposture » de Thierry Meyssan qui conteste la version officielle de l’attentat du Pentagone. Sans que cela ne cabrent les médias francophones, souligne Taymans : « Après la publication de son livre, Thierry Meyssan bénéficie d’un traitement journalistique normal. Il est invité sur plusieurs plateaux de télévision pour des débats aujourd’hui impensables lors desquels on discute calmement des qualités et des défauts de son livre ».
Diabolisation et propagande
Très vite, le ton change ! Le journalisme fait place à l’injonction propagandiste. Comme dans la sinistre émission concoctée par Daniel Leconte (Arte) en 2004 : « Que s’est-il passé pour que tant de gens basculent dans la bêtise ? Que s’est-il passé surtout, pour que des médias de masse leur offre une tribune royale qui leur permet de toucher le grand public ? Retour sur ce naufrage de l’intelligence. Regardez ! » ... Devenu « l’homme à abattre », Thierry Meyssan est diabolisé et exclu des médias traditionnels. « Sans jamais contredire sur le fond ses thèses », précise Taymans. Interrogé sur CNN, Guillaume Dasquier ose un « postulat sociologique » sorti de nulle part : les lecteurs de Meyssan« sont d’un très faible niveau social, la majorité n’est jamais allée à l’école et ils ont également un très faible niveau culturel ».
Le film décortique ensuite la « déontologie » de Leconte, grand prêtre de la diabolisation médiatique des sceptiques envers la version officielle. « Ce qui compte à leur yeux, c’est une vision a priori du monde », lance Leconte face caméra. « Un bricolage idéologique où se mélange pêle-mêle une détestation de l’univers démocratique, une conception policière de l’histoire et une culture systématique de l’excuse au bénéfice de tous les dictateurs de la planète qui ont déclaré la guerre à l’Occident. Eh bien, c’est ce phénomène étrange que nous avons tenté de suivre à la trace. Voici ’ Le grand complot ’ ! C’est un film Docs en stock pour Arte, signé Antoine Vitkine et Barbara Necek » ...
Problème : dans sa quête visant à tirer les téléspectateurs vers le haut, Arte a « oublié » de les informer d’un détail que révèle Olivier Taymans. La plupart des intervenants - dans les documentaires diffusés comme lors du « débat » en plateau - sont membres du Cercle de l’Oratoire. «  Un cercle de réflexion qui rassemble des intellectuels médiatiques (André Gluksmann, Pascal Bruckner, Nicole Bacharan), des journalistes (Antoine Vitkine, Elizabeth Schemla), des chercheurs (Antoine Basbous, Pierre-André Taguieffqui se sont mobilisés après le 11 septembre pour soutenir l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Irak et réagir à un anti-américanisme qu’ils ressentent omniprésent. Justement les principaux sujets qui ont été abordés » lors de ce Themadiffusé sur Arte.
En fin d’émission, Leconte promotionne avec enthousiasme un ouvrage écrit sous la direction de Michel Taubmann(« Irak, an I – Un autre regard sur un monde en guerre »). Mais les téléspectateurs ignorent qu’à l’époque le Responsable de l’info à Arte-Paris, Michel Taubmann, est également le fondateur du Cercle de l’Oratoire ! Et le rédacteur en chef du meilleur des mondes, la revue du think tank néo-conservateur ... « où l’on retrouve Brukner, Bacharan et Vitkine », conclut Taymans.
Ajoutons qu’il est amusant de retrouver à la barre de cette manœuvre « anti-complotistes », le même Taubmann qui, sept ans plus tard, défend sans sourciller « la thèse du complot » dans l’affaire Strauss-Khan-Diallo [1] ... Selon que vous traitiez de puissants ou de misérables, « l’argument » du complot vous sera ou non favorable.
Cinq doutes majeurs
Pour Olivier Taymans, l’auteur de référence sur les incohérences de la version officielle n’est autre que David Ray Griffin. Cet universitaire retraité, ex-professeur de théologie, est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages sur le 11 septembre. Sain d’esprit, Américain et patriote, il rejette « la théorie officielle du complot que nous ont servie le gouvernement et la Commission d’enquête et qui a été utilisée pour justifier les activités qui ont suivi le 11/09/01 ». Dans les médias francophones, Griffin a royalement décroché 37 secondes d’interview (portant sur des sujets annexes à son travail). Contre plus de 300 entretiens (portant sur ses ouvrages) réalisés par divers médias alternatifs dans le monde ...
Quels sont ces doutes qui ont conduit Griffin à écrire ses livres et que n’abordent jamais les médias traditionnels ? Le film en répertorie cinq. Un : les terroristes. Ou les noms des 19 pirates de l’air communiqués par le FBI trois jours après les faits ; doublé de la fumeuse histoire du passeport d’un des terroristes retrouvé intact dans les décombres des Tours. Des « infos » officielles qui provoquent ce commentaire acide chez l’ex-parlementaire belge, Paul Lannoye : « Il faut déjà être très naïf pour croire à des choses comme ça » ...
Deux : les explosions. Ou les centaines de témoins qui affirment avoir entendu des explosions juste avant l’effondrement de chaque Tour. Ainsi que ceux qui affirment la même chose pour le bâtiment n°7 ; ce troisième gratte-ciel qui s’est écroulé, dans l’après-midi du 11 septembre 2001, sans avoir été percuté par un avion. Trois : les délits d’initiés. Au sujet desquels Paul Lannoye évoque ceci : « Il y a eu une sorte de délits d’initiés concernant les compagnies d’aviation. Que des gens aient réalisé que quelque chose allait se passer me paraissait mériter une investigation. Lorsque j’ai posé la question au Parlement, personne n’a relevé, personne n’a répondu, on a fait semblant que je n’avais rien dit ... ».
Quatre : la diversité de la contestation. Ou les différentes catégories de professionnels qui ont fondé des associations exigeant une enquête véritablement indépendante sur le 11 septembre. « Il y a ’les vétérans pour la vérité sur le 11/9’ avec de nombreux ex-officiers militaires dont certains de haut rang », explique David Ray Griffin. « ’Les pilotes pour la vérité sur le 11/9’ et une nouvelle organisation : ’les architectes et ingénieurs pour la vérité sur le 11/9’ qui compte plus de 500 membres. Il y a aussi plusieurs anciens officiers de la CIA et du Renseignement. Oui, nous avons maintenant des gens d’une grande crédibilité ».
Ces personnes et associations ne sont pas interrogées par les médias traditionnels francophones lorsque ceux-ci traitent du 11 septembre [2]. A contre-courant, Taymans a interviewéRichard Cage, le fondateur d’ « architectes et ingénieurs pour la vérité sur le 11/9 ». Au sujet de l’absence totale de visibilité médiatique concernant l’objet de son association, l’homme se montre sans équivoque : « C’est clair qu’il s’agit d’un tabou. Les journalistes savent qu’ils ne peuvent pas en parler. Ils n’enquêtent pas sur le sujet. Je suis sûr qu’on leur a dit que cela n’avait aucun intérêt. Ceux qui ont essayé ont trouvé porte close partout lorsqu’ils ont tenté de publier sur ce sujet ».
Cinq : les films contestant la version officielle. Le plus célèbre : Loose change. Dans sa dernière version (2008), ce documentaire demeure, selon Taymans, « le film le plus complet sur toutes les incohérences de la version officielle des attentats ». Vient ensuite 9/11 press for truth qui retrace le combat d’un groupe de veuves américaines ayant contribué à la création de la Commission d’enquête sur le 11 septembre (2004). Entaché d’omissions cruciales et d’un manque flagrant d’indépendance, le rapport de cette Commission n’est plus pris au sérieux par grand-monde. Selon Taymans, le film est aussi une « réflexion intéressante sur le rôle des médias américains au sujet du 11 septembre ». Côté européen, la seule réalisation se nommeZéro enquête sur le 11 septembre (2007), signée par l’ex-député européen Giulietto Chiesa. Un film-enquête salué par le quotidien italien Il Corriere della Sera comme « un ensemble de contradictions, de lacunes et d’omissions d’une gravité impressionnante. Confirmant que la version officielle prend de plus en plus l’eau de toute part » ...
A quand le vrai débat ?
Jusqu’à aujourd’hui, chacun a pu constater que les conditions d’un vrai débat contradictoire sur le 11 septembre n’ont pas été favorisées par les médias traditionnels francophones. Exceptées certaines émissions, sur France Télévisions (2009), opposant les doutes de stars du show-business (Mathieu KassovitzJean-Marie Bigard) aux certitudes agressives de journalistes non spécialisés, rien de sérieux n’a été mis en place. Depuis près de dix ans, aucun débat n’a été médiatisé entre des acteurs légitimes et reconnus de chaque pan de la controverse. Que ce soit en radio, en télé et en presse écrite. Pour quelles raisons ?
Dans le film de Taymans, Jean-Jacques Jespers tente de répondre à cette question : « Pour l’instant, c’est un sujet tabou parce que les éléments troublants ou de remise en question découverts sont diffusés avec une extension qui n’a pas atteint le niveau au-delà duquel ça devient un évènement médiatique, relayé par les grands médias. Toute la question est de savoir si ce seuil est ou sera un jour atteint ? Et cela n’a rien avoir avec la vérité ou le sérieux de ceux qui font les enquêtes. Cela a avoir avec le système d’élaboration de la crédibilité en matière médiatique ».
En Norvège, ce « seuil » est dépassé depuis juillet 2006. Notamment grâce à l’éditeur et journaliste, Truls Lie. Il y a cinq ans, cet ancien directeur de l’édition norvégienne du Monde diplomatique a publié une série d’articles traitant des remises en cause de la version officielle des attentats. Articles interdits de diffusion française par le directeur du « Diplo » de l’époque, Maurice Lemoine. Malgré les tentatives de Taymans, l’actuelle direction du Monde Diplomatique « n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire » ... Commentaire de Truls Lie : « Pour moi, si on veut être un esprit critique et indépendant, avoir une réflexion autonome, on se doit de traiter ce sujet. C’est l’évènement le plus important de ces dernières années et il a entièrement modifié l’ordre politique ».
Son de cloche analogue chez un vétéran du journalisme norvégien, Sven Egil Omdal. Auteur d’une chronique hebdomadaire sur les médias, Omdal a signé un papier retentissant sur la controverse du 11/9. Repris dans quatre journaux norvégiens, celui-ci a touché plus d’un million de lecteurs. A mille lieues des sophismes d’un Guillaume Dasquier ou d’un Philippe Val, Omdal relate face caméra son raisonnement journalistique : « J’ai écris cette chronique pour dire : il y a un énorme débat en cours, il y a des médias alternatifs que nous ne pouvons pas ignorer, il y a peut-être des allumés ou des fous parmi eux, mais il y a aussi trop de gens instruits et trop de gens qui prennent réellement des risques en s’engageant dans ce débat pour que nous le laissions de côté »...
Concerné à double titre - professionnel et citoyen - par le film d’Olivier Taymans, il m’a paru essentiel de réaliser son interview ainsi que celle de notre confrère Bruno Clément. Editeur et présentateur de l’émission d’investigationsQuestions à la Une (RTBF), le journaliste du Service public a vertement remballé le réalisateur indépendant. Un épisode qui apparaît dans le film : Clément a été enregistré à son insu par Taymans via la technique du micro caché. Une pratique également utilisée par les journalistes de Questions à la Une afin de réaliser certaines enquêtes « difficiles » ...
Répugnant à toute introspection critique, a fortiori sur leur traitement de sujets sensibles, les dirigeants de médias francophones feront-ils les « autruches » face à l’existence du film de Taymans ? Ou désigneront-ils ce journaliste comme un nouvel « épouvantail » du négationnisme et de l’antisémitisme ? A ces questions d’une actualité francophone brûlante résonnent les mots du norvégien Sven Egil Omdal :« On ne devrait jamais reprocher à un journaliste de poser des questions. On peut nous critiquer pour avoir donner des réponses idiotes, mais jamais pour avoir poser des questions. C’est l’essence même de notre métier ».
Olivier Mukuna 


11 septembre : « C’est un sujet sale que l’on ne peut toucher que si l’on n’a plus rien à perdre »
Invité, puis déprogrammé de l’unique émission de radio de la RTBF sur les médias (la bien nommée : « L’envers des médias »), Olivier Taymans sort d’une projection-débat consacrée à son film par le cinéma bruxellois Nova. Entretien avec l’auteur du premier documentaire francophone sur le malaise journalistique autour des attentats du 11 septembre.
5 OCTOBRE 2011
Voir la 1ère partie de l’article sous le titre : « 11 septembre : faites entrer le journalisme ! ».
Olivier Mukuna : Comment vous est venue l’idée de questionner et de mettre en critique la couverture médiatique francophone des attentats du 11 septembre ?
Olivier Taymans 
Olivier Taymans : C’est venu en plusieurs temps. Lorsque Thierry Meyssan a sorti son livre (« L’effroyable imposture »), je l’ai interviewé dans une émission de radio que j’animais à l’époque (Radio Campus, ULB). Puis, j’ai cherché des contre-points aux thèses de Meyssan et j’ai trouvé plusieurs personnes qui critiquaient son travail avec sérieux. Je les ai aussi interviewées. Sans vraiment pouvoir trancher, il y a avait déjà matière à s’interroger sur le rôle des médias dans leur couverture du 11 septembre. Très vite, le traitement médiatique envers Thierry Meyssan n’a plus été ni honnête ni équilibré. Mais en tant que critique de médias, ce phénomène habituel ne m’a pas paru surprenant. Bref, je suis passé à autre chose. Jusqu’en 2004, où j’apprends qu’un troisième gratte-ciel new-yorkais, le bâtiment n°7, s’était effondré le 11 septembre 2001 (sans avoir été percuté par un avion, ndlr). A nouveau intrigué, ce qui va définitivement me lancer sur cette enquête, c’est une séquence diffusée en 2006 au JT de la RTBF. Il s’agit de ces fameuses images de l’attentat sur le Pentagone, prises d’une caméra de surveillance. Si l’on voit effectivement une explosion, on ne voit pas du tout ce qui percute la façade du bâtiment. De mémoire, ces images étaient accompagnées du commentaire journalistique suivant : « On voit brièvement et clairement un Boeing rentré dans le Pentagone et donc les théories du complot sont nulles et non avenues » ... Là, je me suis dit : « on est arrivé à un point où le gars peut dire le contraire de ce qu’il montre lui-même ! ». Il y avait une schizophrénie totale. Du coup, l’aspect psychologique de journalistes capables de faire cela m’a intéressé énormément.
Olivier Mukuna : Avec cette séquence de 2006 et d’autres, la plupart des journalistes ont-ils cessé de faire leur métier et, pour certains, sombré dans une propagande pro-américaine ?
Olivier Taymans : On peut le voir comme ça. En même temps, je refuse de tomber dans le piège, style : « regardez ces journalistes qui manipulent ! ». Ce qui m’intéresse, c’est la psychologie de ces journalistes qui ne constituent pas, à mes yeux, les dernières petites mains d’un « grand complot ». Toute l’idée de mon film réside là : examiner pourquoi un gars, qui n’a aucun intérêt apparent, dit le contraire de ce qu’il voit ? On voit pourtant tous la même chose que lui et ça nous amène à conclure qu’il n’y a rien sur ces images ! Sur le coup, les médias officiels sont tombés dans l’écueil qui consiste à mettre au service de leur thèse des images qui ne disent absolument rien et ne démontrent rien. Si ce journaliste ne trempe pas dans un quelconque « complot », alors, pourquoi agit-il de la sorte ? C’est ce qui m’a intrigué.
Olivier Mukuna : Dans votre film, chez chaque interlocuteur francophone, on sent une dose de malaise plus ou moins grande. C’est un documentaire sur dix ans de malaise journalistique ?
Olivier Taymans : Oui, mais le premier malaise, c’est celui qu’on ne voit pas : celui du journaliste responsable de l’incroyable séquence qui m’a lancé sur cette enquête. J’ai tout essayé auprès de la RTBF pour obtenir cette archive que je n’avais pas enregistré. D’une part, celle-ci illustrait parfaitement mon sujet et, d’autre part, c’est celle qui m’avait fait bouger. Puisque l’exploitation secondaire de ces images n’était pas autorisée, j’ai demandé au journaliste concerné sa permission pour disposer de son commentaire. Sur la base des mêmes images d’attentat circulant sur le net, j’aurais réalisé un montage avec sa voix off afin de redonner fidèlement ce que j’avais vu en 2006 au JT de la RTBF. Très sèchement, le journaliste m’a refusé cette archive sonore !
Abandonnant toute exploitation, j’ai demandé à pouvoir simplement visionner cette fameuse séquence. Refusé, également.
Ensuite, je suis parvenu à ce qu’une parlementaire interpelle la ministre de la Culture et de l’Audiovisuel en Communauté française. Sur base de l’Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui assure au citoyen un accès à l’information, la députée Florence Reuters (MR) a demandé au ministre Fadila Laanan (PS) : « Comment se fait-il qu’un réalisateur de documentaire n’ait pas le droit de visionner une séquence produite par le service public de la Communauté française ? ». La ministre a répondu à côté en tartinant sur les droits d’exploitation secondaire dont ne dispose pas la RTBF. Autrement dit, elle a répondu à l’impossibilité d’insérer ces images dans mon film mais pas sur l’interdiction qui m’était faite de les visionner. Florence Reuters ne s’y est pas trompée en répliquant : « Ce n’est pas la question, Madame la ministre ! La question est : pourquoi n’a-t-il pas le droit de visionner ces images ? » ... L’incident était clos : je n’ai jamais pu voir cette séquence ; ne fût-ce que pour vérifier que je ne m’étais pas trompé, que je n’avais pas rêvé leur commentaire journalistique. C’était le premier malaise de mon enquête ; tellement fort, qu’il a échappé à la caméra ! Il y a en d’autres, mais laissons aux spectateurs le soin de les découvrir.
Olivier Mukuna : A deux exceptions, il n’y a aucun journaliste belge francophone qui s’exprime dans le film. Ils ont tous refusé vos demandes d’interview ?
Olivier Taymans : Exact. J’ai interpellé une série de journalistes qui, systématiquement, soit me fuyaient et me renvoyaient vers quelqu’un d’autre soit s’énervaient et m’insultaient. Si on leur dit que ce sujet « 11 septembre et médias » les terrorisent, ils vont le nier. Pourtant, force est de constater qu’il y a un malaise. Je me souviens aussi de ce journaliste d’un grand quotidien belge, auteur d’un article posant la question : « Peut-on enquêter sur le 11 septembre ? ». Rendez-vous fût pris. Il semblait enthousiaste, disait que mon projet était « très intéressant » mais qu’il avait besoin de prétextes - c’est-à-dire d’un sujet d’actualité lié au contenu de mon film - pour rédiger un article. Le soir de notre entretien, je lui ai envoyé plusieurs prétextes d’actualité tels que, par exemple, la venue prochain de David Ray Griffin en Belgique. Jusqu’à ce jour, je n’ai plus eu aucune nouvelle de ce gars ...
Olivier Mukuna : En tant que critique des médias, qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les réponses que vous avez pu obtenir ?
Olivier Taymans : Ce qui m’a le plus surpris ? (bref silence) ... C’est de me faire insulter par Bruno Clément, (éditeur et présentateur de l’émission d’investigations Question à la Une (RTBF). Cet épisode est dans le film car il s’agit de la plus forte illustration du malaise journalistique concernant le traitement médiatique du 11 septembre. Néanmoins, je ne m’attendais pas du tout à une telle réaction de sa part. Chacun est libre de refuser une interview, mais en arriver, comme Clément, à perdre les pédales pour s’enfermer dans une attitude ordurière de rejet, je ne l’ai pas compris et ne le comprends toujours pas.
Olivier Mukuna : Vous ne pouviez ignorer que le seul fait de questionner le travail des médias et leur relais inconditionnel de la version officielle du 11 septembre allait vous exposer à des réactions de haine voire développer une diabolisation à votre endroit ...
Olivier Taymans : Oui, bien sûr. Si ce n’est que je n’ai pas le sentiment d’avoir eu la même démarche que, par exemple, Thierry Meyssan. Je ne pense pas avoir d’autre thèse que celle-ci : certaines choses signifiantes concernant le 11 septembre ne sont pas relayées par les grands médias. Ce qui me paraît absolument démontrable.
Prenons le fait qu’il existe une série d’associations de professionnels (soit des personnes compétentes dans les domaines qui touchent au 11 septembre ; ex-agents de la CIA, ingénieurs, architectes, pompiers, etc.), respectés par leurs pairs et non identifiés comme des agitateurs politiques ou des cinglés, qui déclarent que tel, tel et tel point posent des problèmes factuels et scientifiques. Des problèmes qui contredisent sur le fond les conclusions de la Commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre ! Eh bien, ce fait, hautement signifiant, n’est pas relayé par les médias ou alors de manière extrêmement superficielle.
Pendant la réalisation du film, on m’a effectivement souvent renvoyé que j’avais une « thèse » et que je tentais de l’illustrer en images. Ce n’est pas le cas : qu’il s’agisse de Jean-Pierre Jacqmin (Directeur de l’information à la RTBF, ndlr), d’Yves Thiran (ex-Directeur de l’éthique, puis Chef de rédaction des nouveaux médias à la RTBF, ndlr) ou de Bruno Clément, j’ai approché ces personnes sans thèse sur le fond des évènements. Ce n’est même pas le sujet du film ! Mon sujet porte sur la couverture médiatique de la contestation raisonnée et non-conspirationniste de la version officielle des attentats du 11 septembre.
Olivier Mukuna : Pour quels motifs cette contestation raisonnée est-elle interdite de parole dans les médias traditionnels ?
Olivier Taymans : Très bonne question ! Et dès qu’on cherche à y répondre, on devient un épouvantail prêtant aux amalgames et aux invectives. Si vous posez cette question, c’est que vous avez une « thèse ». Si vous avez une thèse, vous êtes forcément « conspirationniste », puisque vous soupçonnez l’existence d’un « grand complot » - il est toujours « grand », le complot ! - qui implique une bonne partie de l’élite américaine. En conséquence : vous êtes « anti-américains » et, sans doute, « antisémite » parce que « négationniste », puisque vous « niez » les attentats du 11 septembre.
Je n’ai jamais compris d’où venait cette locution absurde. De la remise en questions d’un évènement historique, on passe à la « négation » du 11 septembre lui-même. Amalgame complètement absurde, mais qui revient tellement souvent ... La rumeur selon laquelle les employés juifs du World Trade Center avaient été prévenus de ne pas venir travailler le 11 septembre 2001 a dû avoir sa néfaste influence. Pourtant, cette assertion est fausse et personne ne la relaye ; excepté quelques extrémistes qu’il est malhonnête d’amalgamer avec tous les gens qui osent remettre tel ou tel aspect en question.
Olivier Mukuna : Dix ans plus tard, vous êtes le premier journaliste francophone à réaliser un documentaire sous l’angle de la critique du fonctionnement médiatique. Vos confrères des médias traditionnels subissent-ils une totale absence de liberté ou sont-ils terrorisés par l’idée de faire leur métier … jusqu’à risquer de le perdre ?
Olivier Taymans : Sur ce type de sujet, je pense que la liberté se confond avec la curiosité. En travaillant pour les médias traditionnels, si vous cherchez vraiment à enquêter jusqu’au bout, vous vous confronterez à un manque de liberté. Bien sûr, on ne vit pas dans un État totalitaire avec le bâillon sur la bouche ; par contre, on fera tout pour que vous n’ayez pas les moyens d’enquêter ni de diffuser au plus grand nombre ce que vous avez à dire. Dans le cadre hiérarchique d’une entreprise, l’employeur ne vous donnera ni les moyens ni la liberté d’enquêter. En indépendant, il faut chercher des soutiens financiers, très difficiles à trouver pour ce type de documentaire. Avant de tourner, je suis allé voir un producteur belge de petite taille, ouvert et soutenant des projets alternatifs. Son refus n’a pas seulement été motivé par les aspects « sensibles » du projet mais aussi par mon manque d’expérience en documentaires. Je suis journaliste depuis quinze ans mais c’était mon premier film. Ce fait incontestable combiné au côté épineux du sujet ne l’a pas encouragé à me trouver des financements.
Néanmoins, j’ai obtenu un petit soutien financier de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias) que je tiens à remercier ici. Ceci étant dit, si je suis le premier sur un tel film, c’est aussi parce que d’autres documentaristes, plus expérimentés, ne cherchent pas à traiter le sujet. Peut-être parce qu’ils savent qu’ils n’obtiendront aucun financement ? Je n’en sais rien.
Olivier Mukuna : Ou peut-être craignent-ils des sanctions professionnelles capables de nuire définitivement à leurs carrières ?
Olivier Taymans : Certainement. C’est ce qui explique aussi la timidité - c’est un euphémisme ! - d’une partie de la gauche de la gauche que beaucoup attendaient sur cette controverse. Or, des intellectuels comme Noam Chomsky, les journalistes du Monde diplomatique ou les politiques classés à la gauche de la gauche sont parmi les plus virulents à se démarquer de ce sujet. A l’instar des journalistes qui font les autruches, ces gens-là craignent énormément de perdre leur crédibilité. Il y a eu tellement d’amalgames autour des remises en question de la version officielle des attentats du 11 septembre que nombreuses sont les personnalités qui ne s’associeront pas à de telles interrogations ; de peur que toutes leurs autres activités, journalistiques ou militantes, soient frappés de ce sceau d’infamie.
C’est la loi du « Qu’en dira-t-on ? ». La peur qu’on dise : « Monsieur X ? Oui, mais vous savez qu’il fricote avec les conspirationnistes ! ». C’est une sorte de contagion de la décrédibilisation qui est encore à l’œuvre. En cela, une partie des Français présents dans le film, qui n’ont cessé à crier à l’antisémitisme et au négationnisme, ont engrangé un certain succès. Ils sont parvenus à ce que des interrogations légitimes constituent désormais un « sujet sale », qu’on ne peut toucher que si l’on n’a plus rien à perdre ...
Olivier Mukuna : Unanimement respecté dans le milieu du journalisme belge, Jean-Jacques Jespers qualifie votre sujet d’enquête de « tabou » journalistique mais semble, lui aussi, marcher sur des œufs ...
Olivier Taymans : Jean-Jacques Jespers est dans une position intermédiaire. Après trente ans de journalisme à la RTBF, il est désormais Professeur de journalisme à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et n’est plus loin de l’âge de la retraite. A ces différents titres, il bénéficie de plus de liberté d’expression que d’autres. Sa position intermédiaire se reflète aussi sur le fond du dossier. Jespers estime qu’il y a beaucoup d’éléments troublants mais en reste, grosso modo, à la position suivante : « Les autorités américaines ont sans doute eu une attitude d’ignorance coupable. Ils étaient sans doute au courant des projets d’attentats et les ont laissé se dérouler parce que cela les arrangeait bien ». C’est déjà un grand pas pour quelqu’un qui a une crédibilité à défendre.
Olivier Mukuna : Le cap de la commémoration des dix ans va-t-il favoriser un vrai débat contradictoire sur cette couverture médiatique bancale comme sur le fond du dossier ?
Olivier Taymans : Cela me paraît assez mal parti. En période de commémorations, on revient principalement sur l’émotionnel, les victimes, les témoignages. Ces aspects ont indéniablement leur place en journalisme. Mais ce ressort est aussi utilisé par certains pour affirmer que remettre en question « la vérité » demeure scandaleux vis-à-vis des victimes qui ont souffert. Pour ma part, je pense exactement le contraire. D’ailleurs, un grand nombre de familles des victimes du 11 septembre sont parmi les gens qui remettent les choses en question. Pour la sphère médiatique, à quelques exceptions près, il existe une antinomie entre cette émotion qu’ils véhiculent et les idées critiques de remise en question. Maintenant, à la décharge des journalistes, leur position est très inconfortable. J’ai eu des échos de certains journalistes qui ont tenté d’aborder le sujet dans leurs rédactions respectives. Avec prudence, ils ont développé l’une ou l’autre incohérence de la version officielle. Ils ont tous essuyé une réaction épidermique de rejet, qui vous fait vite comprendre que si vous voulez garder votre job, il ne faut plus insister !
Olivier Mukuna : « Position très inconfortable » dans l’espace francophone. Car votre documentaire montre qu’il en va tout autrement pour les journalistes norvégiens qui, eux, ne risquent pas de perdre leur travail en faisant leur travail …
Olivier Taymans : Oui, en Norvège, il y a au moins eu une véritable controverse. Tous les journaux n’ont pas rivalisé d’enquêtes ou de dossiers spéciaux sur le sujet, mais le vrai débat est possible. Jusqu’à l’intérieur d’un même journal où un rédacteur en chef n’a pas voulu en parler tandis que le responsable du même quotidien en ligne a décidé d’en faire sa « Une ». Tout cela se décide sans heurts et ne mène pas à une cascade d’anathèmes invraisemblables. Sur la controverse autour du 11 septembre, la particularité française de recours systématique à l’antisémitisme et au négationnisme a fort surpris les journalistes norvégiens. Ils ne comprenaient pas comment on pouvait relier les deux domaines. Le négationnisme et la remise en questions de la version officielle du 11 septembre n’ont en effet rien avoir entre eux. Si cette dérive est peu présente en Belgique, elle est fort développée en France et ne se limite pas qu’au 11 septembre ! L’antisémitisme et le négationnisme sont devenus des épouvantails, brandis devant toute dissonance idéologique ou dès qu’est défendue une analyse qui déplaît aux « intellectuels médiatiques » régnant sur le débat en France.
Olivier Mukuna : Si les médias francophones recouvrent de silence votre film, pensez-vous que leur objectif est d’éviter d’éclabousser une partie des journalistes ? Que ceux-ci n’aient pas à reconnaître qu’au minimum ils ont menti par omissions au sujet du 11 septembre ?
Olivier Taymans : Non. Et je ne pense pas qu’ils pourraient le reconnaître parce que cela ramène à des processus relevant davantage de l’inconscient que de l’intention. Si l’omission d’informations est réelle, elle peut aussi être inconsciente. Ce qui me semble être le cas. Une partie du métier de journaliste consiste à hiérarchiser et sélectionner en permanence. Ils doivent, en âme et conscience, juger de l’importance ou de l’insignifiance de tel ou tel élément d’information. Dans ces processus, nombre de journalistes sont victimes de la fenêtre personnelle qu’ils ont sur la réalité. Autrement dit, ils fonctionnent d’après un certain conditionnement. Interrogés là-dessus, ils ne verront pas cela comme un mensonge par omission mais comme une saine hiérarchisation et sélection de l’information. Rares sont ceux à qui je serais tenté d’imputer une intention de falsification pour des raisons idéologiques. Je pense que l’idéologie à suivre est largement inconsciente : on baigne dedans sans s’en rendre compte.
Olivier Mukuna : « Rares », mais souvent titulaires d’émissions d’informations télévisuelles. A l’instar de Daniel Leconte (Arte) dont l’intégrisme pro-américain est implacablement disséqué dans votre film. Concernant son« travail », peut-on parler « d’inconscience » ou même de journalisme ?
Olivier Taymans : Non, effectivement. Lorsqu’on voit les sujets produits par Docs en stock, la société de production de Daniel Leconte, c’est très orienté et univoque jusqu’au choix des invités pour de pseudo-débats. Avec Leconte, on se trouve dans des choix conscients qu’on peut assimiler à de la mauvaise foi. Un « débat » où aucun invité n’a une opinion contraire à celle du présentateur (Daniel Leconte, ndlr), où tout le monde s’entre-congratule en répétant : « C’est fou ce que vous avez raison ! », ce n’est plus ce que j’appelle un débat. Et lorsqu’on constate qu’une majorité des intervenants - au pseudo-débat et dans les documentaires diffusés - font partie d’un même cercle idéologique néoconservateur, identifié et tout à fait identifiable, j’estime qu’on n’est plus dans le journalisme mais dans la propagande.
Olivier Mukuna : Votre film est désormais visible sur le net, vous attendez-vous à être diabolisé ?
Olivier Taymans : Je n’en ai aucune idée. L’avenir nous le dira. Si certains médias traditionnels décident de parler du film, il ne serait pas étonnant que je sois rangé dans un camp. Or, je ne me sens appartenir à aucun camp. Si j’ai des relations avec des personnes considérées comme des « conspirationnistes », cela ne fait pas de moi un militant de leur cause. Je me sens davantage militant du journalisme que d’une position tranchée au sein de cette controverse.
Ce que je défends, c’est une pratique du journalisme telle que je la conçois et non telle que je l’ai vu pratiquée pendant dix ans sur le 11 septembre. Il est assez malheureux d’être forcé d’aller jusqu’en Norvège pour trouver des personnes qui tiennent un discours sur le métier qui devrait être celui de n’importe quel journaliste ! Tout journaliste devrait avoir pour instinct naturel de se poser des questions, de ne fuir aucun sujet et de manier le doute en toutes circonstances. Cela devrait tomber sous le sens, mais, visiblement, il faut faire des milliers de kilomètres pour entendre ces évidences ! Et surtout, les voir pratiquées au quotidien par les Norvégien sans qu’ils trouvent cela extraordinaire. Normal : c’est la base du métier !
Dans l’espace francophone, les professionnels que j’ai interrogés ont complètement perdus de vue ces balises. Celles-ci sont encore enseignées dans les écoles de journalisme mais comme une sorte de truc théorique obligatoire. Un peu comme la prière du soir chez les cathos qui ne pratiquent plus vraiment …
Propos recueillis par Olivier Mukuna
Agora Vox, 5 octobre 2011.

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