Interpellation musclée de Vittorio de Filippis.
L'interpellation musclée de l'ex-directeur de la publication du journal Libération, Vittorio de Filippis, contre lequel avait été délivré un mandat d'amener dans une banale affaire de diffamation, a tourné au tollé ce week-end. Vendredi vers 6 h 30, des policiers se présentent au domicile du journaliste - qui n'aurait pas répondu à une convocation de justice - avec un mandat d'amener délivré par la juge Josié. Devant un de ses fils âgé de 14 ans, de Filippis est menotté sans ménagement et, dit-il, insulté : « Vous êtes pire que la racaille », aurait dit un policier. De Filippis est conduit au commissariat du Raincy puis au dépôt du TGI de Paris où il sera fouillé au corps deux fois « de façon humiliante » et, ultérieurement, mis en examen pour « diffamation publique » envers Xavier Niel, le fondateur du fournisseur d'accès à internet Free.
« comme un criminel »
L'avocat du journaliste, Me Lévy, s'est dit « scandalisé » par les moyens disproportionnés employés pour un délit de presse non passible de prison. « Que la police ait employé des moyens aussi brutaux, c'est un dérapage dangereux qui ne doit pas créer un précédent », a dit samedi Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération, tandis que toutes les organisations de journalistes montaient au créneau. Reporters sans frontières a ainsi jugé les faits « intolérables », rappelant que « la France détient le triste record européen du nombre de convocations judiciaires, mises en examen et placements en garde à vue de journalistes. » Le Syndicat national des journalistes (SNJ) déplore que M. de Filippis ait été « traité comme un criminel » et le syndicat de la presse quotidienne nationale en a appelé à la ministre de la Justice pour « mettre fin à de telles dérives d'intimidation, incompatibles avec la liberté d'expression. »
C'est que la polémique a débordé dans la sphère politique. Martine Aubry, première secrétaire du PS, a réclamé une enquête ; enquête également demandée par la ministre de la Communication Christine Albanel, mais aussi par l'UMP. Son porte-parole, Frédéric Lefebvre, a suggéré que soit mise à l'ordre du jour des États Généraux de la presse actuellement en cours la question des procédures utilisées à l'encontre de la presse par les autorités judiciaires. Enfin, le ministère de l'Intérieur a cru bon de préciser que l'interpellation était du seul ressort du magistrat.
Cette affaire pourrait également ouvrir deux autres débats. Celui posé par Vittorio de Filippis lui-même qui s'est demandé « comment sont traités les étrangers sans papiers » qui vivent la même situation que lui. Et celui aussi du droit sur internet, car c'est le commentaire d'un internaute à un article posté en 2006 sur le site internet de Libération qui est à l'origine de tout.
Indignation au lendemain de l'interpellation du journaliste Vittorio de Filippis
AP | 29.11.2008 | 22:24
Les réactions d'indignation se multipliaient samedi, au lendemain de l'interpellation d'un journaliste de "Libération", Vittorio de Filippis, pour dénoncer les méthodes employées à son encontre, à la suite d'une plainte pour diffamation.
Vittorio de Filippis, journaliste économique et ancien directeur de la publication de "Libération", de mai à décembre 2006, a été interpellé vendredi à son domicile, à la suite d'une plainte de Xavier Neel, le patron de la société Free. Cette plainte vise le commentaire d'un internaute sur un article daté du 27 octobre 2006, intitulé "Deux ans de sursis pour le patron de Free", précise "Libération" samedi.
Après son interpellation, Vittorio de Filippis a été transféré au tribunal de grande instance de Paris, soumis à une fouille au corps, à deux reprises, avant d'être mis en examen et remis en liberté.
"Il ne faudrait pas que dans une atmosphère de fermeté policière croissante, cette interpellation stupide et volontairement humiliante puisse servir de précédent pour que se déploie, peu à peu, un arbitraire judiciaire dont on a vu ailleurs les conséquences et qui finit par menacer tous les citoyens", s'emporte Laurent Joffrin, directeur de la publication de "Libération".
Reporters sans Frontières souligne son "indignation", face au "caractère intolérable des méthodes employées contre Vittorio de Filippis et leur nature humiliante". "Traiter un journaliste comme un criminel, et recourir à des procédés tels que la fouille au corps, est non seulement choquant, mais aussi indigne de la justice française", écrit l'association dans un communiqué.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) "dénonce fermement la démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse, et y voit une manoeuvre de plus visant à intimider un secteur professionnel".
L'Union syndicale des journalistes (USJ) CFDT se dit "scandalisée" et "s'inquiète des méthodes totalement disproportionnées utilisées".
L'UMP estime que le traitement subi par M. de Filippis, "dans le cadre d'une affaire de délit de presse non passible de prison, paraît surréaliste". "La méthode utilisée dans une simple affaire de diffamation semble tellement disproportionnée qu'elle nous paraît devoir donner lieu à une enquête", écrit Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, dans un communiqué.
De son côté, Martine Aubry, Première secrétaire du parti socialiste, dénonce des "méthodes judiciaires inadmissibles" et "demande au président de la République que toute la lumière soit faite dans les plus brefs délais sur cette affaire, qui constitue manifestement une grave atteinte à la liberté de la presse et aux libertés individuelles".
"J'ai été arrêté comme si j'étais le dernier des malfrats, à 6h40 du matin, devant des enfants mineurs", témoignait M. de Filippis samedi sur France Info. "J'ai été embarqué manu militari au commissariat du Raincy (Seine-Saint-Denis, NDLR), et de là j'ai été déferré menottes dans le dos jusqu'au tribunal de grande instance de Paris pour être présenté devant la juge", a-t-il expliqué.
"En affaire de presse, c'est du jamais vu, il n'y a pas de précédent en France, d'après ce que nous disent nos avocats", a-t-il ajouté, se disant "choqué en tant que citoyen et en tant que journaliste". AP
VISÉ par une simple plainte en diffamation, l’ex-PDG du journal « Libération », Vittorio de Filippis, a fait l’objet d’une interpellation musclée à son domicile, vendredi à 6 h 40 du matin, sur ordre de la juge Muriel José. Vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, la magistrate avait ordonné à des policiers du commissariat du Raincy (Seine-Saint-Denis) de lui amener le journaliste afin de le mettre en examen pour ce délit de presse.
Insulté devant ses deux fils, acheminé au dépôt du tribunal de grande instance de Paris menottes aux poignets, contraint par deux fois de se dévêtir complètement pour subir une fouille intégrale, privé de l’assistance de ses avocats, Vittorio de Filippis a été « libéré » cinq heures plus tard, profondément choqué. Son interpellation, qui constitue selon l’un des avocats du journal une « première » dans le cadre d’un délit de presse, a suscité de vives réactions. Estimant ces faits « intolérables », Reporters sans frontières a rappelé que « la France détient le triste record européen du nombre de convocations judiciaires, mises en examen et placements en garde à vue de journalistes ». Le Parti socialiste y voit une volonté « d’entraver la liberté de la presse ».
Le Parisien
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