par Véronique Moreau
RFI Un véritable coup de froid s'est abattu ces derniers jours sur les relations franco-marocaines, au point de pousser François Hollande à appeler hier, lundi 24 février, le roi Mohammed VI. Tout a basculé il y a quelques jours lors de la visite en France du ministre de l'Intérieur marocain, accompagné pour l'occasion du patron du contre-espionnage Abdellatif Hammouchi.
Abdellatif Hammouchi |
C'est précisément l'arrivée sur le territoire français du chef de la DGST, la Direction générale marocaine de la surveillance du territoire, qui a mis le feu aux poudres. Selon l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), le centre de détention de Temara, au Maroc, est en effet placé sous la responsabilité d'Abdellatif Hammouchi. L'organisation non gouvernementale a donc profité de sa venue en France pour demander son audition devant la justice, dans le cadre de deux plaintes déposées à Paris contre lui. Ce qui a particulièrement ulcéré les autorités marocaines, c'est que les inspecteurs français n'ont absolument pas respecté les voies diplomatiques habituelles : ils ont profité du fait que le ministre de l'Intérieur marocain donnait une conférence de presse pour débarquer à sept à Neuilly-sur-Seine dans la résidence de l'ambassadeur du Maroc en France et pour notifier à Abdellatif Hammouchi la convocation du juge d'instruction. Du jamais-vu entre les deux pays !
Complicité de torture et torture
Sur le plan du droit, dans un premier temps, Abdellatif Hammouchi faisait surtout l'objet d'une première plainte pour complicité de torture. Elle avait donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire dès la fin 2013 et concerne Adil Lamtalsi, un Franco-Marocain de 33 ans qui affirme avoir été arrêté en octobre 2008 près de Tanger pour détention et trafic de cannabis. Il dit avoir été torturé pendant trois jours à Temara, avant d'être contraint de signer des aveux. Il a ensuite été condamné à dix ans de détention, et a été finalement transféré en France pour y purger sa peine. La deuxième plainte, déposée très récemment, émane d'Ennaâma Asfari, un militant de la cause sahraouie âgé de 44 ans, condamné à trente ans de réclusion en 2013.
Et pendant le séjour en France d'Abdellatif Hammouchi, une troisième plainte a été déposée contre lui, cette fois pour des faits de torture. Le plaignant est un ancien champion de boxe light-contact, qui s'appelle Zakaria Moumni. Il affirme avoir subi des sévices au centre de détention de Temara et y avoir aperçu Abdellatif Hammouchi en personne lors de l'une de ces séances. Zakaria Moumni avait été condamné à trente mois de prison, le Maroc l'accusant d'avoir faussement promis du travail à des compatriotes en échange d'argent, avant d'être finalement gracié par le roi en février 2012. Il affirme avoir signé ses aveux sous la torture, lui aussi.
« Une maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits »
Comme si cela ne suffisait pas, dimanche dernier, la tension est encore montée d'un cran entre Paris et Rabat. Les chancelleries étaient déjà au bord de la crise de nerfs, les téléphones n'arrêtaient pas de sonner, les ambassadeurs étaient tour à tour convoqués pour explications quand on a appris subitement par l'intermédiaire de l'acteur espagnol Javier Bardem que l'ambassadeur de France à Washington avait eu en 2011 des mots plus que malheureux. C'est en tout cas la version de Javier Bardem, producteur d'un documentaire sur le Sahara occidental. Ce dernier prétend que le diplomate en question aurait comparé le royaume à une « maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on sait défendre ». Paris a eu beau nier sur tous les tons, le mal était fait. Le Maroc était vexé pour de bon.
Nicolas Hulot prié de rester chez lui
Depuis, en dépit de tous les efforts déployés par la France pour apaiser le conflit, la tension reste vive. Paris fait profil bas, évoque un « incident regrettable » à propos de l'affaire Hammouchi, promet de faire toute la lumière sur ce dossier. Mais rien n'y fait : le Maroc ne décolère pas et entend bien montrer son mécontentement le plus vif. En mesure de rétorsion, il vient d'annuler unilatéralement la visite de deux jours que l'envoyé spécial du président français pour la planète devait effectuer sur place : Nicolas Hulot a tout simplement été prié de rester chez lui.
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