L’Instance Vérité et Dignité lève le voile ce mercredi 14 Mars sur des vérités liées à l’ingérence du colonisateur français dans les choix économiques de l’Etat de l’indépendance, et l’exploitation des richesses souterraines tunisiennes, un sujet qui a alimenté la controverse au cours de cette dernière période.
gnet.tn
Jeudi 15 Mars 2018
S'appuiant sur des documents archivistiques, l’IVD revient sur les législations pré-indépendance régissant l’exploitation des richesses souterraines tunisiennes :
Pour asseoir sa mainmise sur les richesses souterraines de la Tunisie, les autorités d’occupation française ont procédé à la création de sociétés et les a dotées de droits d’exploitation des gisements pétroliers, et des carrières dans le cadre de concessions, de contrat d’exploitation et de permis d’exploration. L’IVD fait état de dizaines de sociétés spécialisés dans l’extraction de ce que recèle la terre, dont dix entreprises opérant dans le domaine d’exploitation du pétrole et du gaz et des salinités.
Pour préserver ces richesses à l’heure où les revendications pour l’indépendance allaient grandissantes, et dans le souci d’une exploitation excessive des ressources pétrolières, la France a décrété une série de législations notamment :
Le décret beylical du 13 décembre 1948 instituant des dispositions spéciales pour faciliter l’exploration des minerais, permettant aux entreprises françaises de :
1 – exploiter les sites découverts en matière de minerais (gisements pétroliers) pendant 99 ans,
2- élargir la superficie des champs d’exploitation pour chaque site exploré de 400 hectares en 1913 (décret beylical paru le 29 décembre 1913) à 70 km² en 1948, selon les conventions signées avec des sociétés françaises dont SEREPT
3- exploitation des sites découverts sans permis supplémentaire
4- paiement d’une taxe d’exploitation en franc français ou en monnaie nationale. Alors qu’à l’époque, le dinar tunisien n’a pas été encore créé, ce qui augurait d’une pérennisation d’une telle situation.
Un décret paru en 1949 octroyant le droit d’exploitation à la société COTUSAL créée suite à la fusion d’un groupe de sociétés françaises de salinité, moyennant une taxe d’exploitation calculée sur la base du prix le plus bas de la grille afférente à l’exploitation du sol tunisien.
L’instance en déduit que ces conventions n’ont pas garanti les droits minimums et l’intérêt du pays, et confirment l’empressement de la France de maintenir des prérogatives colonialistes dans un Etat aux portes de l’indépendance.
L’Etat d’indépendance n’a pas procédé à la révision de ces conventions et à l’amélioration de leur rentabilité. Le fait qu’un concurrent se présente aux compagnies françaises à l’instar du groupe italien ENI (Son PDG a été assassiné le 27 octobre 1962), donne à l’Etat tunisien une plus grande capacité en matière de négociations.
Cherchant à protéger ses intérêts colonialistes, la France a mentionné deux articles dans l’accord d’autonomie interne dans son volet économique, les 33 et 34, qui n’ont pas été abrogés par le protocole d’indépendance. Celui-ci a évoqué uniquement les volets sécuritaires, tout en passant outre les questions économique et financière.
En vertu de ces deux articles, l’Etat tunisien s’est engagé à accorder la priorité aux projets français, lorsque les conditions s’équivalent pour l’obtention de permis d’exploration, d’investissement, et de concessions.
L’Etat tunisien était, par ailleurs, dans l’incapacité de changer les délais de concessions, de conventions, et les permis d’exploration et d’investissement conclus ou octroyés, que moyennant l’accord de la partie française.
Des privilèges d’exploitation abusive à la période postindépendance
Après l’indépendance, les autorités françaises ont continué à exploiter l’Etat tunisien et à piller ses richesses à travers :
1- L’exploitation des territoires tunisiens pour le transport du pétrole de l’Algérie, sans que les droits de l’Etat tunisien ne soient garantis,
2- La France a créé la société TRAPSA en vertu d’une convention avec l’Etat tunisien en 1958 portant sur une superficie de plus de 510 km, sur un total de 775 km² des pipelines (de transfert du pétrole) de Aïn Amenas (Algérie) au port d’el-Skhira.
Le gouvernement tunisien n’a pas été partie-prenante dans la négociation avec la partie algérienne autour de cette convention, ce qui a porté préjudice aux droits tunisiens. La Tunisie avait délégué la négociation à la société TRAPSA.
L’Etat tunisien n’a pas demandé une actualisation de ses redevances en provenance de l’acheminement de pétrole. Comme il n’a pas mis en place des mécanismes lui permettant de s’assurer des quantités transportées afin qu’elles servent de base de calcul desdites redevances.
Cette convention n’a pas garanti les droits minimums de l’Etat tunisien (redevance d’exploitation et impôts limités ne faisant pas l’objet de révision pour aller de pair avec la cadence de l’évolution des prix), de l’aveu même des autorités françaises.
La nationalisation par l’Algérie de ses richesses souterraines en 1971, a donné lieu au recul des revenus de la Tunisie issus de la redevance de transport du pétrole a travers l’entreprise TRAPSA.
Une correspondance de l’ambassadeur de France révèle le mécontentement du ministre de l’Economie nationale envers la nouvelle situation et la baisse des recettes, mais le gouvernement tunisien a confié de nouveau la négociation avec la partie algérienne à l’Etat français.
3- Exploitation outrancière des richesses souterraines tunisiennes :
L’entreprise française TRAPSA a assuré l’opération de transport du pétrole extrait des champs d’el-Borma estimé à 4 millions de tonnes/ an,
L’instance précise que le gouvernement tunisien n’a pas discuté les redevances de transport, ni demandé une participation au capital de la société.
L’ambassadeur de France était au courant de la production des gisements tunisiens, et s’immisce dans toutes les décisions liées à l’investissement et à l’extension (même dans la construction d’une station de raffinage à Gabès, d’une capacité de production couvrant la consommation du pays avec plus de 5 millions de tonnes).
L’Etat tunisien n’a pas tenté de garantir un minimum de droits sur ses richesses naturelles (tentatives de nationalisation), dans la mesure où sa plus grande ambition était, selon les dires de l’ambassadeur de France en 1972, de maintenir constante sa quote-part en termes de redevance de transport. Les autorités tunisiennes n’ont pas cherché à mettre la main sur une société qui exploite l'espace urbain, et les ports du pays pour acheminer le pétrole extrait de ses territoires,
L’instance donne un exemple montrant l’ampleur des pertes subies par l’Etat tunisien du fait de ces accords léonins :
La production des champs pétroliers tunisiens a atteint en 1971 quatre millions de tonnes, soit l’équivalent de 30.4 millions barils, comme il est mentionné dans un PV de réunion entre le Premier ministre tunisien et l’ambassadeur de France, dans le cadre de l’incitation des entreprises françaises d’investir dans le domaine pétrolier, du fait des facilitations et des encouragements :
Les revenus du pétrole engrangés par l’Etat tunisien pendant la même période n’ont pas dépassé les 300 millions de francs français, soit l’équivalent de 550 mille dollars américains, soit une moyenne de 0.2 dollar pour chaque baril (le cours du baril de pétrole en 1971 était dans la limite de 3.6 dollars), soit une rentabilité ne dépassant pas les 6 % des cours de l’époque.
L’Etat tunisien n’a pas garanti ses droits minimums en matière d’extraction de pétrole, excepté lors de l’exploration d’un gisement à el-Borma en 1961 dont le droit d’exploitation a été accordé à la SITEP, une société créée en partenariat entre l’Etat tunisien et le groupe italien ENI à raison de 50/50.
La société SEREPT n’a pas apprécié l’octroi du droit d’exploitation à une société concurrente, a demandé des dédommagements à l’Etat tunisien pour préjudices subis, et a obtenu gain de cause.
En conclusion, l’IVD déduit que les sociétés étrangères, plus précisément françaises, ont procédé à l’exploitation abusive des ressources souterraines de la Tunisie, ces dernières avaient la part de lion en termes de ces permis (7 entreprises françaises sur un total de 15).
L’exploitation outrancière des ressources souterraines tunisiennes est due aux articles 33 et 34, du protocole d’indépendance dans son volet économique et financier, et des conventions décidées par la France coloniale, selon des conditions léonines.
Certaines conventions garantissent un seuil minimum de droits de l’Etat tunisien, à chaque fois qu’il y a eu recours à des sociétés concurrentes à celles françaises.
La faiblesse de la capacité de négociation du gouvernement tunisien avec les sociétés du colon français, en comparaison avec le voisin algérien, chose qui est due au protocole définitif d’indépendance, et à la situation politique intérieure après l’indépendance.
L’Etat tunisien a tenté de conférer un certain équilibre à cette relation, mais cela est resté en deçà des espérances.
L’Instance annonce qu’elle fera mention de toutes ces vérités dans son rapport définitif.
Traduit par Gnet
Pour asseoir sa mainmise sur les richesses souterraines de la Tunisie, les autorités d’occupation française ont procédé à la création de sociétés et les a dotées de droits d’exploitation des gisements pétroliers, et des carrières dans le cadre de concessions, de contrat d’exploitation et de permis d’exploration. L’IVD fait état de dizaines de sociétés spécialisés dans l’extraction de ce que recèle la terre, dont dix entreprises opérant dans le domaine d’exploitation du pétrole et du gaz et des salinités.
Pour préserver ces richesses à l’heure où les revendications pour l’indépendance allaient grandissantes, et dans le souci d’une exploitation excessive des ressources pétrolières, la France a décrété une série de législations notamment :
Le décret beylical du 13 décembre 1948 instituant des dispositions spéciales pour faciliter l’exploration des minerais, permettant aux entreprises françaises de :
1 – exploiter les sites découverts en matière de minerais (gisements pétroliers) pendant 99 ans,
2- élargir la superficie des champs d’exploitation pour chaque site exploré de 400 hectares en 1913 (décret beylical paru le 29 décembre 1913) à 70 km² en 1948, selon les conventions signées avec des sociétés françaises dont SEREPT
3- exploitation des sites découverts sans permis supplémentaire
4- paiement d’une taxe d’exploitation en franc français ou en monnaie nationale. Alors qu’à l’époque, le dinar tunisien n’a pas été encore créé, ce qui augurait d’une pérennisation d’une telle situation.
Un décret paru en 1949 octroyant le droit d’exploitation à la société COTUSAL créée suite à la fusion d’un groupe de sociétés françaises de salinité, moyennant une taxe d’exploitation calculée sur la base du prix le plus bas de la grille afférente à l’exploitation du sol tunisien.
L’instance en déduit que ces conventions n’ont pas garanti les droits minimums et l’intérêt du pays, et confirment l’empressement de la France de maintenir des prérogatives colonialistes dans un Etat aux portes de l’indépendance.
L’Etat d’indépendance n’a pas procédé à la révision de ces conventions et à l’amélioration de leur rentabilité. Le fait qu’un concurrent se présente aux compagnies françaises à l’instar du groupe italien ENI (Son PDG a été assassiné le 27 octobre 1962), donne à l’Etat tunisien une plus grande capacité en matière de négociations.
Cherchant à protéger ses intérêts colonialistes, la France a mentionné deux articles dans l’accord d’autonomie interne dans son volet économique, les 33 et 34, qui n’ont pas été abrogés par le protocole d’indépendance. Celui-ci a évoqué uniquement les volets sécuritaires, tout en passant outre les questions économique et financière.
En vertu de ces deux articles, l’Etat tunisien s’est engagé à accorder la priorité aux projets français, lorsque les conditions s’équivalent pour l’obtention de permis d’exploration, d’investissement, et de concessions.
L’Etat tunisien était, par ailleurs, dans l’incapacité de changer les délais de concessions, de conventions, et les permis d’exploration et d’investissement conclus ou octroyés, que moyennant l’accord de la partie française.
Des privilèges d’exploitation abusive à la période postindépendance
Après l’indépendance, les autorités françaises ont continué à exploiter l’Etat tunisien et à piller ses richesses à travers :
1- L’exploitation des territoires tunisiens pour le transport du pétrole de l’Algérie, sans que les droits de l’Etat tunisien ne soient garantis,
2- La France a créé la société TRAPSA en vertu d’une convention avec l’Etat tunisien en 1958 portant sur une superficie de plus de 510 km, sur un total de 775 km² des pipelines (de transfert du pétrole) de Aïn Amenas (Algérie) au port d’el-Skhira.
Le gouvernement tunisien n’a pas été partie-prenante dans la négociation avec la partie algérienne autour de cette convention, ce qui a porté préjudice aux droits tunisiens. La Tunisie avait délégué la négociation à la société TRAPSA.
L’Etat tunisien n’a pas demandé une actualisation de ses redevances en provenance de l’acheminement de pétrole. Comme il n’a pas mis en place des mécanismes lui permettant de s’assurer des quantités transportées afin qu’elles servent de base de calcul desdites redevances.
Cette convention n’a pas garanti les droits minimums de l’Etat tunisien (redevance d’exploitation et impôts limités ne faisant pas l’objet de révision pour aller de pair avec la cadence de l’évolution des prix), de l’aveu même des autorités françaises.
La nationalisation par l’Algérie de ses richesses souterraines en 1971, a donné lieu au recul des revenus de la Tunisie issus de la redevance de transport du pétrole a travers l’entreprise TRAPSA.
Une correspondance de l’ambassadeur de France révèle le mécontentement du ministre de l’Economie nationale envers la nouvelle situation et la baisse des recettes, mais le gouvernement tunisien a confié de nouveau la négociation avec la partie algérienne à l’Etat français.
3- Exploitation outrancière des richesses souterraines tunisiennes :
L’entreprise française TRAPSA a assuré l’opération de transport du pétrole extrait des champs d’el-Borma estimé à 4 millions de tonnes/ an,
L’instance précise que le gouvernement tunisien n’a pas discuté les redevances de transport, ni demandé une participation au capital de la société.
L’ambassadeur de France était au courant de la production des gisements tunisiens, et s’immisce dans toutes les décisions liées à l’investissement et à l’extension (même dans la construction d’une station de raffinage à Gabès, d’une capacité de production couvrant la consommation du pays avec plus de 5 millions de tonnes).
L’Etat tunisien n’a pas tenté de garantir un minimum de droits sur ses richesses naturelles (tentatives de nationalisation), dans la mesure où sa plus grande ambition était, selon les dires de l’ambassadeur de France en 1972, de maintenir constante sa quote-part en termes de redevance de transport. Les autorités tunisiennes n’ont pas cherché à mettre la main sur une société qui exploite l'espace urbain, et les ports du pays pour acheminer le pétrole extrait de ses territoires,
L’instance donne un exemple montrant l’ampleur des pertes subies par l’Etat tunisien du fait de ces accords léonins :
La production des champs pétroliers tunisiens a atteint en 1971 quatre millions de tonnes, soit l’équivalent de 30.4 millions barils, comme il est mentionné dans un PV de réunion entre le Premier ministre tunisien et l’ambassadeur de France, dans le cadre de l’incitation des entreprises françaises d’investir dans le domaine pétrolier, du fait des facilitations et des encouragements :
Les revenus du pétrole engrangés par l’Etat tunisien pendant la même période n’ont pas dépassé les 300 millions de francs français, soit l’équivalent de 550 mille dollars américains, soit une moyenne de 0.2 dollar pour chaque baril (le cours du baril de pétrole en 1971 était dans la limite de 3.6 dollars), soit une rentabilité ne dépassant pas les 6 % des cours de l’époque.
L’Etat tunisien n’a pas garanti ses droits minimums en matière d’extraction de pétrole, excepté lors de l’exploration d’un gisement à el-Borma en 1961 dont le droit d’exploitation a été accordé à la SITEP, une société créée en partenariat entre l’Etat tunisien et le groupe italien ENI à raison de 50/50.
La société SEREPT n’a pas apprécié l’octroi du droit d’exploitation à une société concurrente, a demandé des dédommagements à l’Etat tunisien pour préjudices subis, et a obtenu gain de cause.
En conclusion, l’IVD déduit que les sociétés étrangères, plus précisément françaises, ont procédé à l’exploitation abusive des ressources souterraines de la Tunisie, ces dernières avaient la part de lion en termes de ces permis (7 entreprises françaises sur un total de 15).
L’exploitation outrancière des ressources souterraines tunisiennes est due aux articles 33 et 34, du protocole d’indépendance dans son volet économique et financier, et des conventions décidées par la France coloniale, selon des conditions léonines.
Certaines conventions garantissent un seuil minimum de droits de l’Etat tunisien, à chaque fois qu’il y a eu recours à des sociétés concurrentes à celles françaises.
La faiblesse de la capacité de négociation du gouvernement tunisien avec les sociétés du colon français, en comparaison avec le voisin algérien, chose qui est due au protocole définitif d’indépendance, et à la situation politique intérieure après l’indépendance.
L’Etat tunisien a tenté de conférer un certain équilibre à cette relation, mais cela est resté en deçà des espérances.
L’Instance annonce qu’elle fera mention de toutes ces vérités dans son rapport définitif.
Traduit par Gnet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire