vendredi 1 avril 2011

L'INVASION




- Les barbares se défoulent -
 



"A cette heure, les forces américaines ont engagé les premières opérations militaires
pour désarmer l'Irak, libérer son peuple et défendre le monde contre un grave danger.
"
- Monsieur Bush, à la télévision, le 20 mars 2003 à 5 h 15 (heure de Paris) -

"Pour mettre fin aux menées criminelles des Polonais, nous n'avons d'autre choix
que de répondre à la violence par la violence.
Depuis ce matin, 4 h 45, nous ripostons à l'agression.
"
- Monsieur Hitler, à la radio, le 1er septembre 1939 à 5 h 15 (heure de Paris) -


"Cette agression ignoble doit être réprimée avec la plus grande fermeté."
- Dominique de Villepin (ministre français) -
Malheureusement, cette déclaration n'a pas été faite par de Villepin, ministre des Affaires étrangères en mars 2003, au moment de l'agression américaine contre l'Irak, mais par de Villepin, ministre de l'Intérieur en juillet 2004, à propos d'une "agression antisémite" dans le RER de Paris (trois jours plus tard, le scandale éclatait : la "victime" avouait avoir menti - pas plus d'agression antisémite que d'honnêteté intellectuelle chez un ministre).


Cartes de l'Irak

Témoignages du journaliste anglais Robert Fisk
( en direct de Bagdad )

Victimes civiles et destructions
( sur le site de Robert Fisk - nombreuses photos - téléchargement assez long )

certaines de ces photos se trouvent également sur le site :
http://membres.lycos.fr/irakphoto/photo.htm
( source : Al-Jazeera - 28 mars 2003 )


L'EMPIRE ATTAQUE

Le 20 mars 2003, au petit matin, George Bush déclenche l'agression contre l'Irak. Les armées les plus puissantes de la planète - les plus puissantes de tous les temps - attaquent un petit pays 500 fois plus faible, usé par douze ans d'embargo et "d'inspections", dépourvu d'aviation et de marine, doté d'armes inefficaces vieilles de vingt ans et plus. Le "combat loyal" tel que le conçoivent les stratèges américains, s'engage aussitôt. Pour commencer, des dizaines de missiles s'abattent sur la capitale.
 

 
(photos prises le 20 mars et les jours suivants)


Carthage-Bagdad - à 22 siècles de distance, d'étranges similitudes historiques : Delenda est Bagdado par Mohamed Talbi. 


Les soldats de la presse en première ligne :

Dès la première heure, toutes les chaînes de télévision montrent les mêmes images stériles et censurées, sans aucune valeur informative. Communiqués officiels, reportages bellicistes, clips de propagande présentant les vaillantes troupes américaines impatientes d'en découdre, interventions d'experts autoproclamés "expliquant" ce que les services de désinformation du Pentagone rabâchent depuis des mois, documentaires anti-irakiens préparés de longue date pour être diffusés le jour "J" : toutes les poubelles médiatiques se vident d'un seul coup.

Pour les pressetitués de service, grands ou petits, c'est enfin l'occasion de jouer à fond le rôle pour lequel on les rétribue, de se délecter de ce "moment historique", de savourer les moindres déjections verbales des Goebbels washingtoniens. Tout est bon à prendre : banalités, stupidités, mensonges les plus éhontés.

Quelques jours plus tard, les inconditionnels de la croisade américaine doivent se rendre à l'évidence : la guerre sera plus longue que prévue. En France, comme presque partout dans le monde, sauf aux Etats-Unis, l'information devient plus nuancée. On émet des doutes, on critique modérément, on parle de l'après-guerre. Mais dans l'ensemble, disons à 95 %, le contenu reste le même. 5 % d'inévitable vérité, c'est peu, mais au pays des aveugles, le borgne est roi.

Aux USA, aucune chaîne, aucun quotidien, aucun journaliste ne peut se permettre la moindre incartade. CBS a été rappelée à l'ordre par Rumsfeld pour avoir passé en clair quelques images d'Al-Jazeera montrant des prisonniers américains. Il est formellement interdit de montrer tout ce qui pourrait démoraliser le pays et le faire basculer dans le pacifisme. Donc ni prisonniers, ni morts, ni blessés. Le téléspectateur américain, qui ne voit habituellement sur son écran que fusillades, massacres et tueries, doit tout à coup croire à la "guerre propre".

Les images les plus "osées" sont livrées par les embedded correspondents, ces journalistes intégrés à la troupe, qui ont suivi au préalable un stage d'entraînement physique et psychologique approprié - il est plus simple d'engager des auxiliaires que d'apprendre à un GI à tenir une caméra. Pour faire plus "authentique", on tourne certaines scènes en off : combat de rue bidon, destruction d'un char ennemi abandonné, arrestation d'un "terroriste", soldats américains acclamés par la population ou venant en aide à des enfants blessés, etc...

[Se mettre "au lit" avec les agresseurs n'est pas toujours ce qu'il y a de plus sûr : le 7 avril, à Bagdad, deux journalistes étrangers (un Espagnol et un Allemand) sont tués par une roquette irakienne en même temps que leurs protecteurs. Leurs journaux respectifs (El Pais et Focus) devraient peut-être demander le remboursement des frais de stage...  Quelques jours plus tôt, deux autres journalistes intégrés - des Américains - ont d'ailleurs subi un sort identique. Pour l'un d'eux, Michael Kelly, belliciste indécrottable et apologiste de tous les crimes américains et israéliens, il faut sans doute y voir un juste retour de manivelle de cette "Providence" qui n'est pas toujours du côté des assassins.]

Dans l'ensemble, les médias ne montrent rien des horreurs de la guerre. Seul Al-Jazeera a le courage de diffuser ces images, reprises parfois très timidement par les chaînes européennes, mais jamais par les networks du "pays de la liberté".

La censure américaine* ne frappe pas seulement les images mais aussi les commentaires. Peter Arnett a été congédié par la NBC pour avoir constaté l'échec initial du Pentagone (voir plus bas). Phil Smucker a dû quitter l'Irak pour avoir donné en direct sur CNN trop de détails sur le dispositif américain. Même MTV a banni tous les clips pouvant être interprétés comme une critique de la guerre.

* Le site TBRNews.org fournit quelques exemples de directives formulées par la direction d'un grand network.

En France, après plus de deux semaines d'agression, on assiste à un retournement de situation. La journaille sait que "les jours du régime de Bagdad sont comptés". Il est temps pour elle d'enterrer ses doutes et de faire comme si elle avait toujours cru à une rapide victoire américaine. On crache donc sur le perdant qui titube sous les coups d'un adversaire infiniment plus fort, on l'insulte, on l'humilie. Pourquoi ne pas en profiter puisqu'on ne risque rien ? L'important, c'est d'être du côté du vainqueur.

Le 9 avril, c'est pratiquement terminé. La presse retrouve sa forme des premiers jours et se replace à 100 % sur les positions américaines. Tout ce qui s'est passé au cours des trois dernières semaines est oublié. Notre équipe a enfin gagné - ah, si les Bleus avaient joué comme ça en Corée...  Vraiment de toute beauté, ces images du grand jour. Trente secondes de matériel vidéo passé et repassé en boucle pendant des heures et des heures : la statue du despote renversée par le "peuple", le V de la victoire, le "bye-bye Sadam" avec un seul d, les "explosions de joie", la "foule en liesse"...  (Il paraît que les quelques figurants étaient mieux payés que ceux de la "libération" de Kaboul ; c'est la moindre des choses quand on songe que ce clip risque de devenir aussi fameux que celui de la chute du Mur de Berlin.)


Regrets :

Les Français qui n'ont pas vomi leur café le 20 mars 2003, en voyant l'infâme ordure de la Maison Blanche annoncer son nouveau crime, ont dû le faire en entendant Chirac "regretter l'action" de ses alliés américains et "souhaiter que ces opérations soient les plus rapides et les moins meurtrières possible". En d'autres termes : ce que vous faites là, les gars, c'est regrettable, mais bon, tant pis, essayez quand même de vous dépêcher et de ne pas tuer trop de gens...  Si quelqu'un se faisait encore des illusions sur la "fermeté" du président français ou sur son honnêteté intellectuelle*, il doit à présent savoir à quoi s'en tenir.

* Quatre jours après avoir exprimé ses "regrets", Chirac part en guerre...  contre le tabac.   Un peu plus tard, il discute avec Blair de "l'après-Saddam" et légitime ainsi l'agression en enterrant prématurément l'agressé.  Enfin, le 2 avril, Chirac déclare que "les Etats-Unis sont nos alliés et nos amis". (Le secrétariat de l'Elysée prépare déjà le message de félicitations que le grand homme de paix français enverra à Bush et à Blair le jour de la victoire des forces anglo-américaines.)

Quand les bombardiers de l'alliance terroriste quittent leurs bases de Grande-Bretagne pour aller massacrer la population irakienne, ils survolent la France et l'Allemagne - et bien entendu, les deux gouvernements sont d'accord.

Question hypocrisie, le chancelier allemand dépasse de beaucoup son "ami" de l'Elysée. Malgré son non à la guerre, il accorde un soutien sans faille à son suzerain de Washington (voir les détails ). Lorsque les Etats-Unis déclenchent leur attaque, Schröder accentue même ce soutien en envoyant des renforts au Koweït. Il accepte l'utilisation - illégale en temps de guerre - des bases américaines en territoire allemand (Ramstein, Rhein-Main, etc...). Ces bases sont indispensables aux agresseurs qui y font passer une partie considérable de leur matériel. Quand des manifestants tentent d'en bloquer l'accès, la police intervient contre eux.

A Marbourg, en Hesse, police et "justice" vont plus loin encore dans leur rôle d'auxiliaires de la politique US : un commerçant qui avait placé dans sa vitrine une affiche "George Bush = criminel de guerre - Non au terrorisme d'Etat américain

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