mardi 15 novembre 2011

Non à l'indépendance des banques centrales


L’article qui suit met le doigt sur un des aspects les plus occultés de la fameuse « dérégulation », occulté sciemment car l’indépendance des banques centrales  est la pierre angulaire de l’édifice capitaliste néolibéral visant à soustraire les monnaies nationales au contrôle du pouvoir politique et ouvrant la porte à la dictature des « marchés ». 
Il revint à Pompidou, ex-fondé de pouvoir de la banque Rothschild devenu président de la république et premier fossoyeur du gaullisme d’imposer cette évolution politique décisive. Les « marchés » n’ont donc pas pris le pouvoir, les politiques le leur ont donné. 
Il appartiendra à d’autres politiques  - qui pour l’heure n’apparaissent pas sur la grande scène politico-médiatique  où, au contraire, le pouvoir politique est, dans le dos des citoyens, confié directement à des banquiers comme en Italie et en Grèce - de le reprendre. Faute de quoi se poursuivra la catastrophe capitaliste ! 

 Pour comprendre la crise 

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CHRONOLOGIE de la crise en Grèce

La Démocratie occidentale: une farce et une escroquerie
  
  

LA TRIBUNE 09.11.2011 
Point de vue 
Par JEAN-CLAUDE WERREBROUCK 
Professeur d'économie à l'université de Lille 
  
Coûteuse indépendance des banques centrales 
  
La question du statut des banques centrales n'est jamais évoquée dans le grand débat concernant la crise financière. Il faut pourtant rappeler, pour ne prendre que l'exemple français, que la Ban­que de France, après avoir été nationalisée au lendemain de la guerre, fut entièrement soumise au Trésor jusqu'à la loi du 3 janvier 1973, loi qui devait instaurer une stricte séparation et surtout une indépendance complète par rapport à l'exécutif. Texte qui devait être confirmé et durci dans le cadre du traité de Maastricht. 
Conçue comme instrument de la reconstruction du pays, la banque centrale de l'après-guerre allait affranchir la communauté nationale de contraintes jusqu'alors fixées par les croyances monétaires: oui, la monnaie n'est qu'une convention sociale puisque réellement créée à partir de rien; oui, la planche à billets, si elle est correctement manœuvrée, permet de mettre fin à la loi d'airain de la monnaie. Pourtant, dure loi - il est vrai - jusqu'alors ressentie à toutes les époques, où l'affranchissement vis-à-vis du métal précieux se soldait invariablement dans le drame. La gestion monétaire, habilement menée après la Se­conde Guerre mondiale, que l'on soit en France ou ailleurs, a autorisé des investissements publics gigantesques - investissements dont on aurait tant besoin aujourd'hui - en mettant fin à la pénurie monétaire et aux taux d'intérêt associés. De ce point de vue, l'indépendance aujourd'hui, partout constatée des banques centrales, fut un cruel retour en arrière vers l'aliénation monétaire: l'inflation, pourtant disparue depuis longtemps - les années 1960 qui précèdent l'indépendance furent beaucoup plus sages que celles qui suivirent, faisant figure de diable pour les tenants de cette régression. 
Bien que la question de la dette publique ait disparu alors même que l'endettement était gigantesque au lendemain de la guerre, elle va réapparaître dès la proclamation de l'indépendance de la banque centrale. Il convient ici de bien comprendre ce qu'on entend par ce terme d'indépendance. Désormais, il devient interdit aux banques centrales de créer de la monnaie au profit des Trésors et, donc, le recours à l'endettement ne passe plus par l'autorité des exécutifs qui fixaient les prix et les taux (généralement, ces derniers étaient nuls). À l'inverse, dorénavant, tout passera par un curieux marché aux caractéristiques suivantes: un groupe de banques va détenir le monopole d'achat de bons du Trésor (les fameux « spécialistes en valeurs du Trésor » - SVT - de l'Agence France Trésor pour ce qui concerne la France) et il deviendra interdit aux particuliers d'acheter directement, comme ils pouvaient le faire dans le passé, des bons du Trésor. Situation qui correspondrait - pour donner un exemple simple - à celle d'un propriétaire de verger à qui il serait interdit de consommer sa propre récolte, laquelle pourrirait sur place, et qui devrait acheter les fruits qu'il convoite à un groupe d'entreprises bien ciblé, à l'exclusion de toutes les autres. 
 Situation, à tout le moins ex­traordinaire, qui fait émerger deux marchés. L'un sera celui de la dette publique, lequel consacrera le retour au XIXe siècle, époque où il n'était pas devenu évident que la monnaie n'est qu'une convention sociale. Le second sera celui de l'épargne de nombreux ménages qui jusque-là se contentaient d'acheter des bons du Trésor, directement auprès des organismes publics chargés de leur diffusion. Ils achetaient de la matière brute (bons en direct) ; ils achètent désormais des produits plus complexes aux banques, qui se sont réservé l'achat de la matière première, qu'elles transforment en produits d'épargne. 
La fin de l'autorité monétaire rétablit ainsi artificiellement la pénurie monétaire de jadis - comme à l'époque des bases métalliques - et le coût qui lui est associé: désormais, il y aura un service de la dette publique qui représentera la charge d'intérêts d'une ressource, dont la rareté est une construction toute politique. . 
Vu sous un autre angle, l'indépendance des banques centrales annoncée comme la seule mesure efficace de lutte contre l'inflation correspond à un intense gaspillage de fonds publics: en interdisant le lien traditionnel entre le Trésor et la banque centrale, et en créant un marché monopolistique par ailleurs, le prix de la dette passe d'une valeur nulle à un prix positif. Cela correspond à 2,5 points de PIB s'agissant de la France, et aujourd'hui à 15 points de PIB s'agissant de la Grèce. Le gaspillage des ressources publiques est ainsi une obligation relevant, s'agissant de l'Eurozone, de traités internationaux. Quant à la sempiternelle peur des marchés, elle n'est que la conséquence d'une construction politique, puisque ces mêmes marchés ont été politiquement construits. 

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