dimanche 20 mars 2011

Paul Wolfowitz


  Théoricien de la violence
Paul Wolfowitz, l’âme du Pentagone

par Paul Labarique
Depuis trente ans, Paul Wolfowitz participe à presque tous les cabinets civils du Pentagone. Intellectuel brillant, disciple de Léo Strauss, il justifie de la guerre par l’extension de la démocratie de marché. Il s’est fait une spécialité d’inventer des menaces imaginaires pour justifier de nouveaux crédits et de nouvelles aventures. Il a théorisé les interventions préventives et l’intimidation des « compétiteurs émergeants ». N’hésitant pas à s’ingérer dans la tactique militaire, il a imposé ses conceptions aux officiers de terrain.

WOLFOWITZ Président de la Banque Mondiale depuis janvier 2005. Architecte de la « Doctrine Bush » et de la politique extérieure du Président George W. Bush qui a justifié la guerre en Irak. Il est le centre du cercle des « faucons de Guerre » de Washington et a été sous-secrétaire à la Défense sous Donald Rumsfeld. Ensemble, Rumsfeld et Wolfowitz ont commencé la quatrième guerre mondiale, établissant la doctrine de la guerre préventive. Il contrôle la politique de la Banque Mondiale en Amérique latine et fait pression sur les pays de la région pour qu'ils adoptent des positions critiques vis-à-vis du Venezuela.


Paul Wolfowitz surpris à la sortie de la mosquée d'Edirne en Turquie, fin janvier 2007








La position particulière de Paul Wolfowitz dans l’espace public états-unien, entre le champ politique et le champ universitaire, lui permet d’être à la fois proche des théoriciens du régime Bush, tout en y occupant des fonctions exécucrtives, au sein du département de la Défense.
Le fils de son père
Paul Wolfowitz est le fils de Jacob Wolfowitz, un juif polonais né à Varsovie, dont les parents ont émigré à New York lorsqu’il avait dix ans. Diplômé du City College de New York, Wolfowitz père obtient un doctorat en mathématiques à l’université de New York et devient dans la foulée l’un des meilleurs experts états-uniens en théorie de la statistique. Il est alors très proche du mathématicien hongrois Abraham Wald. Politiquement, Jacob Wolfowitz est un sioniste convaincu, engagé par ailleurs dans des organisations opposées à la répression soviétique des minorités et des dissidents.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jacob Wolfowitz effectue des études pour l’armée états-unienne, au sein du département de statistique de l’université de Columbia. C’est à cette époque que naît Paul, en 1943. En 1957, la famille déménage en Israël, après que Jacob Wolfowitz eut accepté un poste à l’Université Technion. Paul réussit lui aussi des études brillantes : étudiant en mathématiques à l’Université de Cornell, il s’intéresse rapidement à l’Histoire et à la science politique. Il devient alors membre de l’Association Telluride, créée en 1910 par L.L. Nunn pour sélectionner l’élite universitaire de Cornell, comme cela se pratique sur la plupart des campus états-uniens [1]. C’est au sein de ce groupe qu’il est amené à rencontrer le philosophe Allan Bloom, qui multiplie les contacts avec les étudiants de Telluride, dont entre autres l’économiste Francis Fukuyama, le candidat à la présidence Alan Keyes, le spécialiste du renseignement Abram Shulsky, l’expert en soviétologie Stephan Sestanovich, et Charles Fairbanks, le spécialiste de l’Asie centrale.
Une éducation « straussienne »
Sous l’influence d’Allan Bloom, Paul Wolfowitz développe ses connaissances en sciences politiques, et son intérêt pour la philosophie de Leo Strauss [2], le mentor de Bloom. S’il choisit l’Université de Chicago pour effectuer son doctorat, c’est d’ailleurs parce que le philosophe allemand y enseigne encore.

Léo Strauss
Même si le maître quitte Chicago avant que Wolfowitz ne soit diplômé, et bien que le jeune homme ne se considère pas véritablement à l’époque comme un conservateur, il est aujourd’hui perçu comme un héritier intellectuel de Leo Strauss. En 2002, Jeane Kirkpatrick déclare ainsi dans une interview que, selon elle, « Wolfowitz reste une des grandes figures straussiennes » [3]. Il est vrai que le responsable états-unien axe son discours sur la fin de la tyrannie et la condamnation du Mal, sur la dichotomie dictature-démocratie, et sur les pouvoirs quasi-surnaturels qu’il accorde aux dictateurs, qui seraient capables, par malice, de tromper les démocraties libérales. Une argumentation élaborée pendant les dernières années de la Guerre Froide, qu’il reprendra ensuite à propos de l’Irak de Saddam Hussein.
Wolfowitz réfute aujourd’hui en partie le qualificatif de straussien. À Chicago, il s’est en effet trouvé un nouveau mentor, en la personne d’Albert Wohlstetter. Ce dernier, qui a étudié les mathématiques avec Jacob Wolfowtiz à Columbia, est alors le premier stratège nucléaire états-unien, membre de la Rand Corporation et théoricien de la vulnérabilité des États-Unis. Sous sa direction, Paul Wolfowitz rédige un mémoire sur les usines de désalinisation installées par Washington aux frontières d’Israël, de l’Égypte et de la Jordanie, officiellement pour impulser une collaboration entre Tel-Aviv et le monde arabe. Officieusement, l’un des produits dérivés du processus de désalinisation devait être du plutonium. Wolfowitz s’oppose, dans ce mémoire, à la nucléarisation du Proche-Orient, aussi bien du côté israélien que du côté arabe, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons : pour lui, si l’État hébreu venait à se doter de l’arme nucléaire, il provoquerait une course aux armements avec les pays arabes aidés par l’URSS, fragilisant ainsi sa position au lieu de la consolider.
Empêcher le contrôle des armements
Fort de ses connaissances en relations internationales, Paul Wolfowitz est envoyé à Washington à l’été 1969, pour y travailler au Committee to Maintain a Prudent Defense Policy (Comité pour le maintien d’une politique prudente de Défense), à la demande de Wohlstetter. Cet organisme, créé par deux grandes figures de la Guerre froide, Dean Acheson et Paul Nitze, respectivement secrétaire d’État et directeur de la planification du département d’État du président Truman, a pour objectif de convaincre le Congrès de la nécessité d’installer un bouclier anti-missiles, projet fermement combattu par plusieurs représentants états-uniens, notamment Edward M. Kennedy, William Fulbright, Albert Gore Sr, Charles Percy et Jacob Javits. Pour aider Nitze et Acheson dans leur combat, Wolfowitz est accompagné de Peter Wilson, un autre élève de Wohlstetter, et de Richard Perle, qui est alors fiancé à la fille de Wohlstetter. Les trois jeunes hommes mènent le combat de haute lutte, rédigeant des études scientifiques et distribuant des fiches techniques aux membres du Congrès. Ils organisent également l’audition du sénateur « pro-bouclier » Henry M. Scoop Jackson devant la commission sénatoriale consacrée aux questions d’armement. Un travail payant : à la fin de l’été 1969, les « faucons » l’emportent au Sénat par 51 voix contre 50. L’adoption du projet permettra ensuite à Nixon d’engager la négociation avec l’URSS sur le Traité des missiles anti-balistiques en position de force. Les discussions aboutiront à la signature de SALT I.

Henry « Scoop » Jackson
Cet épisode marque un tournant dans la politique de Défense états-unienne, puisqu’il s’agit de la première victoire des « faucons » depuis 1941 et le vote par le Congrès de l’extension de la conscription en temps de paix. De plus, le succès de Nitze et Acheson permet l’ouverture d’un débat concernant le bouclier anti-missiles, débat qui continue encore aujourd’hui. Surtout, il a renforcé les convictions de Paul Wolfowitz et Richard Perle en matière de désarmement : les deux jeunes gens ressortent de cette lutte politique avec une grande méfiance envers tout processus de contrôle de l’arsenal états-unien, convaincus qu’une telle politique est défavorable aux États-Unis, tant d’un point de vue stratégique que psychologique. Par ailleurs, la participation à une entreprise politique aussi délicate que celle qui leur a été confiée par d’éminents théoriciens de la Guerre froide leur promet un avenir radieux à Washington.
Alors que son camarade Perle s’engage immédiatement en politique, en devenant l’assistant au Sénat de Henry « Scoop » Jackson, Wolfowitz reprend un temps ses études à Chicago, où il achève son doctorat. Mais les sirènes de Washington le rappellent bien vite : en 1973, l’Agence pour le contrôle des armes et le désarmement subit une véritable purge, sous l’influence de Scoop Jackson qui soupçonnait l’ancienne équipe d’être trop disposée à négocier avec l’ennemi soviétique. Fred Iklé, un stratège « faucon » de la Rand, prend la direction du département. Sur la recommandation de Wohlstetter, il choisit de recruter Wolfowitz. Celui-ci devient rapidement son plus proche conseiller. Il rédige pour lui des notes sur le lancement des missiles et leur détection, travaille sur les négociations liées au contrôle des armements, et suit Iklé en tourné à Paris et dans les capitales européennes.
Henry Kissinger

H
Son plus haut fait d’armes date de 1974 et 1975 : pendant deux ans, il s’implique dans la campagne de pression menée par les États-Unis auprès de la Corée du Sud afin qu’elle renonce à un programme de développement de plutonium. Wolfowitz cherche à cette époque à remettre en cause la politique étrangère d’Henry Kissinger vis-à-vis de l’Union soviétique, et même plus largement, la vision statique du monde développée par l’admirateur de Metternich. Il souhaite, en réalité, incarner l’alternative intellectuelle de Kissinger. Pour cela, il fait venir à ses côtés certains jeunes universitaires tels que son ami Francis Fukuyama.
L’expert en création de menaces
Efficace dans son travail, qui consiste à faire du contrôle des armements une coquille vide, Wolfowitz est rapidement assimilé à ce qu’il convient d’appeler les experts « alarmistes », toujours utiles lorsqu’il s’agit de gonfler - voire de créer - une menace pour faire voter une augmentation du budget militaire. C’est donc naturellement qu’il est invité à participer à la fameuse « équipe B », créée en 1976 par le directeur de la CIA de Gerald Ford, George H.W. Bush, afin de réévaluer la menace soviétique, prétendument sous-estimée par les experts trop pantouflards de l’Agence [4]. Cette équipe B est présidée par Richard Pipes, le père de Daniel Pipes. Pour rendre leur rapport, ses membres décident de se fonder sur les déclarations publiques des dirigeants soviétiques, plutôt que sur les traditionnelles photos satellites. Sans surprise, leur estimation finale, parue fin 1976, assure que l’Union soviétique pourrait prochainement reprendre l’avantage dans la course aux armements, en vue d’établir « une hégémonie soviétique globale ». Wolfowitz réalise alors que sous couvert d’indépendance, il est possible de passer outre le travail réalisé par les agences de renseignement. Il aura recours à ce procédé à plusieurs reprises dans sa longue carrière politique.
L’avantage du statut d’expert, c’est qu’il a la réputation d’être « indépendant ». Wolfowitz ne fait donc pas les frais de l’arrivée au pouvoir de Jimmy Carter. Il faut dire que deux de ses plus proches alliés politiques, le sénateur Henry Jackson et Richard Perle, sont des démocrates. Il obtient donc un poste au Pentagone, où il est responsable des « programmes régionaux ». En réalité, il se charge d’évaluer les problèmes que pourrait rencontrer le Pentagone à l’avenir. Le secrétaire à la Défense, Harold Brown, lui demande notamment d’examiner les menaces pesant sur l’armée états-unienne dans le Tiers-Monde. Wolfowitz se focalise alors sur la région du Golfe arabo-persique, en créant un programme de recherche, le Limited Contigency Study. À l’époque, le premier choc pétrolier a alerté les États-Unis sur l’importance stratégique du contrôle des régions riches en ressources énergétiques, notamment l’Arabie saoudite.
1976 : la première « menace » irakienne de Paul Wolfowitz
Dans le cadre de sa nouvelle affectation, Paul Wolfowitz assiste à un séminaire de Geoffrey Kemp, un jeune professeur à la Fletcher School of Law and Diplomacy. Ce dernier affirme que les États-Unis se focalisent trop sur l’Europe et ne prennent pas assez au sérieux les conséquences d’une éventuelle percée soviétique dans le Golfe. Wolfowitz le recrute immédiatement au sein du Limited Contigency Study, tout comme Dennis Ross, alors un jeune spécialiste de l’Union soviétique et futur négociateur au Proche-Orient du gouvernement Clinton. L’équipe, dont les locaux sont au Pentagone, ne s’intéresse pas qu’à une possible prise de contrôle des champs pétroliers par l’URSS. Elle envisage également que cette OPA sur l’or noir soit réalisée par une puissance régionale du Golfe, en étudiant par exemple l’éventualité d’une attaque irakienne contre l’Arabie saoudite. La très forte improbabilité d’une telle opération ne gêne pas Wolfowitz : selon lui : « Il ne faut pas se focaliser exclusivement sur la probabilité d’un événement, mais aussi sur la gravité de ses conséquences ». Une méthode de travail particulièrement pertinente si l’objectif est non pas de se prémunir d’une menace, mais de la construire.
D’un point de vue militaire, les conclusions du programme d’études du jeune Wolfowitz sont limpides : les États-Unis doivent renforcer leur présence dans la région du Golfe, notamment en y construisant de nouvelles bases militaires. Il faut également se méfier de l’avènement d’une puissance régionale trop importante, telle que l’Irak ou, à l’époque, l’Iran. Une recommandation qui ne restera pas lettre morte : trois ans plus tard, la CIA renverse le shah devenu trop exigeant, lui préférant même un régime islamique anti-états-unien qu’elle estime pouvoir contrôler, avec le succès que l’on sait [5]. Il s’agit là d’une opération en totale rupture avec la politique mise en œuvre par Nixon et Kissinger, c’est-à-dire de faire de l’Iran un régime pro-occidental lourdement armé, garant de l’équilibre régional. Le renversement du chah provoque d’ailleurs, ce n’est pas un hasard, un regain d’intérêt pour le travail de Wolfowitz et de ses amis : subitement, le Pentagone cherche à établir des bases à Oman, au Kenya ou en Somalie, encourage les gouvernements amis du Proche-Orient à construire des aéroports plus importants et tente de renforcer sa présence dans le Golfe pour permettre un déploiement rapide. Un an plus tard, les troupes états-uniennes et égyptiennes mènent ensemble un exercice militaire baptisé Bright Star, tandis que les forces états-uniennes développent, d’une manière générale, des technologies militaires destinées au combat en zone désertique. Le jour de la prise de pouvoir de Ronald Reagan, le 20 janvier 1981, la nouvelle administration annonce la création du CENTCOM, le centre de commandement militaire états-unien au Proche-Orient.
La période « asiatique »
La place de Wolfowitz n’est pas assurée au sein de la nouvelle équipe de la Maison-Blanche. En effet, ayant participé à l’administration Carter et étant proche de personnalités dites « démocrates », son pedigree n’est pas blanc-blanc pour l’administration Reagan, très proche de l’extrême droite. Averti fin 1979 par Fred Iklé sur le danger de rester à son poste jusqu’à la fin de la campagne, Wolfowitz démissionne début 1980, et redevient professeur associé au sein de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies. Il n’en reste pas moins suspect pour la Maison-Blanche. Richard Allen, nouveau conseiller à la sécurité nationale, refuse au départ de le voir rejoindre l’équipe « Politique étrangère » de Ronald Reagan. Il faudra toute la persuasion de John Lehman, son ami et ancien proche de Wolfowitz sous Nixon, pour le convaincre de l’intérêt d’un tel recrutement. Puis au moment de sa nomination, c’est le sénateur Jesse Helms qui rechigne à donner son feu vert à celui qu’il voit alors comme un dangereux libéral. Wolfowitz invite alors le directeur de cabinet du sénateur, John Carbaugh, pour lui donner des gages de néo-conservatisme. Il obtient finalement le poste de directeur de la planification au Département d’État. Comme sous Carter, il est chargé d’élaborer une vision à long terme des évolutions géopolitiques, et du rôle diplomatique à jouer pour les États-Unis. Un poste à responsabilité, occupé par le passé par George Kennan, le théoricien de la Guerre froide. Wolfowitz recrute pour cela une équipe fournie : Scooter Libby, juriste de Philadelphie, l’économiste Francis Fukuyama, le conservateur afro-américain Alan Keyes, mais aussi Zalmay Khalilzad, qui a l’avantage de venir de l’Université de Chicago et d’être un ancien élève de Wohlstetter.

Zalmay Khalilzad
Certaines de ses recrues sont des démocrates, comme Dennis Ross et Stephen Sestanovich, proche d’Allan Bloom et ancien étudiant à Cornell, en même temps que Wolfowitz.
Les recommandations du nouveau responsable de la planification du département d’État sont en rupture avec la politique étrangère menée jusque-là par les États-Unis, et plus particulièrement sous Carter : Wolfowitz remet en cause le bien-fondé de la vente d’avions de surveillance AWACS à l’Arabie saoudite, réclame une prise de distance de Washington vis-à-vis de l’Organisation de libération de la Palestine de Yasser Arafat, et se montre un des plus virulents défenseurs d’Israël au sein de l’administration Reagan. Mais c’est sur le dossier chinois qu’il choque le plus : la doctrine Kissinger préconisait jusque-là de considérer la Chine comme un pays trop puissant pour être ignoré, avec lequel il faudrait nécessairement négocier pour s’en faire un allié objectif dans la lutte contre l’URSS. Selon un mode d’argumentation déjà rodé, Wolfowitz dénonce cette vision des choses. Selon lui, les États-Unis ont depuis trop longtemps surévalué l’importance de la Chine alors qu’elle est en réalité bien plus menacée par Moscou que ne le sont les États-Unis. C’est donc Pékin qui a besoin de Washington, et non l’inverse. Il n’y a aucune concession à faire à la Chine, bien au contraire. Un tel discours met naturellement hors de lui Alexander Haig, le secrétaire d’État de l’époque, ancien assistant d’Henry Kissinger. La rumeur gronde même pendant quelques jours d’un départ imminent de Wolfowitz. Il n’en sera rien. Le 25 juin 1982, c’est Haig qui est remplacé par George Shultz, consacrant la rupture de l’administration Reagan avec la doctrine Nixon-Kissinger et ouvrant, au passage, une voie pour les idées défendues par Wolfowitz. Ce dernier est promu au poste de sous-secrétaire d’État pour l’Asie orientale et le Pacifique. Il s’agit là du premier emploi de terrain pour le bureaucrate universitaire du Pentagone.
Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Wolfowitz entre en relation avec deux figures clés de l’administration Reagan sur l’Asie que sont Richard Armitage, qui représente le Pentagone, et Gaston Sigur, du National Security Council (Conseil pour la sécurité nationale, NSC). Les trois hommes, qui se réunissent tous les lundis, coordonnent ensemble la politique étrangère de Washington dans la région asiatique. L’un des plus épineux dossiers qu’ils auront à traiter concerne les Philippines, où ils organisent le retrait politique du dictateur Ferdinand Marcos en 1986. Alors que celui-ci a bénéficié jusque-là d’un soutien indéfectible de Washington, l’équipe « asiatique » de Ronald Reagan s’inquiète de voir le pays en proie à une opposition de gauche de plus en plus mobilisée. L’arrivée au pouvoir des « communistes » pourrait entraîner la sortie des Philippines du giron états-unien, occasionnant au passage la fermeture de deux bases de l’US Army installées sur l’archipel, la Clark Air Force Base et la Subic Bay Naval Station. Ils incitent donc Marcos à intégrer une partie de son opposition dans son gouvernement. En vain : le vieux dictateur est convaincu qu’il ne sera jamais « lâché » par Ronald Reagan, qui l’a reçu à plusieurs reprises à la Maison-Blanche. Il se trompe : les trois responsables Asie le chassent du pouvoir et mettent fin à la dictature au profit de la droite catholique et de l’Opus Dei.
Cet épisode ne révèle pas une préférence de Washington pour les régimes démocratiques. Il permet uniquement de constater que le Pentagone et le département d’État sont prêts à soutenir l’instauration d’un régime démocratique si le maintien d’une dictature risque d’entraîner la prise de contrôle du pays par les « communistes ». En cela, ce n’est pas en tant que pro-démocratie que Wolfowitz a choisi cette politique, mais bien en tant qu’anti-communiste.
De manière symptomatique, la gestion des Philippines est rapidement critiquée par Henry Kissinger, qui met en cause le revirement états-unien vis-à-vis de Marcos, un allié fidèle de Washington depuis longtemps. Selon lui, un tel « lâchage » pourrait entraîner une déstabilisation d’autres régimes autoritaires, tels que la Corée du Sud, la Thaïlande, ou encore l’Indonésie. Wolfowitz, en revanche, affirme que les États-Unis ne peuvent reprocher à l’URSS son autoritarisme et dans le même temps tolérer dans leur camp des pays non-démocratiques. Ce que semble proposer ici le diplomate états-unien, c’est un revirement complet de la politique étrangère états-unienne, sur la base de la « promotion de la démocratie ». Il n’en sera évidemment rien. Seuls les régimes autoritaires instables seront remplacés, et pas nécessairement par des démocraties. En bon garant de la stabilité régionale, Paul Wolfowitz est d’ailleurs nommé ambassadeur des États-Unis en Indonésie, jusqu’à la fin du second mandat de Ronald Reagan.
Retour en Irak
L’arrivée au pouvoir de George H.W. Bush ramène Wolfowitz à Washington, au même poste qu’au début de l’ère Regan : sous-secrétaire à la Défense, en charge de la politique du Pentagone, particulièrement sur les questions de désarmement, du Proche-Orient et du Golfe persique. Il y reprend son travail mené sous Jimmy Carter, en demandant une évaluation de la capacité états-unienne à défendre les champs pétrolifères saoudiens. Cette fois, l’éventualité d’une intervention soviétique est écartée, pour se focaliser sur les puissances régionales, au premier rang desquelles figure l’Irak.
Il y a fort à parier que la stratégie états-unienne qui a consisté à provoquer le régime de Saddam Hussein afin de le pousser à envahir le Koweït a été en partie élaborée par Wolfowitz. L’objectif d’une telle tactique était claire : elle permettait à l’armée états-unienne de se déployer massivement dans la région, et particulièrement en Arabie saoudite, mais aussi de réduire à néant la puissance accumulée par Bagdad, avec l’approbation de Washington, au cours des quinze dernières années. Plusieurs éléments permettent d’envisager la participation de Wolfowitz à l’élaboration d’un tel scénario : d’une part, son poste au Pentagone lui permettait d’être associé à de telles décisions ; d’autre part, la nécessité d’un déploiement de troupes états-uniennes dans la région était depuis longtemps une de ses principales préoccupations. Enfin, un épisode troublant a été raconté par Dennis Ross. Au cours d’un voyage effectué dans la région à cette époque, Ross a la surprise de voir son compagnon de route James Baker lui présenter des documents accréditant l’hypothèse (plus tard totalement infirmée) d’une attaque irakienne contre l’Arabie saoudite. Or, ces documents, il les connaissait déjà : il s’agissait d’une simple mise à jour de ses propres travaux de la fin des années 1970 pour le compte du Limited Contigency Study de Wolfowitz.
Les prises de position du sous-secrétaire à la Défense sont d’ailleurs extrêmement claires : il ne faut pas négocier avec Saddam Hussein le retrait des troupes irakiennes du Koweït, mais profiter de l’aubaine pour dévaster le pays. Avec Richard Cheney, il œuvre même à l’élaboration d’un plan d’attaque, conçu par Henry S. Rowen, membre de la Stanford Business School et du Hoover Institute, en alternative au plan du général Colin Powell, alors chef d’état-major interarmes, et du général Norman Schwarzkopf. L’avantage de ce plan, qui prévoyait le déploiement de troupes depuis l’Arabie saoudite jusqu’aux alentours de Bagdad, afin de forcer Saddam Hussein à se retirer du Koweït, était d’assurer la protection d’Israël vis-à-vis d’éventuelles frappes balistiques. Il sera finalement rejeté. Rejetée également, à la fin de la guerre, la position défendue par Wolfowitz de poursuivre plus avant le conflit, une fois les objectifs atteints. Cette fois, c’est le chef d’état-major interarmes Colin Powell qui obtient gain de cause, en expliquant que les États-Unis « sont en train de tuer des milliers de personnes », rapporte James Baker dans ses Mémoires. Le cessez-le-feu « prématuré » est une énorme déception pour Wolfowitz qui, selon certains, préconisait d’envoyer l’armée jusqu’à Bagdad. À la fin des années 1990, il affirmera que la poursuite des combats aurait peut-être favorisé un coup d’État, et donc la chute de Saddam Hussein. Il tire, en tout état de cause, une leçon politique de cet épisode : à l’avenir, il lui faudra mieux contrôler le pouvoir militaire, s’il veut atteindre ses objectifs stratégiques.
Nouvel ordre mondial
La chute de l’Union soviétique entre 1989 et 1990, qui doit amener à un redéploiement des forces états-uniennes de par le monde, donne lieu à l’élaboration d’une nouvelle doctrine pour les néo-conservateurs et Paul Wolfowitz. Les responsables de la Défense états-unienne doivent en effet justifier devant le Congrès le maintien des dépenses militaires, à l’heure où le principal ennemi s’est effondré. Wolfowitz et Powell, pourtant opposés par le passé, développent ensemble l’idée d’une nécessaire force minimale d’intervention de l’US Army, afin d’être en mesure de parer à toute menace éventuelle.

Mais l’essentiel de la doctrine Wolfowitz est élaborée en 1992, dans le cadre du Defense Planning Guidance. Ce document, qui a été commandé par Richard Cheney, alors secrétaire à la Défense, a en réalité été rédigé par Zalmay Khalilzad, l’assistant de Scooter Libby au Pentagone, sur la base de réunions auxquelles participaient, alternativement, Richard Perle, Andrew Marshall, Paul Wolfowitz, ou encore Albert Wohlstetter. Dans le document qui a fuité dans la presse, l’auteur évoque un nouvel « ordre mondial [...] au finale soutenu par les États-Unis », dans lequel l’unique superpuissance n’aurait plus que des alliances conjoncturelles, au gré des conflits. L’ONU et même l’OTAN seraient de plus en plus mises sur la touche. Plus largement, la doctrine Wolfowitz théorise la nécessité pour les États-Unis de bloquer l’émergence de tout compétiteur potentiel à l’hégémonie états-unienne, notamment les « nations industrielles avancées » telles que l’Allemagne et le Japon. Particulièrement visée, l’Union européenne : « Bien que les États-Unis soutiennent le projet d’intégration européenne, nous devons veiller à prévenir l’émergence d’un système de sécurité purement européen qui minerait l’OTAN, et particulièrement sa structure de commandement militaire intégré ». Les Européens seront ainsi priés d’inclure dans le Traité de Maastricht une clause subordonnant leur politique de défense à celle de l’OTAN [6], tandis que le rapport du Pentagone préconise l’intégration des nouveaux États d’Europe centrale et orientale au sein de l’Union européenne, tout en leur faisant bénéficier d’un accord militaire avec les États-Unis les protégeant contre une éventuelle attaque russe [7]
Après le scandale provoqué par la publication prématurée du document, Paul Wolfowitz se désolidarise un temps de sa rédaction, avant que le soutien de Dick Cheney à Khalilzad ne le convainquedes’y rallier. En réalité, l’assistant de Wolfowitz, Scooter Libby,qui va se charger de la seconde version du rapport, va même aller plus loin. S’il évite de désigner nommément l’Union européenne, il théorise explicitement la nécessité pour les États-Unis d’acquérir une supériorité militaire telle qu’elle décourage toutes les puissances émergentes de tenter de les concurrencer.
L’arrivée au pouvoir de Bill Clinton en 1992 renvoie Paul Wolfowitz à ses chères études. Il reprend son poste à la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies, où il développe ses théories sur l’obligation pour les États-Unis de conserver une « profondeur stratégique », un euphémisme qui renvoie au fait d’être la seule superpuissance mondiale. En 1996, il est choisi par Donald Rumsfeld, qui dirige la campagne présidentielle du candidat républicain Bob Dole, pour être le pourvoyeur d’idées en matière de politique étrangère.
Mais son obsession reste le Proche-Orient et le dossier irakien. Après avoir plusieurs fois regretté que l’armée US ne soit pas restée plus longtemps sur le sol irakien, afin de renverser Saddam Hussein, il écrit, en 1997, un article intitulé « Les États-Unis et l’Irak » dans lequel il préconise l’instauration d’un nouveau régime à Bagdad, sans préciser la manière d’y parvenir [8]. À la fin de l’année, il va même plus loin en co-signant un article avec Zalmay Khalilzad dans le Weekly Standard, le magazine des néo-cons. Le titre est éloquent : « Renversez-le », en référence au dictateur irakien [9]. À l’époque, il développe sa vision personnelle d’un renversement réussi, qui passerait par un soutien armé au sud du pays, puisqu’il affirme préférer travailler avec les opposants chiites qu’avec les Kurdes. Et il évoque déjà la nécessité de rallier les alliés récalcitrants, dont l’hésitation s’explique par le manque de détermination de l’administration Clinton. L’arrivée au pouvoir d’une équipe de « faucons » devrait donc avoir raison de ces réticences. D’autant que, selon lui, la Russie et la France devraient facilement se laisser convaincre par « le vent du pétrole ». Si ces prédictions se sont révélées fausses, la démarche de Wolfowitz a reçu sa consécration aux États-Unis, où, en 1998, de nombreuses figures éminentes du Parti républicain rallient le Projet pour un nouveau siècle américain dont l’une des premières revendications est la destitution de Saddam Hussein. Au même moment, Wolfowitz est invité à participer au Congressionnal Policy Advisory Board, monté au sein du Parti républicain par Martin Anderson pour permettre l’élaboration d’une politique étrangère néo-conservatrice, avec le soutien financier du Hoover Institute, de la Fondation Heritage et de l’American Entreprise Institute. Donald Rumsfeld et Dick Cheney y assistent régulièrement, tandis que Colin Powell est délibérément écarté, tout comme Richard Armitage.
Wolfowitz n’est pas en reste. Il participe, toujours en 1998, à la commission d’enquête du Congrès chargée d’examiner la réalité de la menace d’une frappe balistique sur les États-Unis, dirigée par Donald Rumsfeld. Sur le modèle de l’« Équipe B » montée par George H.W. Bush au milieu des années 1970, cette commission doit réexaminer les données fournies par les agences de renseignement et en proposer, si nécessaire, une interprétation différente. La communauté du renseignement états-unien avait en effet conclu, en 1995, qu’aucune puissance en dehors des États nucléaires déclarés n’aurait la possibilité de toucher le territoire états-unien avec un missile avant quinze ans. Il s’agissait donc pour le complexe militaro-industriel, et notamment les partisans du bouclier anti-missiles, au premier rang desquels figurent Paul Wolfowitz et Newt Gringrich, de remettre en cause ces conclusions jugées beaucoup trop optimistes. La commission fait parfaitement son travail : Donald Rumsfeld parvient à rallier le soutien des trois démocrates membres du comité, et notamment de Richard Garwin, officiellement opposé au bouclier antimissile. La commission accrédite ainsi l’idée d’une réelle menace de frappe balistique, en provenance de la Corée du Nord, de l’Iran et de l’Irak. En 1999, toujours dans le cadre du Projet pour un nouveau siècle américain, Wolfowitz signe une pétition en faveur de Taiwan, qui devrait, selon le texte, pouvoir bénéficier de la protection des États-Unis en cas d’agression chinoise.

Paul Wolfowitz (gauche) en
compagnie de Donald Rumsfeld
et George W. Bush
Devenue une figure clé des néo-conservateurs, il est recruté par George W. Bush à l’automne 1998, afin de lui servir d’assistant sur les questions de politique étrangère, aux côtés d’une personnalité alors très proche du candidat républicain, Condoleezza Rice. Avec elle, il met en place l’équipe des « Vulcains », en référence au dieu romain qui forge les armes divines dans la profondeur des volcans. Spécialisée en relations internationales, l’équipe comprend huit membres : Rice et Wolfowitz, naturellement, mais aussi Richard Armitage, Richard Perle, Dov Zakheim [10], Stephen Hadley, Robert Blackwill et Robert Zoellick. Au même moment, une deuxième équipe, menée par Rumsfeld, est également créée dans le sillage de la campagne de George W. Bush. Son objectif : promouvoir le projet de bouclier anti-missiles. On y trouve plusieurs Vulcains (Rice, Wolfowitz, Hadley et Perle), mais aussi des personnalités extérieures telles que George Schultz ou Martin Anderson. La très grande implication de Paul Wolfowitz dans la campagne présidentielle de George W. Bush - qu’il briefe notamment avec Condoleeza Rice avant le débat télévisé avec Al Gore - mérite une récompense après la victoire finale. Celle-ci se concrétise par le retour au bercail de l’ « enfant du Pentagone », cette fois en position de n°2.



[1] Voir « Skull and Bones, l’élite de l’empire », Voltaire, 8 juillet 2004.
[2] Leo Strauss n’a pas influencé uniquement des néo-conservateurs tels que William Kristoll, William Bennett, Paul Wolfowitz ou Francis Fukuyama. William Galston, l’un des intellectuels en vue du temps de la présidence Clinton, a suivi, comme Wolfowitz, les cours de Bloom à Cornell, puis ceux de Strauss à Chicago.
[3] Entretien avec James Mann, cité dans Rise of the Vulcans - The History of Bush’s War Cabinet, de James Mann, Viking, 2004.
[4] Voir « Les marionnettistes de Washington » par Thierry Meyssan, Voltaire, 13 novembre 2002.
[5] Voir Affaires atomiques, de Dominique Lorentz, Éditions les arènes, 2001.
[6] « La politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant pour certains États membres du traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». In Traité de Maastricht, titre V, article J4, paragraphe 4 .
[7] L’affaire est révélée dans « US Strategy Plan Calls For Insuring No Rivals Develop » par Patrick E. Tyler, in New York Times du 8 mars 1992. Le quotidien publie également de larges extraits en page 14 : « Excerpts from Pentagon’s Plan : "Prevent the Re-Emergence of a New Rival" ». Des informations supplémentaires sontapportées dans « Keeping the US First, Pentagon Would preclude a Rival Superpower » par Barton Gellman, in The Washington Post du 11 mars 1992.
[8] « The United States and Irak », par Paul Wolfowitz, in The Future of Iraq, ed. John Calabrese, Middle East Institute, 1997.
[9] « Overthrow him », par Zalmay Khalilzad et Paul Wolfowitz, Weekly Standard, 1er décembre 1997.
[10] « Dov Zakheim, la caution du Pentagone », par Paul Labarique, Voltaire, 9 septembre 2004.
Paul Wolfowitz
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Paul Wolfowitz
Paul Dundes Wolfowitz, né le 22 décembre 1943, est un homme politique américain, secrétaire adjoint à la Défense entre 2001 et 2005 dans le gouvernement de George W. Bush. Il a été président de la Banque mondiale le 1er juin 2005 et a posé sa démission le 17 mai 2007 suite à son implication dans une affaire de népotisme. Il a quitté ses fonctions le 30 juin 2007.
Sommaire
Biographie [modifier]
Paul Wolfowitz est le fils du mathématicien juif polonais Jacob Wolfowitz, lui-même immigré aux États-Unis en 1920 alors qu'il n'est âgé que d'une dizaine d'années.
Né le 22 décembre 1943 à New York, Paul Wolfowitz fait d'abord des études de physique-chimie avant de se tourner vers les sciences politiques à l'université de Chicago.
Il est alors politiquement un jeune trotskiste.
C'est à l'Université Cornell, où enseigne son père, que Paul Wolfowitz rencontre le professeur Allan Bloom, un des disciples du théoricien Leo Strauss et référence des néo-conservateurs.
Auprès de Bloom, Wolfowitz devient lui-même un disciple de Strauss et rejette la philosophie du relativisme alors en vogue dans les années 1960 et qui nierait la « légitimité universelle des valeurs américaines et s'accommoderait de la tyrannie ».
À l'université de Chicago, c'est auprès d'Albert Wohlstetter, théoricien de la stratégie nucléaire, que Wolfowitz rédigea sa thèse sur le danger de prolifération nucléaire au Moyen-Orient.
En 1972, Wolfowitz entame une carrière dans l'administration fédérale américaine. On le retrouve aussi bien auprès des démocrates comme Dean Acheson qu'auprès de républicains. Il s'oppose dès le début à la realpolitik de Henry Kissinger et entre au Pentagone en 1977 sous l'administration de Jimmy Carter.
Il souligne dès cette époque le facteur d'instabilité régionale causé par l'Irak de Saddam Hussein, alors que le gouvernement de Carter veut en faire un contrepoids à l'Iran de l'ayatollah Khomeiny [1].
Le démocrate Wolfowitz est déçu par l'administration de Jimmy Carter et c'est avec enthousiasme qu'il accueille la victoire de Ronald Reagan en novembre 1980. Celui-ci incarne mieux à ses yeux son idéal démocratique.
Entre 1982 et 1985, il se retrouve secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Est asiatique et du Pacifique dans le gouvernement de Reagan. C'est à cette fonction qu'il organise la transition politique des Philippines après le renversement de Ferdinand Marcos, ancien allié des États-Unis.
En 1986, il est nommé ambassadeur en Indonésie où il s'ouvre à la civilisation islamique.
De 1989 à 1993, sous la direction de Dick Cheney, il est sous-secrétaire à la Défense chargé de la planification, où il élabore une nouvelle définition de la stratégie et de l'organisation de la force militaire américaine après la fin de la guerre froide.
En 1991, Paul Wolfowitz organise le financement de la guerre du Golfe et parvient à convaincre Israël de ne pas intervenir militairement pour maintenir la cohérence interne de la coalition qui comprend de nombreux pays arabes. Il prêcha également mais sans succès la loyauté envers les chiites du sud et les Kurdes du nord de l'Irak que le gouvernement américain a poussé à se révolter contre Saddam Hussein.
Durant la présidence de Bill Clinton, Paul Wolfowitz est doyen de l'École d'études internationales avancées de l'université Johns-Hopkins à Washington DC de 1994 à 2001.
Le quotidien israélien anglophone The Jerusalem Post l'élut l'homme de l'année 2003[2].
Rôle auprès de l'administration Bush [modifier]
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Le président George W. Bush et Paul Wolfowitz

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Paul Wolfowitz et Joschka Fischer, le 19 septembre 2001 au Pentagone.
En février 2001, il est nommé par George W. Bush au poste de secrétaire adjoint à la Défense, sous les ordres de Donald Rumsfeld. C'est à ce poste qu'il se fait l'artisan et l'ardent défenseur du renversement du régime de Saddam Hussein et de l'invasion militaire de l'Irak dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
Catalogué comme un des plus radicaux des néo-conservateurs, il est chargé de trouver les justifications juridiques de l'invasion de l'Irak et est considéré comme le principal responsable des déconvenues de l'armée américaine notamment dans sa recherche des armes de destruction massive. Il affirmait alors que « les revenus du pétrole irakien au cours des deux ou trois prochaines années allaient apporter 50 à 100 milliards de dollars, qui viendraient rembourser la propre reconstruction du pays et plus encore »[3].
Le 15 avril 2002, devant des supporters d'Ariel Sharon lors d'une réunion publique à Washington DC, il reconnaît, sous les huées, les souffrances endurées par le peuple palestinien sous occupation israélienne [4].
Le 26 octobre 2003, au cours d'une visite à Bagdad, il échappe de justesse à un attentat. Une trentaine de roquettes sont tirées contre l'hôtel Al Rachid où il logeait. Un colonel américain meurt au cours de cette attaque et dix-sept autres personnes sont blessées. Paul Wolfowitz est indemne.
En janvier 2005, il s'engage personnellement dans le déploiement de l'aide américaine aux victimes du tremblement de terre du 26 décembre 2004, en particulier en Indonésie.
Rôle à la Banque mondiale [modifier]
En mars 2005, George W. Bush préfère l'éloigner de son administration en lui offrant une promotion, la succession de James Wolfensohn à président de la Banque mondiale (en règle générale, celle-ci est laissée aux États-Unis quand le Fonds monétaire international est laissé aux Européens). Il devrait son élection au soutien des Européens, qui l'acceptèrent en échange de la nomination de Pascal Lamy à la tête de l'OMC[5].
Il a fait l'objet de vives critiques au sein de la Banque mondiale pour s'être entouré de collaborateurs venus avec lui du Pentagone et de la Maison blanche[6]. Il a par exemple nommé l'ancien porte-parole du vice-président des États-Unis Dick Cheney, Kevin Kellems au poste de directeur de la stratégie de la communication[3].
Dès son entrée en fonction en juin 2005, Paul Wolfowitz va dresser une liste de pays en voie de développement à privilégier et confirme l'Afrique comme zone prioritaire [7],[8].
Le 29 décembre 2006 l’Assemblée nationale tchadienne, sous la présidence de Idriss Déby adopte plusieurs amendements à la loi sur le pétrole de 1999. À la suite de cette modification, Paul Wolfowitz, alors président de la Banque mondiale, annonce l’arrêt des programmes de financement au Tchad, soit 124 millions de dollars[9]. La Banque mondiale conteste certains des amendements opérés tels la suppression du fonds pour les générations futures, l'inclusion de la sécurité et de l’administration comme secteur prioritaire ainsi que l'augmentation de la part revenant au Trésor.
À la demande du département d'État, il abandonna, la lutte contre la corruption au Tchad pour permettre à cet État d'utiliser l'argent du pétrole pour contrer les attaques venues du Soudan[10].
Planning familial en Afrique [modifier]
Juan Jose Daboub, un haut fonctionnaire proche de Paul Wolfowitz aurait ordonné que toute référence au Planning familial soit effacée du plan d’assistance à long terme concernant Madagascar.
Affaire Wolfowitz à la Banque mondiale [modifier]
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Héraut de la lutte anti-corruption dans les pays en développement, Paul Wolfowitz a été impliqué dans une affaire de favoritisme au sein de la Banque mondiale concernant Shaha Riza, une collaboratrice avec laquelle il entretenait une liaison[11],[12].
En 2003, selon l'association américaine luttant contre la corruption dans les administrations publiques Government Accountability Projet, Paul Wolfowitz, alors secrétaire à la Défense, aurait insisté pour que Shaha Riza obtienne un contrat de consultant pour une firme de conseil privée entre mars et mai 2003, au moment du déclenchement de la guerre et ce alors qu'elle travaillait pour la Banque mondiale[13].
Trois mois après son arrivée à la tête de la Banque mondiale en 2005, Paul Wolfowitz obtenait un poste au Département d'Etat pour son amie Shaha Riza. Ex-responsable de la communication de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient, elle restait néanmoins encore payée par la Banque mondiale.
Lors de ce transfert, elle aurait reçu, selon des documents internes révélés par la presse, une promotion et plus de 60 000 dollars d'augmentation de salaire portant ses émoluments à quelque 200 000 dollars par an. Lors de son retour à la Banque mondiale, elle bénéficierait également de promotions la portant, à terme, au grade de vice-président[14]. Le Financial Times a révélé le 12 avril 2007 que c'est Paul Wolfowitz lui-même qui avait ordonné les augmentations.
Lorsque Paul Wolfowitz est nommé au poste de président de la Banque mondiale, sa liaison avec Shaha Riza, une cadre de la banque, est contraire à la charte éthique de l'institution. Il en informe immédiatement les directeurs mais le comité d'éthique refuse la solution qu'il propose, laisser les choses en place en se voyant retirer tout pouvoir de décision concernant le salaire et la position de la collaboratrice [15]. La commission propose au contraire de donner un poste à Mme Riza hors de la banque, seul moyen de la mettre « à l'abri » de l'autorité de son président, et de lui donner une promotion pour compenser cet accident de carrière. Mais ils laissent au président le soin de régler les détails de cette recommandation, salaire compris. Aussi, le conflit naît non du principe de l'augmentation de salaire mais de son montant, qui revient à une augmentation annuelle de 8% au lieu des 3,7% habituels[16].
Concernant les accusations de népotisme, Paul Wolfowitz a déclaré qu'elles étaient une campagne de dénigrement menée par des opposants à l'intervention en Irak, et à sa lutte contre la corruption dans les pays en voie de développement[17].
Son conseiller Kevin Kellems avait assuré que les augmentations de salaires octroyées à Mme Riza sur ordre de Paul Wolfowitz – portant le salaire de l'intéressée à près de 200.000 dollars par an – avaient reçu l'assentiment du conseil d'administration (de septembre 2005). Pourtant le 13 avril 2007, les administrateurs de la Banque mondiale ont démenti cette affirmation et appelé à la démission le président de la Banque mondiale, dont le mandat n'expirait normalement qu'en 2010[18],[19].
Lui est également reproché le recrutement de deux collaborateurs de la Maison Blanche (dont Kevin Kellems) sans expérience sur les questions de développement, avec des appointements supérieurs à 200.000 dollars par an[20].
Le 20 avril 2007, afin de l'aider dans sa défense, il engage Robert Bennett, avocat célèbre ayant défendu l'ancien président des États-Unis d'Amérique Bill Clinton lors de l'affaire Paula Jones ainsi que la journaliste américaine Judith Miller lors de l'affaire Valerie Plame[21].
Le 7 mai 2007 l'un des ses plus proches conseillers, l'ancien journaliste Kevin Kellems donne sa démission. À la Banque mondiale, il était responsable de l'image du président et avait assuré à la presse que Paul Wolfowitz avait reçu l'aval du conseil d'administration avant de décider l'augmentation du salaire de Shaha Riza.
Paul Wolfowitz accepte finalement, le 17 mai 2007, de renoncer à ses fonctions, qu'il quittera le 30 juin 2007, au terme d'une longue crise. Certains, au sein même de son entourage, n'hésitaient pas à dire que son action a "complètement sapé les principes de bonne gouvernance". [22] Robert Zoellick, l'ancien numéro deux du département d'Etat américain, a été choisi par le président Bush pour lui succéder.
Canular [modifier]
Dans son édition de mai 2007 le magazine anglophone Foreign Policy publie une lettre envoyée par Paul Wolfowitz au personnel de la Banque mondiale dans laquelle il met en garde le personnel de la banque contre la fréquentation du site internet TradeSports.com, sur lequel se tient un pari dont le titre est 'démission de Paul Wolfowitz'[23]. De nombreux journaux internationaux tel le quotidien français Le Monde relaient l'information. Il s'est avéré que cette lettre était un faux réalisé par le professeur en économie de Harvard, ancien économiste en chef du FMI, Kenneth Rogoff[24].
Vie familiale [modifier]
Paul Wolfowitz est séparé depuis 2002 de son épouse Clare Wolfowitz, anthropologue, spécialiste de l'Indonésie. Ils ont eu ensemble trois enfants. Il vit aujourd'hui avec Shaha Riza, une féministe britannique d'origine libyenne, précédemment chargée des droits des femmes arabes à la Banque mondiale puis intégrée au département d'État des États-Unis.
Références [modifier]
  1. En 1979, travaillant alors sous les ordres d'un adjoint au secrétaire à la Défense, chargé des programmes régionaux, il avait détaillé la menace que représentait Saddam Hussein pour ses voisins. Cependant, en pleine révolution khomeyniste en Iran, la politique du gouvernement de Jimmy Carter consistait à chercher des contrepoids, et l'Irak pouvait en être un.  [archive]
  2. Man of the Year, The Jerusalem Post, 2003  [archive]
  3. a b Copinage et corruption : Wolfowitz à la Banque mondiale, CADTM, Mohamed Hakki,24 mars 2006  [archive]
  4. Le 15 avril 2002, Wolfowitz a parlé des souffrances subies « par les Palestiniens et les Israéliens » et prononcé les mots « Palestine indépendante », ce qui a déclenché les huées; Voir aussi Sharon Samber and Matthew E. Berger, United Jewish Communities, [Speakers Stick to Consensus Theme at National Solidarity Rally for Israel], 15 avril 2002  [archive]
  5. La Banque mondiale dans la tourmente, Libération, Esther Duflo, 14 mai 2007  [archive]
  6. Paul Wolfowitz invité à démissionner de la Banque mondiale, La Tribune, 19 avril 2007  [archive]
  7. M. Wolfowitz énonce le Plan d'action de la Banque mondiale pour l'Afrique  [archive]
  8. "le développement de l'Afrique demeure une priorité" propos de Wolfowitz au Sommet Sullivan  [archive]
  9. Tchad, bras de fer avec la Banque mondiale, RFI, 7 janvier 2006  [archive]
  10. Lâché par la Maison Blanche, Paul Wolfowitz démissionne, Le Monde, 18 mai 2007  [archive]
  11. Le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, accusé de népotisme, Le Monde, 11 avril 2007
  12. Paul Wolfowitz reconnaît son implication dans une affaire de favoritisme au sein de la Banque mondiale, Le Monde, 12 avril 2007
  13. Banque mondiale: l'étau se resserre sur Wolfowitz, de plus en plus contesté, 24 heures, 15 avril 2007  [archive]
  14. Paul Wolfowitz piégé par son clanisme, Le Monde, 14 avril 2007  [archive]
  15. (fr) Proposition au comité d'éthique, 2 juin 2005  [archive]
  16. (en) For the record - Direct quotes contained in documents released by the Board of Executive Directors, 12 avril  [archive]
  17. Un nouveau rapport remet en cause la capacité de M. Wolfowitz à diriger la Banque mondiale, Le Monde, 15 mai 2007  [archive]
  18. Paul Wolfowitz de plus en plus isolé, RTBF, 14 avril 2007  [archive]
  19. La Suisse s'«inquiète» de l'affaire Paul Wolfowitz, Swissinfo, 15 avril 2007  [archive]
  20. Paul Wolfowitz contesté depuis le début de son mandat à la Banque mondiale, Le Nouvel Observateur, 17 avril 2007  [archive]
  21. Wolfowitz hires top lawyer to keep job, Financial Times, 23 avril 2007  [archive]
  22. Paul Wolfowitz accepte finalement de démissionner de la présidence de la Banque mondiale, Le Monde, 18 mai 2007
  23. Paul Wolfowitz veut empêcher les employés de la Banque mondiale de parier sur sa démission, Le Monde, 2 mai 2007  [archive]
  24. Les mésaventures de Paul Wolfowitz détournées sur le Web, Le Monde, 2 mai 2007  [archive]
Liens externes [modifier]
commons:Accueil
Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Paul_Wolfowitz.

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