dimanche 15 mai 2011

Le démantèlement des « structures impies » est une mission straté­gique de l’humanité



Article placé le 14 mai 2011, par Horizons & Débats (Zürich)
Interview de Heinrich Wohlmeyer, docteur en droit et ingénieur agronome, Autriche
En 1973, la couverture-or du dollar US fut supprimée. Est-ce que cela a touché tous les pays ou seulement quelques-uns?
Heinrich Wohlmeyer : La première question est de savoir comment on en arriva à l’étalon-or.
Les monnaies primitives reposaient sur des standards déterminés par des biens de valeur qu’on pouvait négocier. Ainsi le «pecunia» romain reposait sur le produit «bovins».
Puis on choisit des métaux précieux comme mesure de valeur et d’échange, du fait qu’ils étaient durables, divisibles, recomposables, qu’ils ne se reproduisaient pas et qu’ils étaient faciles à transporter.
On a longtemps utilisé le «bimétallisme»: la monnaie était convertible à la fois en or et en argent.
Les monnaies de l’Europe continentale reposaient surtout sur l’argent.
En Angleterre, puissance industrielle et commerciale en plein essor, l’Etat et le système bancaire qui lui était lié, préférèrent l’or comme couverture. Cela pour deux raisons: a) on contrôlait les plus grandes mines d’or et on se les appropria peu à peu (cf. pillage de l’Inde et la guerre des Boers pour contrôler les richesses minières de l’Afrique du Sud); b) en rattachant la monnaie à l’or on pouvait dominer la finance mondiale et la contrôler. Londres devint ainsi la place financière mondiale.
Il n’y eut jamais de couverture-or totale en dehors des monnaies en métal précieux dont la valeur correspondait à la teneur du métal précieux. La couverture partielle en or fut introduite en Angleterre déjà en 1844. On avait le droit de mettre en circulation 14 millions de livres Sterling sans couverture-or. Toute somme supérieure devait être couverte par de l’or. Ce fut ce qu’on appelait le «frein or».
Les Etats-Unis qui disposaient eux-mêmes aussi d’importants gisements de métaux précieux utilisaient à l’origine le système monétaire du bimétallisme. Mais les grandes banques newyorkaises imposèrent, après la guerre civile, l’étalon-or au détriment des producteurs d’argent. Depuis 1870, l’étalon-or s’imposa dans le monde entier, la production d’or ayant suivi le développement économique mondial.
Après la Première Guerre mondiale les Etats-Unis devinrent la «puissance de l’or» du fait qu’ils exigèrent d’être payés en or pour les livraisons de guerre et les services rendus aux alliés européens, les réparations dues par l’Allemagne s’y étant ajoutées. La Seconde Guerre mondiale renforça la position américaine, leur permettant, en 1944 à Bretton Woods, de faire du dollar une monnaie de référence mondiale avec couverture-or. Mais seules les banques centrales pouvaient procéder à l’échange en or, pas les citoyens. Les diverses monnaies étaient soumises à un taux de change fixe liées au dollar avec couverture-or. Cela correspondait à un étalon-or mondial indirect.
Les déficits de la balance commerciale (déficits du commerce extérieur), ainsi que les guerres menées grâce à l’augmentation du volume monétaire (dès la guerre du Viêt-Nam) obligèrent toutefois les Etats-Unis en 1971 à renoncer à la convertibilité du dollar en or et en 1973, ils durent abandonner formellement l’étalon-or indirect. Ainsi l’étalon-or fut supprimé dans le monde entier, parce que les autres monnaies les plus importantes étaient liées à l’or à travers leurs taux de change fixes avec le dollar. Toutefois l’or reste une valeur sûre. Le retour à l’étalon-or n’est toutefois plus possible pour des raisons de quantité, à moins d’accepter des prix exorbitants.
Pour quelle raison a-t-on renoncé à la couverture-or de la monnaie de référence?
Comme je l’ai déjà mentionné, la raison en fut l’extension de la masse monétaire aux Etats-Unis. Le président se trouva en situation de ne pouvoir payer en or. Il trouva toutefois en 1971 une stratégie pour maîtriser les débordements de la masse monétaire et de sauvegarder la valeur du dollar: le système des pétrodollars. Un accord de défense avec le plus grand producteur de pétrole, l’Arabie saoudite, accord toujours en vigueur, lié à la promesse de ne vendre le pétrole que contre des dollars, l’imposant même aux pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), permit de garantir une demande de dollars. Le commerce international suivit. Pour l’instant 80% du volume du dollar sont en circulation à l’étranger. Les excédants de dollars des pays exportateurs de pétrole furent liés par ce qu’on appelle le «recyclage en pétrodollars» placé dans les mains du monde financier de Londres. On imposa des crédits notamment aux pays émergents. On y ajoutera les obligations gouvernementales américaines (Government Bonds) à des taux d’intérêts attrayants.
Grâce à cet ensemble de mesures, l’extension de la masse monétaire, comportant actuellement plus de cinq milliards de dollars par jour, put être maîtrisée sans que le dollar ne souffre de discrédit.
Cette façon de procéder n’a-t-elle pas des conséquences fâcheuses sur l’économie, n’est-elle pas à la source des dangers économiques que nous craignons tous ?
Le développement sans bornes de la masse monétaire comporte le danger de l’effondrement mondial de l’ordre financier actuel. La bulle financière constamment gonflée ne tiendra que tant qu’il n’y aura personne pour la faire éclater. Ce pourrait être la Chine qui achète actuellement avec des dollars des biens dans le monde entier (pétrole, matières premières, industries et domaines agricoles), afin de diminuer les risques d’une dévaluation du dollar. La Chine possède actuellement plus de 2 billions de dollars.
Par crainte d’une hyperinflation, on se précipite dans le monde entier sur l’or et d’autres valeurs réelles. Cela provoque un niveau des prix causant du tort au développement économique.
Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellik, a estimé récemment dans le «Financial Times» qu’on pourrait mettre un terme au chaos des monnaies actuel si «on utilisait l’or comme référence internationale qui permettrait de mesurer les attentes du marché en matière d’inflation, de déflation et de la valeur à venir des monnaies». Cela correspondrait à un nouvel étalon-or indirect. Cela présuppose toutefois un accord mondial sur les monnaies, qu’on ne peut guère espérer actuellement, et dans le cadre duquel il faudrait assainir le dollar qui se trouve entre les mains d’un Money Trust résistant à tous changements et guère enclin à se préoccuper du bien public.
On prétend que nombreux Etats font tourner la planche à billets, est-ce aussi le cas pour l’euro, et cela sans aucune couverture ?
J’ai déjà démontré que les puissances financières américaines font marcher la planche à billets de façon irresponsable, tout en incitant les autres à «économiser jusqu’à ce que mort s’ensuive». Un pays membre de l’UE ne peut imprimer de l’argent pour lui seul. Mais dans la mesure où la Banque centrale européenne (BCE) rachète des obligations d’Etats pourries, fournit de l’argent aux banques au taux de 1% et met en place des plans de sauvetage tel le EFSF (European Financial Stability Facility), alors le volume de monnaie sans couverture (fiat money) prendra d’énormes proportions. Des Etats comme l’Italie dont la dette étatique atteint 120% du produit intérieur brut (PIB) – tout en continuant de grimper – sont maintenus à court terme la tête hors de l’eau grâce au système de monnaie dite fiduciaire, ou fiat money.
La «couverture» doit reposer sur la confiance dans la stabilité de la monnaie. Ce n’est possible qu’en menant une politique économique équilibrée, dont fait partie un budget tenant la route. L’ancien Premier ministre tchèque, Vaclav Klaus, avait estimé, lors d’un entretien en particulier, qu’on ne doit pas dépenser plus que ce que l’on possède et qu’on ne doit pas s’acoquiner avec des gens qui ne se tiennent pas à ce principe. C’est pourquoi nous devons nous tenir en dehors de l’euro. Et c’est ainsi que ce pays fait partie de ceux qui ont le moins de dettes (35% du PIB).
Quelles pourraient être les conséquences de cette «production d’argent» incontrôlée ?
A toute masse monétaire correspond une dette (Nous avons un système de monnaie à crédit.). Si l’endettement des Etats et des domaines non publics prend des dimensions telles que le service de la dette s’en prend à l’ensemble des recettes publiques et des revenus privés, et que les grands propriétaire de capitaux, ceux qui pratiquent le «fiat money», ne sont pas prêts à renoncer au remboursement de la dette, alors on se trouvera malheureusement bientôt face aux probables scénarios suivants: la mise en scène d’une hyperinflation, qui permettra aux Etats de se débarrasser de leurs dettes, et qui dépossédera les populations de leurs biens. Un appauvrissement mondial au profit d’un petit nombre de riches, avec le risque de révoltes (guerres civiles) en guise de réaction. La tentative des protecteurs de la haute finance de récupérer leur argent par la guerre. Les événements tragiques du XXe siècle, dont nous croyions qu’ils ne se répèteraient jamais, risquent de se reproduire.
Le démantèlement des «structures impies» (Jean Paul II) est donc une mission straté­gique de l’humanité.
Source : Betendes Gottes Volk, n° 245/2011/1
Traduction : Horizons & Débats

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