lundi 25 février 2013

Lettre de Maurice Taylor insultant la France



Le 8 février, le PDG du fabricant de pneumatiques pour véhicules agricoles avait fustigé dans un courrier au ministre les méthodes de production françaises, jugées peu efficaces, mais aussi l'arrogance du gouvernement. Extraits.
"J'ai visité cette usine à plusieurs reprises. Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l'ai dit en face aux syndicalistes français. Ils m'ont répondu que c'était comme ça en France ! Monsieur, votre lettre fait état de votre envie d'ouvrir des discussions avec Titan. Vous pensez que nous sommes si stupides que ça ? Titan possède l'argent et le savoir-faire pour produire des pneus. Qu'est-ce que possède le syndicat fou ? Il a le gouvernement français. Le fermier français veut des pneus à bon prix. Il se fiche de savoir si les pneus viennent deChine ou d'Inde, et si ces pneus sont subventionnés. Titan vaacheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l'heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. Dans cinq ans, Michelin ne pourra plus produirede pneus en France. Vous pouvez garder les soi-disant ouvriers. Titan n'est pas intéressé par l'usine d'Amiens-Nord". 
Maurice "Morry" Taylor, le PDG de Titan, accuse dans une lettre les salariés français de ne travailler que "trois heures par jour".
MADE IN USA
Maurice Taylor Jr est coutumier de ce type de coup de gueule : cet ancien candidat républicain à l'investiture en 1996 a régulièrement défendu le "made in USA" dans des vidéos publicitaires au ton franchement chauvin, condescendant, voire légèrement raciste. Mercredi, il a assumé "une lettre qui n'est pas une lettre toute rose, n'est pas une lettre à ma petite amie, on parle d'affaires". "Nous sommes ceux qui avons le carnet de chèques et vous nous dites que nous devons d'abord rencontrer les syndicats ? [...]. Vous êtes dingues, a-t-il répété.Bientôt, en France [il n'y aura plus d'emplois] et tout le monde passera la journée assis dans les cafés à boire du vin rouge."
S'exprimant auprès des Echos ou encore du Figaro, le patron américain a persisté et signé jeudi : "Je n'ai pas voulu insulter les Français, a-t-il déclaré, le problème est que les Français sont trop chers à cause notamment de leurs avantages sociaux." Et d'aligner quelques poncifs sur le syndicalisme, "les femmes françaises", Lafayette "qui nous a sauvés". Dans Les Echos, il branditl'épouvantail grec, estimant que c'est ce qui attend les Français, "qui ne veulent plus travailler" mais continuent à "émettre des opinions sur tout en prime".
Même la presse internationale s'est emparée du sujet, le Financial Times en fait ses choux gras, et pas forcément pour abonder dans le sens de M. Taylor : dansun éditorial publié mercredi, le quotidien financier estime que les vues de Taylor sur la compétitivité françaises doivent être prises avec les mêmes pincettes que"celles d'un intellectuel de gauche français sur le modèle culturel et socialaméricain". En revanche, le chroniqueur souligne que les deux hommes pourraient, s'ils abandonnaient leur posture, trouver un terrain d'entente notamment sur les règles du commerce international : les deux s'opposent en effet farouchement au subventionnement des importations. 
A la sortie du conseil des ministres, mercredi, Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement, avait jugé qu'il n'y avait "pas lieu de faire de surenchère"."Je veux conserver comme règle de conduite en la matière le respect, le silence, a-t-elle déclaré. A un bémol près. Je rappellerai quand même à M. Taylor que la France reste le premier pays destinataire des investissements américains enEurope, et il y a sans doute de très bonnes raisons à cela."
Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 1er février au Creusot.
Le délégué CGT de Goodyear à Amiens-Nord, Mickaël Wamen, a de son côté dénoncé une "lettre insultante""Elle nous conforte dans le fait que nous avons eu raison d'agir ainsi", a-t-il estimé. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a affirmé que cette lettre était "une insulte non seulement aux ouvriers"mais à "la démocratie".
"UN PROJET QUI N'EXISTAIT PAS"
Goodyear a annoncé à la fin de janvier que l'usine d'Amiens-Nord allait fermer, menaçant 1 173 postes, affirmant que cette fermeture était "la seule option possible après cinq années de négociations infructueuses". Cette annonce a provoqué un tollé politique en France, où plusieurs sites industriels sont promis à la fermeture, ce qui met le gouvernement en difficulté. Le prochain comité central d'entreprise se tiendra le 7 mars au siège du groupe, à Rueil-Malmaison. La CGT a appelé les salariés du groupe à manifester ce jour-là.
Lors d'une manifestation, le 12 février, devant le siège de Goodyear, Mickaël Wamen avait annoncé son intention de faire condamner Titan pour avoir "soutenu un projet qui n'existait pas" et pour être responsable du coprojet de fermeture du site.
Depuis le refus par la CGT (majoritaire) il y a cinq ans de signer un accord sur la compétitivité dans l'usine Goodyear (contrairement à sa voisine Dunlop), les salariés de Goodyear sont dans l'impasse. Les commandes s'étant raréfiées depuis, pour les ouvriers de la filière tourisme il n'y a parfois que deux heures de travail par jour, une situation absurde dénoncée par les syndicalistes de l'usine. 

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