mardi 29 mars 2011

Shimon Peres n’est pas un homme de paix

Silvia Cattori
Les mascarades de “paix” de Micheline Calmy-Rey
Shimon Peres n’est pas un homme de paix
La présidente de la Confédération suisse Micheline Calmy-Rey n’a pas fait honneur à son pays en accueillant, le 28 mars 2011, à la mission suisse auprès de l’ONU à Genève, le président de l’État d’Israël Shimon Peres. Un homme si peu estimable contre lequel l’ONG suisse "Droit pour tous", a porté plainte pénale pour "crimes de guerre et crimes contre l’humanité" (*).
 
 
Calmy-Rey se moque des Palestiniens victimes d’une immense injustice. La réception du représentant d’un État qui pratique sur une large échelle l’épuration ethnique, le vol de la terre arabe, les massacres d’innocents, et qui emprisonne et persécute la population exsangue de Gaza, est une offense pour tous ces gens soumis aux atrocités de l’occupation militaire israélienne.
Prétendre vouloir parler de cette mascarade appelée “processus de paix”, avec le représentant d’un État criminel qui s’est toujours servi des pourparlers “de paix” comme couverture pour continuer la guerre et mettre les Palestiniens devant des faits accomplis - autrement dit, l’irréversible - est une sinistre comédie.
Par ailleurs, saisir, comme Calmy-Rey le fait, toute rencontre officielle pour promouvoir cette coûteuse farce qu’est l’“Initiative de Genève” [1] - fondée sur la perspective de “deux États” - qu’elle aurait dû avoir le courage d’enterrer, est de l’aveuglement. Ziyad Clot [2], qui a participé aux pourparlers qui devaient aboutir à la création de l’État palestinien en 2008, considère cette initiative sans intérêt. [3]
Silvia Cattori : Pas une ligne n’est consacrée à l’“Initiative de Genève” dans votre excellent ouvrage “Il n’y aura pas d’État palestinien”. Votre silence à ce sujet est-il parlant ?
Ziyad Clot : Personnellement, j’ai toujours pensé que l’“Initiative de Genève” était dangereuse car elle implique des renoncements graves sur les droits des réfugiés palestiniens et, notamment, sur le droit au retour. Cette question reste au cœur de l’expérience et de l’identité palestinienne. Le caractère juste et équitable d’un éventuel accord de paix -auquel je ne crois pas-, la capacité à le mettre en œuvre, seront largement jugés à la lumière de la manière dont le problème des réfugiés aura été traité.
L’“Initiative de Genève” - au delà de toutes les réserves - a été condamnée par beaucoup de Palestiniens ; notamment par toutes les organisations de réfugiés parce qu’elles estimaient que cette initiative passait à côté de ce qui est au cœur de la question palestinienne.
Sur le terrain, il s’agit aussi de prendre conscience que la situation dans les territoires occupés palestiniens s’est radicalement transformée depuis les accords d’Oslo (1993) en raison de l’accélération de la colonisation israélienne. J’ai bien peur que ce processus ne soit irréversible. Pour construire un État, il faut un territoire. Or celui-ci est en voie de disparition avec la présence de plus de 500’000 colons Israéliens en Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est. Il faut aussi une continuité géographique. Or, le gouvernement israélien s’oppose violemment à toutes les tentatives de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, condamnant ainsi tout rapprochement entre la Cisjordanie et la bande de Gaza.
L’affaiblissement et les divisions du leadership politique palestinien sont en définitive la deuxième entrave à la constitution de l’État palestinien. Le chaos politique qui subsiste côté palestinien empêche encore d’exercer une pression suffisante sur Israël afin d’être en mesure d’obtenir ce à quoi les Palestiniens ont droit. Penser que les États-Unis, suivis des Européens, vont changer de position et peser suffisamment sur Israël pour qu’il accepte de se retirer des territoires occupés y compris Jérusalem Est, représente à mon avis un immense défi ; aujourd’hui on ne voit pas comment cela pourrait arriver puisque même Barak Obama, considéré comme le président états-unien le plus à même d’apporter une solution à la question palestinienne, n’arrive même pas s’opposer franchement à la poursuite de la colonisation israélienne.
Je crois que l’“Initiative de Genève”, et avec elle la solution des “deux États”, ne sont plus d’actualité. Je pense que l’on est bien au delà du stade où la solution des deux États était encore envisageable. Je me demande même si elle a jamais été possible. Ce qui est certain c’est que les Palestiniens sont aujourd’hui bien loin du compte.
Les raisons pour lesquelles le processus de paix survit encore sont essentiellement politiques. Elles tiennent au fait que, du côté occidental, on ne veut pas voir la réalité en face et que, au niveau des directions des différents acteurs de ce conflit, notamment Israël, l’OLP et le Hamas en Palestine, et les États-Unis, on ne veut absolument pas considérer une alternative à la création d’un État palestinien. Parce que l’on sait très bien que, s’il n’y a pas de création d’un État palestinien, la seule option qui reste sur la table – au delà du statu quo ou à moins d’une expulsion des Palestiniens que l’on ne peut exclure - c’est la solution de l’État unique, un État binational qui serait synonyme de la fin de l’État d’Israël en tant que réalisation du projet sioniste.
Si on se replonge dans les modalités du plan de partition de 1947, on voit très bien que la solution des “deux États” n’a jamais été une solution de séparation complète : Jérusalem devait avoir le statut de ville internationale et on envisageait une union douanière entre l’État juif et l’État arabe. C’est la preuve que les experts n’ont jamais cru à une totale partition viable en termes à la fois économiques, sociologiques ou politiques.
Le constat auquel j’arrive est qu’il y a déjà un État unique, totalement bancal, dans lequel vivent des communautés israéliennes et des communautés palestiniennes. Côté palestinien, à Gaza, en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est ou en Galilée on voit – et on vit - des réalités très différentes qui me font dire que tous les Palestiniens n’ont pas forcément les mêmes aspirations et les mêmes expériences. Je crois qu’on pourrait aussi appliquer dans une certaine mesure cette analyse-là à Israël, notamment à la division entre les laïcs et les religieux ; toutes ces personnes sont obligées de vivre ensemble. L’État unique nous l’avons déjà sous nos yeux avec toutes ces communautés totalement imbriquées les unes aux autres.
Silvia Cattori
(*) L’ONG suisse “Droit pour tous”, a porté plainte contre Shimon Peres auprès du procureur général de Genève pour “crimes de guerre et crimes contre l’humanité” le jour où Micheline Calmy-Rey le rencontrait.
Voir aussi : “Le criminel de guerre Shimon Peres reçu sous les huées à Oxford”, par le PACBI, info-palestine.net, 20 novembre 2008.


[1] Le 12 octobre 2003, après deux années de négociations “secrètes”, le “projet d’accord définitif” préparé sous l’impulsion de M. Alexis Keller (projet nommé “Initiative de Genève”) a été “finalisé”, en présence de nombreux invités palestiniens et israéliens – par le DFAE- dans un Palace jordanien, sur la mer morte.
Voir le site Web officiel de l’Initiative de Genève (http://www.geneva-accord.org) où on peut trouver le texte de l’Accord (http://www.geneva-accord.org/mainmenu/english), des cartes des territoires palestiniens selon l’initiative de Genève (http://www.geneva-accord.org/mainmenu/static-maps/) et les activités et dernières nouvelles des deux délégations israélienne et palestinienne de l’Initiative de Genève.
L’initiative de Genève est appelée en anglais “Geneva agreement”.
Sur l’Initiative de Genève, voir également :
- “Les errements de la diplomatie suisse”, par Silvia Cattori, silviacattori.net, 10 janvier 2009.
- “La diplomatie suisse doit défendre le droit international”, par Silvia cattori, silviacattori.net, 27 avril 2007.
- “L’Accord de Genève est une erreur – Entretien avec Sam Bahour”, par Silvia Cattori, silviacattori.net, 24 avril 2007.
- “Un plan de paix sur fond de sang et de larmes”, par Silvia Cattori, silviacattori.net, 5 décembre 2003.
- “L’Initiative de Genève vue de Naplouse”, par Silvia Cattori, silviacattori.net, 1er décembre 2003.
- “La charrue avant les bœufs”, par Silvia Cattori, silviacattori.net, 19 octobre 2003.
[2] Ziyad Clot, jeune avocat français, auteur du livre “Il n’y aura pas d’État palestinien” ( Max Milo Editions : Paris, 2010), est le petit-fils d’exilés palestiniens.
[3] Propos recueillis par Silvia Cattori le 30 novembre 2010

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