mercredi 22 mai 2013

LE QATAR EST UN PROBLÈME PAS UN ÉTAT.



Le cheikh Hamad bin Khalifa al Thani, émir du Qatar a prononcé ce week-end un discours enflammé devant un parterre de dirigeants arabes. Voilà en quels termes il les interpella : 
  
« Des voix se sont élevées dans le passé pour dire que les réformes (dans le monde arabe) devront attendre la conclusion d'un règlement de paix avec Israël. Mais chacun devrait comprendre que cette doctrine n'est plus fondée aujourd'hui après les soulèvements du printemps arabe » 
  
« La situation actuelle est critique pour le monde arabe. Les peuples réclament désormais des réformes en profondeur, principalement par une participation à la vie publique. » (Regan Doherty, Reuters, L. 21 mai 2013, 22h58) 
  
Le pays qui a acheté le « Printemps » 
  
L’objection majeure qui est fait à ce héraut émérite de la démocratie, est qu’il s’affranchit des règles qu’il tente d’imposer aux autres : le « printemps » est une saison inconnue au Qatar[[1]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn1 . La preuve ? C’est par un coup d’État contre son père que l’émir est arrivé au pouvoir. Lui et sa charmante cheikha Mozah (sa charmante 3ème épouse, sa ministre de l’éducation) se passent d’un parlement et de partis politiques. Ils décident et on s’exécute dans ce miraculeux pays de cocagne. Naturellement, El Jezira – à partir de 1996 - parle à ses 40 millions de téléspectateurs de toutes les misères planétaires, sauf de ce qui se passe dans son pays où la liberté est embastillée et le dissentiment une incongruité sémantique. 
  
C’est encore plus singulier quand on observe la nature des réformes qu’il propose sur la base doctrinale appliquée chez lui et dans les pays qui ont eu le bonheur (Tunisie, Egypte, Yemen, Bahreïn, Maroc, Libye…) de suivre ses préceptes, à des années-lumières des canons politiques des occidentaux euro-américains qui –étrangement- soutiennent sa belligérance. Youcef El Qaradawi[[2]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn2 - un descendant de Torquemada- s’en porte garant. 
  
Pour comprendre comment cet artéfact géopolitique (et ses voisins émiratis, avec la collaboration de l’Arabie Saoudite) est devenu en peu d’années un acteur majeur sur le devant de la scène médiatique, politique et économique mondiale, il faut le replacer dans un contexte plus large, à la suite de la fin des Démocraties Populaires et des débâcles des opérations en Afghanistan et en Irak. 
  
Le blocage actuel en Syrie étant fortement lié à la défense russe de ses intérêts géostratégiques, le dos au mur, face à un encerclement autrement plus étroit que ne le fut le « containement » échafaudé par G.-F. Kennan et Truman dès 1946 au début de la Guerre Froide.[[3]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn3 

2.- « Leading from behind ». 
  
A l’évidence, l’Amérique d’Obama a choisi l’efficacité dans la discrétion. Les pantins sur scène, sous les feux de la rampe (en tête, la fidèle Albion obéissante au doigt et l’œil, plus récemment la France socialo-sarkozienne[[4]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn4 otanisée… les « amis » qataris…), et Washington dans les coulisses. 
  
  
Désormais au Qatar, un supplétif de luxe, est concédé le privilège de parler au nom du monde arabe, de réarchitecturer en la violant une Ligue Arabe ectoplasmique instrumentalisée. C’est naturellement Washington qui fait se précipiter des chefs d’Etats arabes dans ces enceintes tout à la fois kitch et médiévales où les incultes tarifés dictent leurs conditions aux lavettes pusillanimes. 
  
Il faudrait peut-être remonter à l’Empire romain pour admirer une telle chaîne, une telle cascade de subordination qui laisse croire à la validité du principe (régulièrement démenti par l’histoire des peuples qui confirment par leur résistance que les « poissons pourrissent par la tête ») : « l’arabe ça marche à la trique. » 
  
Au Qatar c’est comme au PSG (et c’est d’ailleurs vrai pour tout ce que possède l’émirat dans le monde) : nulle valeur ajoutée, seul le carnet du Cheikh est qatari. 
  
Il est un fait que le Qatar - ne l’ai-je pas noté à maintes reprises – n’est pas un État au sens ordinaire du mot, mais un opérateur totalement dépendant entre les mains d’un Empire qui est une galaxie complexe et opaque dont le centre principal est aux Etats-Unis, mais dont les ramifications traversent les Etats, partie liée aux groupes d’intérêts financiers, commerciaux, militaro-industriels, bien évidemment pétroliers… empêtrés dans des contradictions économiques, sociales et environnementales majeures. Qui peut croire que l’on peut durablement produire à faibles coûts dans les pays « émergents » et faire consommer des millions de chômeurs ailleurs, sans accroître l’endettement planétaire (privé et public) structurellement insolvable, l’inflation financière « exubérante » et menacer de détruire les supports essentiels de la biosphère ? 
  
Nous vivons sans doute les derniers soubresauts d’un Empire totalitaire finissant. 
Le Qatar et son Emir de pacotille sont une farce tragique, une danse clownesque et morbide, de ce début de ce XXIème siècle qui bégaye les abominations des siècles précédents. 
  
Il faut, sans inclinations nostalgiques déplacées – expression pathologique de la stérilité et de l’impuissance - se promener sous les orangers dans les ruelles de Cordoue ou dans les corridors ciselés de l’Alhambra (outragés par « les rois catholiques » et par un tourisme industriel bas de gamme qui ruine l’économie espagnole), pour mesurer la distance qu’il y a entre ces processions d’émirs incultes, anoblis par les hasards de la géologie et les chutes de table des Sept Sœurs, et les Lumières qui éclairaient le monde à l’époque où les Européens grimpaient encore aux arbres. 
  
La productivité et la créativité du capitalisme sont un mythe tenace. Sa comptabilité est toujours biaisée. Le coût de cet « égoïsme inventif » et de son amoralité profane – pour en atténuer le poids sur les consciences de ceux qui en sont pourvus - est exorbitant. 
  
Du 02 janvier au 11 octobre, la funeste année 1492 aura inauguré une monstrueuse « Renaissance » qui a enfanté, par une maîtrise non raisonnée des lois de la nature, tout au long de ces siècles obscures, un gigantesque holocauste, un Himalaya de cadavres que les historiens à venir décriront comme la période la plus sombre de l’histoire du genre humain, similaire à ces catastrophes géologiques qui décimèrent la vie à grande échelle. 
  
Le Qatar et l’Algérie. 
  
Les bouffonneries émiraties dans notre pays ne se comptent pas. On devrait en demander raison à notre brillantissime ancien ministre, fossoyeur de notre industrie nationale, pour nous en compter les péripéties, lui – comme Godot - qui a tant quêté les investissements étrangers sensés nous apporter sciences, technologies, débouchés et savoir-faire managérial. 
Quelques exemples singuliers. 
- Début janvier de cette année l’Emir du Qatar est venu à Alger pour signer plusieurs contrats de coopération entre l’Algérie et le Qatar, huit accords et mémorandums de coopération concernant le transport maritime, le pétrole et le gaz, et la pétrochimie. Le plus important de ces partenariats a porté sur la construction d’un important complexe sidérurgique dans la zone industrielle de Bellara, (investissement de 2 Mds$, production de 10 millions de tonnes par an, création de 2000 emplois)[[5]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn5 . 
  
- En février un important accord a été conclu avec le Koweït pour la création d'un centre spécialisé dans le développement, l'industrialisation et la production de produits d'oncologie à Sidi Abdellah. La société mixte algéro-koweïtienne, dénommée Saidal-North Africa Holding Manufacturing-FNI (SNM), a déjà vu le jour en septembre dernier. La SNM est détenue à 49% par la société koweïtienne d'investissement alors que 49% reviennent à Saidal et 2% au Fonds national d'investissement (FNI).[[6]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftn6 
  
On a du mal à comprendre les raisons de ces accords. Pensons ensemble : 
  
- Si ces micro-pétromonarchies disposaient des technologies de pointe utiles à ces différentes industries cela se saurait. 
- Si l’Algérie manquait des fonds nécessaires à leur financement, cela se comprendrait. 
La réponse est négative à ces deux questions. Comment alors justifier l’opportunité et la pertinence de ces accords ? 
  
REPERES. 
  
- Superficie : 11 586 km2. La superficie de l’Ile-de-France. 
- Population de 1,839 million d’habitants dont 10% de nationaux. 90% de travailleurs exploités venus pour la plupart des pays pauvres du Proche-Orient et de l’Océan Indien. 
- PIB de 185 Mds$ (environ 100 000 par hab.) 
- Troisièmes réserves mondiales de gaz et 1er exportateur mondial de gaz naturel liquéfié. Concurrent de l’Algérie et de la Russie. 
- Le gaz : Plus de 90% de ses recettes d’exportation, menacé par la fluctuation des prix et le développement des gaz de schiste. 
- Dépendance envers la main d’œuvre étrangère. 
- avoirs financiers à l’étranger (évalués à 210 Mds$ en 2012), qui en font un créditeur extérieur net. A beaucoup perdu dans le fiasco financier de Dubaï World en 2009. 
- A été choisi pour l’organisation de la Coupe du Monde de Football de 2022, dans des conditions qui n’ont à ce jour pas été complètement été éclaircies. 
- A contribué de manière décisive à l’effondrement de la Libye de Kadhafi et joue un rôle de premier plan dans la déstabilisation de la Syrie. 
  

Djehamercredi 22 mai 2013 
  
  
[[1]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref1 En avril dernier le Qatar est devenu l’unique propriétaire du Printemps, après avoir racheté les participations de la Deutsche Bank mais aussi du groupe italien Borletti (AFP, J. 04 avril 2013, 19h04). 
[[2]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref2 En juin 2012, ce lubrique « président de l'Union Internationale des Savants Musulmans» de 86 ans a répudié en 2011 son ancienne femme algérienne pour épouser en justes noces (les 7èmes) une marocaine de 49 ans. 
[[3]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref3 «Frères, Moscou est devenu récemment un ennemi de l'Islam et des musulmans, un ennemi numéro un». Youssef al-Qardaoui, octobre 2012. Nous voilà revenus à l’accord Roosevelt-Ibn Saoud de février 1945. 
[[4]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref4 Le Qatar est devenu en octobre 2012 membre associé de l’Organisation internationale de la Francophonie. 
[[5]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref5 http://www.algerie-focus.com/blog/2013/01/07/le-qatar-se-rapproche-de-lalgerie-8-accords-de-cooperation-signes/ 

[[6]]url:http://fr-mg42.mail.yahoo.com/neo/#_ftnref6 Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, D. 03 février 2013
http://www.alterinfo.net/LE-QATAR-EST-UN-PROBLEME-PAS-UN-ETAT_a90621.html

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