dimanche 20 mars 2011

Dick Cheney


La guerre comme politique
Dick Cheney, le patron des Républicains
Entré en politique sur les pas de Donald Rumsfeld, Dick Cheney s’est rapidement imposé comme l’homme à tout faire du Parti républicain à la Maison-Blanche et au Congrès. Affirmant sans complexes ses choix résolument conservateurs, il a ouvert la voie aux ambitions impériales des néo-conservateurs. Cumulant ses mandats publics avec des responsabilités économiques, il est devenu Pdg d’Halliburton tandis que son épouse Lynne était administratrice de Lockheed-Martin. Il s’est imposé comme vice-président de George W. Bush.


18 OCTOBRE 2004








Richard Cheney, fils d’un responsable du département d’Agriculture, grandit dans le Wyoming. Admis à l’université de Yale, il abandonne au bout de deux ans. À cette époque, il souhaite travailler et « voir le monde ». Il installe donc un temps des lignes électriques dans le Wyoming, le Colorado et l’Utah, avant de reprendre des études à l’Université du Wyoming. Il épouse Lynne Vincent, son amour de jeunesse, et part effectuer un doctorat en science politique à l’Université de Wisconsin. Alors qu’il doit partir pour le Vietnam, il obtient des dérogations en tant qu’étudiant, puis en tant que père de famille à partir de la naissance de sa fille Elizabeth, en 1966.
Membre de l’Association de science politique américaine, il monte à Washington en 1968 avec la possibilité de travailler pour un membre du Congrès. Il passe un entretien avec Donald Rumsfeld qui l’éconduit. Il entre alors au service de William Steiger, du Wisconsin. Lorsque Rumsfeld décroche la présidence de l’Office of Economic Opportunity, il retente sa chance auprès de lui, cette fois avec succès. Il devient ainsi pour sept ans son principal assistant à Washington. Mais la collaboration n’est pas continue : en 1973, lorsque Donald Rumsfeld prend le poste d’ambassadeur états-unien à l’OTAN, Cheney profite du congé qui lui est accordé pour travailler un temps pour Bradely, Woods & Company, une société de conseil spécialisée dans le monde de la finance.
Premier séjour à la Maison-Blanche
Il ne s’agit là que d’une parenthèse. Cheney a fait ses preuves, et lorsqu’en 1974 Rumsfeld est nommé secrétaire général de la Maison-Blanche par Gerald Ford, c’est tout naturellement qu’il fait appel à son ancien assistant pour remplir le même rôle, cette fois au cœur du pouvoir. Dick Cheney tient là la chance de sa vie et il ne la laisse pas passer : travailleur infatigable, il s’occupe de toutes les questions d’intendance les plus triviales pendant plus d’un an, de la plomberie de la Maison-Blanche à l’appui-tête de l’hélicoptère présidentiel, en passant par la résolution d’un épineux problème de salières... Résultat : Cheney est omniprésent, maîtrise les arcanes de la Maison-Blanche et peut rapidement monter des opérations politiques de plus grande envergure. D’autant qu’avec la nomination de Donald Rumsfeld au poste de secrétaire à la Défense, il hérite de la place de son ancien patron, à savoir secrétaire général de la Maison-Blanche. Depuis ce poste stratégique, il œuvre avec Rumsfeld à la mise à l’écart progressive d’Henry Kissinger, dont il désapprouve la volonté de compromis avec l’URSS.


C’est donc à la fois au nom du réalisme politique et de convictions réelles qu’il incite le président Gerald Ford à se rallier au projet de « Moralité dans la politique étrangère » élaboré par son adversaire républicain des Primaires, Ronald Reagan. Cet habile choix stratégique ne suffit pas pour autant à éviter la défaite électorale du président sortant face à Jimmy Carter. La vague démocrate qui s’ensuit contraint Cheney à quitter Washington pour reprendre ses activités au sein de la société d’investissement Bradley, Woods & Company. Mais cette fonction n’est plus à la hauteur de celui qui vient d’être secrétaire général de la Maison-Blanche. En septembre 1977, il se présente donc au Congrès, pour remplacer le représentant démocrate du Wyoming Teno Roncalio, parti à la retraite. Malgré une première crise cardiaque en juin 1978, Cheney remporte facilement l’élection et retourne à Washington, cette fois comme parlementaire. Il n’est pas le seul Républicain à conquérir un bastion démocrate. Lors des mid-term elections de 1978, le Grand Old Party s’empare de douze sièges jusque-là détenus par les Démocrates. L’un des nouveaux élus républicains est un professeur de Géorgie du nom de Newt Gingrich. Ce dernier devient rapidement un proche de son collègue du Wyoming.



Un ultra-conservateur au Congrès
Son expérience au cœur du pouvoir exécutif permet à Cheney de sauter les étapes à la Chambre des représentants. Il connaît le fonctionnement du gouvernement fédéral et la plupart des leaders républicains. Dès 1981, ses contacts lui permettent d’être nommé président du Comité politique républicain. Il prend également un siège au sein du Comité à l’Intérieur, chargé des questions environnementales et à ce titre très courtisé par les élus financés par les industries polluantes. Il rejoint ensuite la Commission d’éthique de la Chambre et la Commission de renseignement. Il participe par ailleurs à l’ensemble des réunions organisées par les Républicains du Congrès pour définir leur stratégie politique.
Ayant travaillé pour Ford contre Ronald Reagan lors de la primaire présidentielle de 1976, Dick Cheney est parfois présenté comme un Républicain centriste par la presse de l’époque. L’étude de ses votes laisse pourtant peu de doute sur son ancrage solide à la droite de la droite. En politique étrangère, il s’oppose à l’application des traités sur le canal de Panama négociés par Jimmy Carter, soutient d’une manière systématique le développement de nouveaux armements, tels que le missile MX, et vote contre l’instauration de sanctions contre le régime d’apartheid d’Afrique du Sud. Sur la scène intérieure, il vote contre le contrôle des armes (y compris celles pouvant percer des blindages et les armes indétectables pour les détecteurs de métaux), s’oppose aux lois sur l’avortement et à la discrimination positive et, en ardent supporter des industries polluantes, tente de faire échouer l’extension du Clean Water Act en 1987. Contrairement à de nombreux hommes politiques de la droite dure états-unienne qui cherchent à tout prix à se construire une respectabilité politique, Richard Cheney s’offusque lorsque le Washington Post le qualifie de « modéré » au début des années 1980. Il fait donc appeler la rédaction du journal par son assistant, Dave Gribben, afin de faire reconnaître qu’il est bien un « conservateur ».
Tout comme pour Donald Rumsfeld, la proximité de Cheney avec l’appareil d’État états-unien explique qu’il soit contacté, sous l’ère Reagan, pour participer aux opérations de simulation de coup d’État réalisées sous le commandement d’Oliver North. Si la menace officielle est alors celle d’une frappe nucléaire soviétique, c’est en réalité un coup de force du vice-président George H.W. Bush qui est envisagé par le pouvoir exécutif. En tout état de cause, Cheney, en tant qu’ancien secrétaire-général de la Maison-Blanche, se voit confier la responsabilité d’une des trois équipes intérimaires, chacune dirigées par un membre de l’administration Reagan qui ne correspond pas à l’ordre constitutionnellement et légalement établi de succession présidentielle. Ont ainsi participé à ces opérations le secrétaire à l’Agriculture, John Block, ou encore le secrétaire au Commerce, Malcom Baldrige. Le fait que ces personnalités n’aient aucune expérience dans le domaine des relations internationales permet d’envisager qu’elles auraient uniquement servi de vitrine pour les membres de l’équipe les plus qualifiés dans ce domaine, tels que Rumsfeld, Cheney, ou Woolsey. Mais cette « inexpérience » du vrai-faux président intérimaire pose surtout un problème politique important, celui de sa crédibilité face à son opinion publique nationale et à la communauté internationale. Pour affirmer cette crédibilité, une éventualité consistait à faire remonter à la surface un sous-marin états-unien, une décision qui représente un signe clair de contrôle de l’armée par le pouvoir exécutif.
Dick Cheney ne tire pas seulement profit de sa connaissance de l’appareil d’État états-unien pour s’offrir quatre jours au secret, chaque année. En tant qu’ancien de la Maison-Blanche, il réussit à siéger à toutes les commissions du Congrès consacrées aux questions de renseignement. Lorsqu’éclate le scandale de l’Iran-Contra, en 1986-1987, il est particulièrement bien placé pour calmer les ardeurs du Congrès, pourtant décidé à en découdre. Proche du Démocrate Lee Hamilton, qui préside la commission d’enquête du Congrès, il obtient le poste de représentant de l’opposition républicaine au sein de celle-ci, et bloque toute tentative de mise en accusation du vice-président, George H.W. Bush, par les Démocrates. En 1988, il mène également l’opposition au projet de loi élaboré par le Congrès et en vertu duquel la Maison-Blanche devrait, à l’avenir, informer le Parlement de toute action secrète moins de quarante-huit heures après son déclenchement. En bon « chien de garde », Cheney est rétribué par l’obtention de postes toujours plus importants, devenant le « whip » Républicain de la Chambre des représentants en 1988, et manquant de peu de devenir le dirigeant de la minorité Républicaine. Seul l’attrait d’un poste plus important l’empêche d’accéder à cette position, qui reviendra en définitive à son ami Newt Gingrich.
Arrivée au Pentagone
George H.W. Bush n’a pas oublié l’appui important que lui a apporté Dick Cheney au Congrès, il lui renvoie donc l’ascenseur en 1989 après avoir pris ses fonctions à la Maison-Blanche. L’élaboration de l’équipe présidentielle spécialisée en politique étrangère est confiée à James Baker III, nommé secrétaire d’État, et au général Brent Scowcroft. Mais les deux hommes sont confrontés à une difficulté majeure : le candidat qu’ils ont choisi pour occuper le poste de secrétaire à la Défense, John Tower, est rejeté par le Sénat, officiellement à cause de sa trop grande proximité avec l’industrie de la Défense. Il lui faut donc un remplaçant, de préférence dans les rangs du Congrès afin d’éviter que le processus de désignation ne soit trop long. Scowcroft propose le nom de Cheney, avec lequel il a travaillé dans l’administration Ford. À l’époque conseiller à la sécurité nationale, ce proche de Kissinger discutait beaucoup avec le secrétaire-général de la Maison-Blanche pour tenter d’aplanir les différends de son patron avec Donald Rumsfeld. À la même époque, Cheney avait d’ailleurs travaillé avec James Baker à la campagne de réélection de Gerald Ford. Fort de ce double soutien, il prend rapidement ses fonctions au Pentagone, où il fait la connaissance de Paul Wolfowitz, initialement choisi par John Tower. Il refuse de soutenir ouvertement Richard Armitage, candidat au poste de secrétaire à l’Army, face aux attaques des associations de vétérans emmenées par le milliardaire Ross Perot. Armitage est finalement contraint de retirer sa candidature. Les amitiés et les inimitiés qui se nouent à ce moment autour de Dick Cheney perdureront au sein de l’administration néo-conservatrice de George W. Bush.

Dick Cheney et Donald Rumsfeld
Pour l’heure, le nouveau secrétaire à la Défense a du pain sur la planche. Pour mener à bien sa politique, il cherche à s’assurer les faveurs de Colin Powell. Les deux hommes se connaissent depuis le début des années 1980, lorsque Cheney était membre du Congrès et que Powell était commandant en Allemagne. Ils avaient ensuite beaucoup discuté lorsque Powell était conseiller à la sécurité nationale de Ronald Reagan, tandis que Cheney était un dirigeant de la minorité Républicaine de la Chambre des représentants. Cheney n’hésite donc pas à forcer la main du président George H.W. Bush pour que celui-ci le désigne au poste de chef d’état-major interarmes, après que l’amiral William Crowe eût annoncé son intention de prendre sa retraite. Une fois cette nomination entérinée, les deux hommes décident de se rencontrer quotidiennement, pour travailler ensemble aux défis qui les attendent. Car le 10 novembre 1989, la chute du mur de Berlin entraîne la disparition de l’adversaire le plus redouté de Washington, à savoir l’URSS. Une réévaluation de l’appareil militaire états-unien s’avère nécessaire, et tant Powell que Cheney sont décidés à limiter au maximum les restrictions du budget militaire que réclament les Démocrates.
« Coup tordu » au Panama
En décembre 1989, Cheney doit superviser l’opération « Juste Cause » au Panama. Fatigués des excès du général Manuel Noriega, les États-Unis souhaitent le remplacer. Noriega avait pourtant joué un rôle actif dans la région, afin de permettre à Washington de conserver le contrôle de sa chasse gardée. Dans les années 1979, cet ancien élève de l’École des Amériques devenu agent de la CIA, avait notamment « facilité les échanges d’armes et de drogues effectués par les Contras du Nicaragua, en fournissant sa protection militaire, des pilotes, (...) et des capacités bancaires très discrètes pour tout le monde » [1], à l’époque où les États-Unis luttaient contre la guérilla sandiniste sur place. Mais ses revendications deviennent de plus en plus insupportables pour la Maison-Blanche, qui souhaite se débarrasser de cet allié un peu encombrant à la veille de la restitution du canal de Panama, prévue le 1er janvier 1990. Washington décide donc d’une intervention en décembre 1989, en s’appuyant sur la synergie existante entre Dick Cheney et Colin Powell. Ce dernier voit là un formidable terrain pour appliquer sa doctrine militaire, héritée du désastre du Vietnam et aujourd’hui hâtivement résumée par le slogan « guerre zéro mort ». Cette doctrine consiste à s’assurer que l’envoi de troupes états-uniennes n’a lieu que si les objectifs sont précisément définis, que l’opinion publique est amenée à soutenir l’intervention et que la puissance militaire déployée est phénoménale.
L’opération est effectivement un succès. Le débarquement massif de Marines sur place, avec pour seule consigne de « sauver leur peau », aboutit au massacre de plusieurs milliers de Panaméens, dont de nombreux civils. Manuel Noriega est arrêté et transféré à Miami, où il sera condamné à purger une peine de prison de quarante ans pour trafic de drogue. Dans le même temps, les États-Unis installent un gouvernement fantoche à Panama dont ils confient la direction à Guillermo Endara, lui-même lié au crime organisé et notamment aux barons de la drogue. D’après le Los Angeles Times, ce remaniement à la tête du cartel, orchestré depuis la Maison-Blanche, aura pour principale conséquence de démultiplier le nombre de laboratoires de fabrication de cocaïne au cours des années qui suivent. Dans le même temps, Powell y voit, d’un point de vue militaire, une confirmation du bien-fondé de ses conceptions stratégiques. D’autant que l’opération, qui relève pourtant du plus classique des « coups tordus » et n’a pas fait l’économie des vies humaines panaméennes, n’a pas suscité d’opposition notable au sein de l’opinion publique états-unienne. Dick Cheney peut mesurer là toute la force de la propagande. Une arme à laquelle il aura souvent recours par la suite.
Le laboratoire irakien
Le secrétaire à la Défense participe à la construction de la menace irakienne, avec l’aide de son assistant, le spécialiste en menaces imaginaires, Paul Wolfowitz. La stratégie élaborée par les deux hommes est simple : il s’agit d’inciter Saddam Hussein à envahir le Koweït, d’accréditer l’idée que le dictateur menace l’Arabie saoudite, afin de déployer des troupes états-uniennes dans la région du Golfe. Le plan fonctionne parfaitement : les compagnies pétrolières koweïtiennes commencent, à la mi-1990, à extraire du pétrole dans des gisements situés de l’autre côté de la frontière, en territoire irakien, tout en augmentant leur production, ce qui fait chuter les cours. Non seulement l’émir reste sourd aux protestations de Bagdad, puis aux menaces de Saddam Hussein, mais il réclame le remboursement immédiat des facilités accordées à l’Irak pour combattre pendant dix ans l’Iran. Cependant le dictateur irakien n’est pas inconscient : s’il est tenté de profiter de cette provocation pour réintégrer manu militari l’ancienne province irakienne au sein de l’Irak, il sait qu’il ne peut pas agir sans la bénédiction de Washington. Le 25 juillet 1990, il convoque donc l’ambassadrice états-unienne à Bagdad, April Glaspie, pour évoquer avec elle ce différend avec le Koweït.

L’ambassadrice April Glaspie
confirme à Saddam Hussein
qu’il a le feu vert des
États-Unis pour annexer
le Koweït.
Celle-ci lui tient des propos dans un langage diplomatique sans équivoque : « J’étais à l’ambassade américaine au Koweït à la fin des années 1960. Les instructions qui nous étaient données à l’époque étaient que nous ne devions exprimer aucune opinion sur cette question et que cette question n’est pas associée à l’Amérique. James Baker a exigé de nos porte-parole officiels qu’ils insistent sur cette directive » [2]. Quelques jours plus tard, le département d’État rappelle fort opportunément qu’aucun accord de défense ne lie les États-Unis au Koweit. Muni de ce « feu vert » et après l’échec d’une ultime négociation, Saddam Hussein lance l’offensive.
L’invasion du Koweït n’est pas une surprise pour l’administration Bush, mais elle est interprétée différemment selon les responsables. Colin Powell affirme ainsi, dès le départ que « nous irions en guerre pour l’Arabie saoudite, mais je doute que nous le ferions pour le Koweït » [3]. Pour les faucons Cheney et Wolfowitz, c’est au contraire l’occasion rêvée de négocier auprès de l’Arabie saoudite l’installation de bases militaires états-uniennes sur son territoire. Les deux hommes multiplient donc les déclarations alarmistes sur les volontés expansionnistes de Saddam Hussein, tout en s’efforçant de faire échouer les négociations avec le dictateur irakien, pourtant prêt à se retirer du Koweït pour éviter la débâcle [4]. Cheney doit cependant composer avec l’opposition, au sein de l’administration, de son ancien allié Colin Powell. Ce dernier redoute déjà que les États-Unis ne s’engagent dans une aventure militaire périlleuse. Mais les « faucons » se montrent plus convaincants. Dick Cheney va même jusqu’à proposer au président Bush de déclarer la guerre sans demander l’aval - pourtant constitutionnellement obligatoire - du Congrès. George H.W. Bush refuse cette position extrémiste, mais se laisse néanmoins convaincre de la nécessité d’intervenir militairement. L’opposition entre le secrétaire à la Défense et le chef d’état-major interarmes ne peut en sortir que renforcée, d’autant que Cheney et Wolfowitz vont jusqu’à tenter d’élaborer eux-mêmes un plan d’attaque militaire, avec l’aide d’Henry S. Rowen, dans le dos de Colin Powell [5]. Malheureusement pour ses auteurs, le plan suscite l’opposition de l’Arabie saoudite et de la Turquie, puisqu’il menace de provoquer une instabilité durable dans le pays même après un éventuel retrait, et apparaît au-delà comme un préalable à une partition de l’Irak. Il est donc rejeté. La Maison-Blanche opte plutôt pour un plan d’intervention massive, dans lequel l’armée états-unienne est soutenue par une coalition internationale, avec un rôle prépondérant de la propagande pour s’assurer de la bienveillance des opinions publiques nationales et internationales.
Il s’agit là d’une solution médiane, qui satisfait à la fois les défenseurs de la « doctrine Powell » et le clan des « faucons ». Les deux tendances de l’administration tombent finalement d’accord sur la légitimité de l’intervention. Le succès militaire rapide et « indolore » pour les troupes états-uniennes (à peine une soixantaine de morts et une cinquantaine de « disparus ») est une nouvelle confirmation, aux yeux des Républicains, de la justesse de la stratégie des néo-conservateurs. D’autant que Cheney et Powell ont réussi à s’accorder, contre la position jusqu’au-boutiste de Wolfowitz, sur la nécessité de mettre un terme rapidement à l’équipée militaire. La réussite est donc totale.
Un « faucon » est né
Après plusieurs années au Pentagone et deux opérations militaires particulièrement réussies, l’idéologie de Dick Cheney en matière de politique internationale s’est considérablement renforcée. Nul doute que la proximité avec Paul Wolfowitz a également joué un rôle dans l’élaboration d’une véritable doctrine néo-conservatrice dans ce domaine.
Les États-Unis, et singulièrement l’armée US, sont alors confrontés à une véritable remise en question, du fait de l’effondrement lent mais sûr de l’ancien bloc soviétique. Dans ce contexte, Cheney se rallie entièrement à la doctrine Wolfowitz qui vise à décourager les puissances émergentes de vouloir concurrencer les États-Unis, par le maintien d’une puissance militaire forte. Cette doctrine est développée dans le Defense Planning Guidance de 1992, commandé par Cheney, coordonné par Wolfowitz et rédigé par Zalmay Khalilzad [6]. Lorsque certains passages « fuitent » dans la presse et alimentent la polémique, Cheney défend le texte, à la différence de Wolfowitz qui cherche surtout à se protéger. Le secrétaire à la Défense, lui, n’a jamais eu peur d’afficher ses opinions. Quelques semaines plus tard, lorsque la version définitive du rapport est publiée, après sa réécriture partielle par Scooter Libby, c’est le nom de Richard Cheney qui figure sur la couverture.


Comme l’ensemble de l’administration Bush, le secrétaire à la Défense est écarté de la sphère politique après l’arrivée au pouvoir de Bill Clinton, en janvier 1993. Il retourne alors dans le civil, à l’American Entreprise Institute, le think-tank par excellence des néo-conservateurs. Il se sent suffisamment fort, en 1993, pour évoquer son éventuelle candidature aux primaires républicaines, en vue de battre Bill Clinton « sur le thème de la politique étrangère ». L’accueil de son parti est trop mitigé pour l’encourager à poursuivre : comme Rumsfeld avant lui, il est contraint de renoncer en janvier 1995. Mais l’ambition politique de retourner aux affaires est toujours là. La même année, il est nommé président-directeur général du géant de l’équipement pétrolier Halliburton [7], une société qu’il avait aidée par le passé à obtenir de mirobolants contrats militaires [8]. La boucle est bouclée : Cheney appartient désormais à la fois à au sommet de l’appareil d’État états-unien tout en ayant des intérêts dans le domaine énergétique [9]. Un mélange des genres récurrents dans la vie politique états-unienne, et qui va être aussi profitable à ses finances personnelles qu’à celles de la firme. Celle-ci bénéficie en effet dans les grandes largeurs du carnet d’adresses de Dick Cheney et de ses relations avec le milieu de la Défense. Sous l’administration démocrate, Halliburton va notamment obtenir le marché logistique mirobolant lié au déploiement de troupes états-uniennes en Bosnie puis au Kosovo.
La politique étrangère agressive menée par le président Clinton, surtout après sa réélection de en 1996, ne satisfait pas pour autant les Républicains les plus bellicistes auxquels Cheney s’est progressivement rallié. L’ancien Secrétaire à la Défense adhère au projet néo-conservateur de conquête du pouvoir, qui prend forme dès janvier 1997. La même année, il fait partie de 25 premiers signataires de la Déclaration de principes du Projet pour un nouveau siècle américain [10], publié par l’American Enterprise Institute. Il participe activement aux réunions de la division « Politique étrangère » du Congressional Policy Advisory Board, monté au sein du Parti républicain par Martin Anderson pour permettre l’élaboration d’une politique étrangère néo-conservatrice,avec le soutien financier du Hoover Institute, de la Fondation Heritage et de l’American Entreprise Institute. Il y côtoie ses amis Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et George Shultz, mais aussi Casper Weinberger et la protégée du candidat Bush, Condoleezza Rice. Il supervise également la première réunion des Vulcains, briefe Rice et Armitage, eux-mêmes conseillers de Bush sur les questions de politique étrangère, et mobilise tout son réseau dans la campagne. Ses efforts sont récompensés : chargé par George W. Bush de désigner le vice-président sensé figurer sur le ticket présidentiel, il finit par proposer son propre nom. Un choix vite adoubé par le fils de l’ancien président, qui lui avait déjà suggéré l’idée quelques mois auparavant. Le dispositif est complet.
Il n’est finalement pas étonnant que Richard Cheney se soit affirmé comme le leader des néo-conservateurs. On peut en effet considérer le personnage comme une synthèse des différentes composantes de cette alliance, à la fois membre de l’American Entreprise Institute, du Jewish Institute for National Security Affairs, ancien PDG d’Halliburton et ancien secrétaire à la Défense. Il maîtrise à ce titre toutes les facettes du complexe militaro-industriel qui gouverne les États-Unis depuis plus de cinquante ans.




[1] L’État Voyou, de William Blum, Parangon, 2002.
[2] « Excerpts From Iraqi Document on Meeting with U.S. Envoy », New York Times, 23 septembre 1990.
[3] My American Journey, par Colin Powell, Ballantine Books, 1995.
[4] Sur les négociations secrètes avec l’Irak conduites par la France, voir « Le double jeu de François Mitterrand » par Thierry Meyssan, Voltaire, 3 novembre 2003.
[5] Sur cet épisode, voir « Paul Wolfowitz, l’âme du Pentagone », par Paul Labarique, Voltaire, 4 octobre 2004.
[6] Ibid et « La doctrine stratégique des Bush » par Thierry Meyssan, Voltaire, 9 juillet 2004.
[7] Voir « Halliburton, profiteur de guerre », par Arthur Lepic, Voltaire, 23 septembre 2004.
[8] En 1992, alors que Dick Cheney vivait ses derniers mois en tant que Secrétaire à la Défense, Halliburton remporta un contrat de fourniture logistique auprès du Programme militaire d’augmentation de la logistique civile (Army’s Logistics Civil Augmentation Program, LOGCAP). D’après les experts, « c’est la première fois que l’armée sous-traitait un tel programme de planification à une entreprise privée ». Halliburton fournit notamment la logistique pour l’intevention militaire états-unienne en Somalie. « Dick Cheney and the Self-Licking Ice Cream Cone », in How Much Are You Making On The War Daddy ? - A Quick and Dirty Guide to War Profiteering in the Bush Administration, de William D. Hartung, Nation Books, 2003.
[9] Son épouse, Lynne Cheney, est quant à elle responsable de l’American Enterprise Institute et administratrice du géant de l’armement Lockheed Martin.
[10] Pour une liste des signataires successifs du Projet, voir le site Right Web.


Cheney
 Fabrication de la guerre contre l’Irak
Le dispositif Cheney 
par Thierry Meyssan*
1998-2003, un petit groupe piloté par Dick Cheney met en place un dispositif secret pour organiser l’intoxication sur les « armes de destruction massive » irakiennes. Il infiltre et verrouille les centres d’expertises du département d’État, du Conseil de sécurité nationale et du Pentagone. Ce groupe fabrique des informations fictives et recrute de faux témoins qu’il livre aux médias. Le Réseau Voltaire révèle les détails de cette manipulation de l’appareil d’État et dévoile les noms des responsables.



 FÉVRIER 2004




Après les déclarations de David Kay, ancien chef du groupe d’inspection en Irak, selon lesquelles l’Irak ne disposait pas d’« armes de destruction massive », George Tenet, directeur de la CIA, est monté au créneau pour défendre le bilan de son agence.
M. Tenet, qui ne s’était pas exprimé en public depuis le 23 mai 2003, a choisi sa conférence annuelle à Georgetown, le 5 février 2004, pour mener l’offensive. Cette prestigieuse université, située à Washington DC, a été fondée par les jésuites. Elle a fourni de très nombreux cadres à la CIA et M. Tenet lui-même en a été élève. Les liens actuels entre les jésuites états-uniens et l’Agence passent par le cardinal Avery Dulles (s.j.), neveu du fondateur de la CIA.
George Tenet a reconnu [1] que ses auditeurs avaient « le droit de savoir » ce qu’il en était des armes de destruction massive irakiennes, mais qu’il leur faudrait du « temps et de la patience », pour conclure, qu’en définitive « lorsque tous les faits auront été rassemblés, on verra que nous n’avions ni tout à fait tort, ni tout à fait raison ». Les étudiants ont chaudement applaudi cette plaidoirie pro domo, l’on peut pourtant s’interroger sur l’utilité d’une agence de renseignement qui se contente d’approximations.
On n’en attendait pas moins de Tenet qui est réputé pour « couvrir » ses subordonnés lorsque l’Agence est attaquée [2]. Toutefois ce que l’on reproche à la CIA, c’est moins de s’être trompée que d’avoir laissé le Pentagone distiller de fausses informations. L’Agence et le département d’État sont toujours restés évasifs sur les armes irakiennes, tandis que le département de la Défense avait constitué une cellule ad hoc qui est à l’origine de cette intoxication. En fait Tenet est pris à son propre jeu. Tout au long de la crise ses services ont multiplié les notes pour mettre en garde face aux exagérations du département de la Défense, mais, pour sauver son budget, il a fini par accepter de publier un document de complaisance accréditant ce qu’il savait faux. Nous allons vous raconter comment des politiques sont parvenus à mettre au pas les services de renseignement et à les obliger à tenir le discours dont ils avaient besoin.
La mise en place du système d’intoxication
Rappelons en premier lieu que la décision d’attaquer l’Irak a été prise, non pas en 2002, mais le 29 septembre 1998 lors du vote par le Congrès des États-Unis de la loi sur la libération de l’Irak [3] à l’issue d’une campagne du Projet pour un nouveau siècle américain (PNAC) [4], le think tank électoral de George W. Bush. Il s’agissait à l’époque de renverser Saddam Hussein et non pas de le désarmer [5].
Le président Clinton avait refusé de donner suite à cette décision du Congrès. Mais dès sa nomination et avant même sa prise de fonction à la Maison-Blanche, le président Bush a planifié sa mise en œuvre. Ainsi, lors de la séance de transmission des pouvoirs au Pentagone, le 9 janvier 2001, il interrompit les généraux qui lui présentaient leurs dossiers pour leur demander quels plans ils avaient préparé pour attaquer l’Irak [6]. George W. Bush hésita à instrumentaliser les attentats du 11 septembre pour envahir l’Irak, mais choisit en définitive d’en profiter pour attaquer l’Afghanistan [7]. Au regard de l’opinion publique intérieure, le régime Bush devait trouver un moyen de présenter cette expédition coloniale comme une riposte en légitime défense. Il fallait donc inventer un casus belli.
L’opération d’intoxication a été commanditée conjointement par la Maison-Blanche et le Pentagone. Elle a été directement pilotée par Lewis « Scotter » Libby, chef de cabinet du vice-président, et par Douglas J. Feith, sous-secrétaire à la défense chargé de la planification politique, pour le compte de Dick Cheney et Donald Rumsfeld. Avocat international, Libby s’est fait connaître en défendant des personnalités mafieuses juives, comme Marc Rich [8]. Lauréat de l’Organisation sioniste américaine, Douglas J. Feith est également avocat international. Son associé au sein du cabinet Feith & Zell est le porte-parole d’une organisation de colons israéliens. Il a lui-même été conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahu et milite pour l’annexion par Israël de tous les Territoires palestiniens et la déportation des populations de Gaza et Cisjordanie en Irak.

L’opération a initialement été confiée à Harold Rhode, un spécialiste d’origine lituanienne de la Solution finale, qui présida la Société juive de généalogie du Grand Washington [9]. Rhode est aussi un éminent spécialiste du Proche-Orient. Il parle l’arabe, le farsi, l’hébreu et le turc. Il travaille au sein du Bureau des évaluations du Pentagone [10], une cellule bureaucratique chargée d’évaluer la validité des programmes en cours. Il est dirigé depuis sa création, en 1973, par Andrew Marshall. Bill Clinton, exaspéré par l’anti-communisme primaire et désuet de Marshall, avait tenté, en vain de fermer ce bureau.
Sous prétexte d’évaluation, Rhode et Marshall commencèrent à épurer les services du Pentagone qui devaient traiter de l’Irak ; en premier lieu la Section des affaires proche-orientales et sud-asiatiques dirigée par Wiliam Luti.
Fin 2001, Harold Rhode commença à recruter de nouveaux collaborateurs. Par souci de discrétion, les entretiens ne se tinrent pas dans les locaux du Pentagone, mais dans ceux de l’Institut américain de l’entreprise [11]. Certains eurent lieu en présence de Richard Perle. Les candidats sélectionnés furent tous présentés à Douglas J. Feith pour validation.
L’une des premières recrues importantes fut David Wurmser, qui travaillait à l’Institut américain de l’entreprise pour lequel il avait publié, en mars 1999, L’Allié de la tyrannie : l’échec de l’Amérique à vaincre Saddam Hussein [12] ; un ouvrage préfacé par Richard Perle. En outre, il est l’un des sept auteurs de l’étude mystico-politique qui inspira la politique de Benjamin Netanyahu : Une rupture nette : une nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume d’Israël [13]. Parmi les autres signataires, on relève Richard Perle et Douglas J. Feith, ainsi que son épouse Meyrav Wurmser. Celle-ci est une des responsables du MEMRI, une agence de presse animée par des officiers de Tsahal.
La seconde recrue fut un maronite libanais, F. Michael Maloof, qui avait été assistant de Perle au Pentagone dans les années 80.
En quelques temps, une vingtaine de personnes furent ainsi recrutées. Début 2002, un Bureau des plans spéciaux fut alors créé par Feith au Pentagone et tout ce personnel y fut incorporé. Il est dirigé par Abram N. Shulsky, un vétéran des opérations psychologiques et spécialiste universitaire du philosophe de prédilection des néo-conservateurs, Leo Strauss. Il a commencé sa carrière comme assistant du sénateur Daniel P. Moynihan à la Commission sénatoriale du renseignement. Il travaillait alors avec Gary Schmitt (actuel directeur du Projet pour un nouveau siècle américain) avec lequel il se lia d’amitié. Ils ont publié ensemble, en 1991, La guerre silencieuse : Comprendre le monde du renseignement [14]. Par la suite, Shulsky a travaillé au sein d’un think tank anticommuniste, le National Strategy Information Center [15], sous l’autorité de Prescott Bush Jr. Enfin, il a rédigé des études pour la Rand Corporation, lorsque Donald Rumsfeld et Condoleezza Rice en étaient administrateurs. Notamment un rapport sur le remodelage de l’Asie centrale, qu’il a cos-signé avec Zalmay Khalilzad, actuel représentant spécial de George W. Bush pour l’Afghanistan et l’Irak [16].
Pour accréditer ses intox, le Bureau des plans spéciaux s’appuya sur des témoins providentiels, qui avaient tous vu les « armes de destruction massive » et savaient où elles étaient cachées. Ils furent recrutés parmi les exilés irakiens par le colonel William Bruner avec l’aide du Congrès national irakien d’Ahmed Chalabi.
Le Congrès national irakien est une organisation fantoche créée par le cabinet de communication Rendon Group pour le compte de la CIA, puis du Pentagone. Il aurait pu jouer le rôle d’un gouvernement irakien provisoire à la chute de Bagdad si les Français et les Russes ne s’y étaient pas opposés. Son président, Ahmed Chalabi, a souvent été décrit comme un escroc international après la faillite de la banque Petra qu’il dirigeait en Jordanie. Il est peu connu qu’il a été choisi par Richard Perle qui le connaissait par le biais de son beau-père, Albert Wohlstetter, le théoricien la bombe US. Chalabi étudiait alors les mathématiques à Chicago. Chalabi est aujourd’hui chaperonné par James Woolsey, ancien directeur de la CIA [17].
C’est par exemple par ce canal qu’a été recruté Hussain al-Shahristani, dont les pseudos révélations ont alimenté les rapports du Foreign Office britannique et quelques spectaculaires conférences de presse [18].
La neutralisation des oppositions
Cependant, les « renseignements » recueillis par le Bureau des plans spéciaux du Pentagone ont été démentis, point par point, par le Bureau des Affaires proche-orientales et sud-asiatiques du département d’État. Mais Dick Cheney, qui avait prévu le surgissement de cette contre-expertise, n’avait pas manqué de prévoir sa neutralisation. Il avait imposé à Colin Powell de nommer à sa direction sa propre fille, Elisabeth Cheney. Celle-ci purgea les fonctionnaires rebelles, notamment Greg Thielmann.
Le même problème aurait pu se poser au Conseil national de sécurité. Aussi Dick Cheney y avait-il fait nommer, en juin 2001, son ami Elliott Abrams pour les questions proche-orientales. Abrams commença sa carrière comme collaborateur du sénateur démocrate Henry « Scoop » Jackson, aux côtés de Richard Perle ; puis il travailla pour le sénateur Daniel P. Moynihan avec Abram N. Shulsky et Gary Schmitt. Sous Nixon et Reagan il supervisa les escadrons de la mort en Amérique centrale et participa activement à l’Irangate. Fondamentaliste juif, il a créé le Centre pour l’éthique et la politique publique où il a étudié et dénoncé l’influence du matérialisme états-unien sur la société israélienne. C’est aussi un des adversaires les plus résolus des Accords d’Oslo.
Enfin, pour réussir cette opération, Dick Cheney devait aussi neutraliser d’éventuelles initiatives de paix de Saddam Hussein. Une opération complexe fut organisée par le Bureau des plans spéciaux pour faire patienter le président irakien et lui faire croire le plus longtemps possible à une issue pacifique de la crise. Il fallait absolument empêcher qu’il ne donne pleine satisfaction aux experts de l’ONU.
Les Irakiens furent contactés par l’officier libanais du Bureau, Michael Maloof, et des négociations secrètes furent conduites à Londres par Richard Perle. Le procédé utilisé est exactement le même qu’en 1991, lorsque Bush père fit appel à François Mitterrand pour faire patienter Saddam Hussein en lui envoyant Marc Bourreau d’Argonne et Edgard Pisani [19]
En définitive, toute cette opération a été pilotée par Dick Cheney grâce à une équipe restreinte de personnes fidèles. Il n’a pas hésité à impliquer son épouse, Lyne, qui a surveillé les activités à l’Institut américain de l’entreprise, et à impliquer sa fille Elizabeth, qui a court-circuité Colin Powell au département d’État.
La presque totalité des cadres de l’opération a été recrutée dans les milieux sionistes les plus extrémistes sur la promesse de démanteler l’Irak et d’y créer un jour un État où déporter les Palestiniens. La plupart d’entre eux sont membres du Centre pour la politique de sécurité [20] et avaient publié ensemble une lettre ouverte au président Clinton, en 1998, pour réclamer l’attaque de l’Irak.
Thierry Meyssan
Analyste politique, fondateur du Réseau Voltaire. Dernier ouvrage paru : L’Effroyable imposture 2 (le remodelage du Proche-Orient et la guerre israélienne contre le Liban).
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[1] Cf. Iraq and Weapons of Mass Destruction, par George Tenet, Remarks at Georgetown University, 5 février 2004
[2] C’est ce comportement qui explique sa longévité à la direction de la CIA. Cf. The CIA at War de Ronald Kessler (St Martin Press, 2003). L’auteur, qui est très complaisant avec Tenet, insiste sur ce point.
[3] Iraq Liberation Act, S. 2525 , 105e Congrès, 2e session, 29 septembre 1998.
[4] Le Project for a New American Century a publié deux lettres ouvertes, le 26 janvier 1998 au président Clinton et le 29 mai 1998 aux présidents des groupes parlementaires républicains.
[5] Cf. les auditions organisées devant le Sous-comité des affaires proche-orientales et sud-asiatiques de la Commission des affaires étrangères du Sénat, le 2 mars 1998.
[6] Cf. « Pentagon Briefs Bush on Iraq », par Eric Schmitt et James Dao, in New York Times du 10 janvier 2001.
[7] Cf. Bush at War par Bob Woodward (Simon & Schuster, 2002).
[8] Propriétaire de Glencore, Marc Rich a mené des opérations de casse industrielle en France. À cette occasion, il a été qualifié par Jacques chirac de « patron voyou ».
[9] La Jewish Genealogy Society of Greater Washington tente de reconstituer les familles des victimes juives du nazisme.
[10] Office of Net Assessment.
[11] L’American Entrerprise Institute a été créé en 1943, mais il a été récupéré par les réseaux stay-behind à la fin des années 70. Il emploie aujourd’hui madame Cheney.
[12] Tyranny’s Ally : America’s failure to Defeat Saddam Hussein, par David Wurmser, American Entreprise Institute Press, 1999.
[14] Silent Warfare : Understanding the World of Intelligence, par Abram N. Shulsky et Gary J. Schmitt (Brasseys Inc, 1991).
[15] Le journaliste français Xavier Raufer était membre correspondant de cet institut. Cf. notre article « Christian de Bongain, alias Xavier Raufer ».
[16] The United States and Asia : Toward a New US Strategy and Force Posture, par Zalmay Khalilzad, David T. Orletsky et Abram N. Shulsky (Rand Corporation, 2001).
[17] Comme George W. Bush, Woolsey est membre d’une société secrète d’anciens étudiants de Yale, les Skulls and Bones.
[18] Voir notre article « Témoin surprise », par S. A., Réseau Voltaire, 25 février 2003.
[19] Voir notre article : « Le double jeu de François Mitterrand », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 3 novembre 2003 et le livre-témoignage Irak, guerre ou assassinat programmé ?, par Marc Boureau d’Argonne (François-Xavier de Guibert éd., 2002).
[20] Voir notre enquête « Les marionnettistes de Washington » par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 13 novembre 2002

 

Dick Cheney

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Richard Bruce Cheney ['tchi:ni] (né le 30 janvier 1941), dit Dick Cheney, est un homme d'affaires et un homme politique américain, membre du parti républicain. Il est le 46e vice-président des États-Unis d'Amérique, en poste depuis 2001 aux côtés du président George W. Bush.

Sommaire

Vie personnelle [modifier]

Dick Cheney est né à Lincoln dans le Nebraska et a grandi à Casper, Wyoming. Il est le fils de Richard Herbert Cheney, agent du département de l'Agriculture des États-Unis et de Marjorie Dickey Cheney.
Il excelle durant sa scolarité aussi bien en cours qu'en sport et est diplômé en 1959.
Il entre immédiatement dans la vie active en travaillant sur les lignes électriques de la compagnie locale d'électricité. Il intègre également Yale grâce à une bourse scolaire, mais c'est à l'université du Wyoming qu'il obtiendra sa maîtrise en science politique en 1966.
En 1964, il se marie avec Lynne Vincent, rencontrée au collège, et de laquelle il aura deux enfants, Elizabeth (née en 1966) et Mary (née en 1969).
Dick Cheney sera exempté de service militaire à cause de son statut d'étudiant et de jeune père de deux enfants en bas âge.
Il entre dès la fin des années 1960 dans la vie politique.

Carrière politique [modifier]

Dick Cheney (à gauche) en 1976
La carrière politique de Dick Cheney commence en 1969 dans l'administration de Richard Nixon, au sein même de la Maison Blanche.
Sous la présidence de Gerald Ford, Cheney devient Secrétaire général de la présidence. À cette époque, avec Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense, il s'oppose à la politique d'apaisement d'Henry Kissinger que les deux hommes jugeaient trop molle à l'égard de l'Union soviétique.
En 1976, il dirige la campagne de Gerald Ford aux côtés de James Baker.
En 1978, Cheney est élu en tant que républicain au Congrès fédéral où il représente le Wyoming et sera sans cesse réélu jusqu'en 1989.
De ces années au Congrès, on lui reproche d'avoir refusé de voter en faveur d'un jour férié en l'honneur de la naissance de Martin Luther King, Jr. et d'avoir voté contre la création du département fédéral de l'éducation. On lui reproche également d'avoir voté contre l'imposition de sanctions économiques contre l'Afrique du Sud et le régime d'apartheid et d'avoir qualifié Nelson Mandela et l'ANC de terroriste et d'organisation terroriste.
Il s'est aussi illustré par la défense des intérêts pétroliers et du monde des affaires.
Portrait officiel du secrétaire à la Défense
À partir de 1989, il devient le secrétaire à la défense du président George Bush père (1989-1993).
C'est dans cette fonction qu'il supervise l'opération Just Cause au Panama et l'opération « Tempête du désert » au Koweït en 1991, année où il reçoit la médaille présidentielle de la liberté pour avoir « assuré la défense de l'Amérique dans des temps de grands bouleversements internationaux ».
En 1993, Cheney rejoint le think tank (cercle de réflexion) néo-conservateur American Enterprise Institute (Institut de l'Entreprise Américain) après la défaite de George Bush à l’élection présidentielle.
De 1995 à 2000, il dirige la société d'ingénierie civile Halliburton spécialisée dans l'industrie pétrolière. Le fait que cette société ait pu décrocher de gros contrats en Irak en 2003 lui sera très fortement reproché par ses opposants politiques.
En 1997, avec Donald Rumsfeld et d'autres, il fonde le think tank néoconservateur PNAC (Project for the New American Century) - « Projet pour un nouveau siècle américain » - dont le but est de promouvoir le leadership global des États-Unis au XXIe siècle.
En 1998, il est un des signataires d'une lettre adressée à Bill Clinton pour demander le renversement de Saddam Hussein en Irak.
En 2000, en dépit d'une santé fragile suite à plusieurs attaques cardiaques, il se choisit lui-même pour être candidat républicain à la vice-présidence aux côtés de George W. Bush sous l'instigation de ce dernier, démissionne de ses fonctions à Halliburton et cède une grande partie de ses titres à des organismes de charité. La même année, Cheney rejoint comme membre le Conseil consultatif du Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA) [1].
En janvier 2001, il devient vice-président des États-Unis.

Le vice-président [modifier]

Dick Cheney, Dennis Hastert et George W. Bush, Discours sur l'état de l'Union en 2003
Cheney et Berlusconi (à droite)
Dès le début, Cheney l'expérimenté prend les choses en main et se révèle le vice-président le plus puissant que le pays ait connu jusque là. Il se charge de guider le jeune Bush encore novice sur de nombreux sujets de politique interne ou internationale.
Certains de ses détracteurs disent même qu'il est le véritable président des États-Unis, du moins dans les premiers mois de l'administration Bush.
Cheney prend en main la direction du groupe chargé du développement de la politique énergétique incluant parmi ses membres des dirigeants du groupe Enron en dépit de la faillite retentissante de celui-ci.
En juillet 2003, la Cour Suprême des États-Unis ordonnera au groupe de rendre public ses documents incluant des informations confidentielles sur la politique énergétique et la révélation de possibles conflits d'intérêts parmi les participants.
Le 11 septembre 2001, Cheney prend directement en charge la gestion de la crise suite aux attentats alors que le président est physiquement mis à l'abri et dans l'incapacité temporaire d'exercer ses fonctions.
Pendant un certain temps, Cheney sera lui aussi mis physiquement à l'écart pour éviter d'être au même endroit que le président et être avec lui la cible d'un attentat.
Le 29 juin 2002, Dick Cheney devient le second vice-président à exercer par intérim la fonction de président pendant une hospitalisation du président Bush.
Ses détracteurs l'accusent d'avoir poussé le président à l'invasion de l'Irak en plaidant notamment pour une opération militaire contre Saddam Hussein sans la saisine préalable de l'ONU, d'avoir affirmé que le dictateur possédait des armes chimiques et bactériologiques et qu'il avait remis en route son programme de fabrication d'une bombe atomique.
Dick Cheney est accusé également d'avoir persisté à soutenir à tort de l'existence de liens entre le régime irakien et Al-Qaida et affirmer que les soldats américains seraient « accueillis en libérateurs » par la population.

Liens avec Halliburton [modifier]

Ses liens avec l'industrie pétrolière lui sont reprochés et il est accusé d'être intervenu pour que Halliburton, obtienne de gros contrats de fournitures aux armées et de reconstruction.
Cette accusation est sans doute la plus faible dans son dossier à charge car en dépit des vérifications les plus sévères, un seul document existe dans ce sens. C'est en l'occurrence un e-mail du Pentagone indiquant que « l'attribution d'un contrat de 7 milliards de dollars à une filiale d'Halliburton, sans appel d'offres, en mars 2003, a été approuvée à tous les niveaux, y compris le cabinet de M. Cheney ».
Le Pentagone exonère M. Cheney car ce « feu vert » demandé visait à s'assurer que Dick Cheney, susceptible d'être considéré comme responsable d'un traitement de faveur pour son ancienne entreprise, ne voyait pas d'inconvénient à ce que ce marché soit attribué sans mise en concurrence.
Dick Cheney a reçu près de 1 350 000 stock-options de la part de Halliburton[2], d'une valeur totale supérieure à 43 millions de dollars. Il aurait apparemment fait don de l'intégralité des gains à des organisations caritatives.

Le second mandat [modifier]

Dick Cheney et George W. Bush en 2006
Le 22 juin 2004, en pleine campagne électorale, le franc parler connu de Cheney fait la une des journaux quand il injurie publiquement ("...go fuck yourself ") le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy, un de ses principaux détracteurs.
Le 2 novembre 2004, Dick Cheney est réélu au côté de George W. Bush.
En février 2005, il confirme qu'il ne sera pas candidat à la présidence en 2008.

L'affaire Valérie Plame [modifier]

En octobre 2005, Dick Cheney est accusé dans un article du New York Times d'avoir révélé à son chef de cabinet, Lewis Libby, l'identité d'un agent secret de la CIA, Valérie Plame. Il serait alors indirectement à l'origine de la divulgation criminelle à la presse de l'identité de cet agent. Cette affirmation du New York Times contredit les déclarations de M. Libby, qui dit avoir appris l'identité de Plame par des journalistes.
Révéler l'identité d'un agent de la CIA est un crime fédéral aux États-Unis alors que Dick Cheney est considéré comme un adversaire historique de la Centrale de renseignement dont il dénonce depuis la fin des années 1980 les échecs et les insuffisances (incapacité à prévoir la disparition de l'Union soviétique, incapacité de prévoir l'invasion du Koweït par Saddam Hussein, le peu d'informations sur l'arsenal irakien...). Il aurait ainsi tenté d'utiliser la CIA comme bouc émissaire pour avoir gonflé l'ampleur des programmes d'armes de destruction massive de Saddam Hussein et d'avoir fourni de faux renseignements au gouvernement sur l'achat d'uranium au Niger par l'Irak.
Lewis Libby a été inculpé le 28 octobre 2005 pour avoir révélé l'identité de Valérie Plame.

Affaire de la partie de chasse [modifier]

Le 11 février 2006, au cours d'une partie de chasse au Texas, en visant une caille, Dick Cheney blesse Harry Whittington, l'un de ses partenaires, un avocat de 78 ans.
L'information met 24 heures à filtrer et fait dans un premier temps l'objet de plaisanteries, de commentaires acerbes et d'humour ravageurs, du New York Times (« Le vice-président s'est apparemment comporté comme un adolescent qui pense que, s'il ne dit rien sur l'accident, personne ne s'apercevra que la portière de la voiture familiale a été arrachée ») à Jeb Bush arborant un badge humoristique en passant par David Letterman (« On n'a pas attrapé Ben Laden, mais on a eu un avocat de 78 ans »), l'humoriste Andy Borowitz (« Cheney blâme une erreur des services de renseignement ») jusqu'au sénateur démocrate Patrick Leahy, qui avait été insulté par le vice-président en juin 2004, estimant qu'il s'en était « finalement bien tiré ».[réf. nécessaire] L'on peut noter également l'apparition de Dick Cheney dans la série TV américaine Family Guy où il crible de balles Peter Griffin, protagoniste de cette série.
Le ton a brusquement changé, le 14 février, lorsque la victime de Dick Cheney subissait une crise cardiaque due à un plomb logé dans sa cage thoracique et descendu près du cœur.
Si le vice-président venait à être responsable d'un homicide involontaire, un grand jury devrait être réuni pour établir s'il y a eu négligence de la part de M. Cheney. [réf. nécessaire]

Attentat [modifier]

Le 27 février 2007, un attentat-suicide fit 23 morts et 20 blessés à l'extérieur d'une base militaire américaine en Afghanistan, visitée au même moment par Dick Cheney.[3] Un porte-parole des talibans revendiqua l'attentat pour son groupe et spécifia que Cheney était la cible visée par l'attentat.[4] Le vice-président dit avoir entendu l'explosion, mais se trouvait en sécurité à l'intérieur à ce moment-là.

Républicain politique [modifier]

Dick Cheney est avec Donald Rumsfeld catalogué en tant que républicain nationaliste, à ne pas confondre avec les néo-conservateurs avec qui il partage de nombreuses idées. Dick Cheney se définit lui-même comme étant « très à droite ».
Une de ses filles, Mary Cheney, est homosexuelle (et activiste) et, à la différence de M. Bush, Cheney estime que les régimes matrimoniaux relèvent des États et que le gouvernement fédéral n'a pas à s'en mêler.
Globalement, Dick Cheney est partisan d'un État aussi minimal que possible.
Il est un fervent adversaire du droit à l'avortement et en faveur des armes à feu de toutes catégories, y compris les balles perce-blindage.


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