Saif al-Islam Kadhafi a été capturé par les forces du nouveau gouvernement de la Libye alors qu’il se dirigeait à travers le désert du Sahara vers le Niger, où sa famille s’était acheté beaucoup d’amis avec l’argent du pétrole de son pays. D’autres amis, mais du passé, vont avoir des raisons de s’inquiéter parce que Saif al-Islam est lié à de nombreux secrets, potentiellement embarrassants.
La question est maintenant de savoir si Saif sera jugé à la Cour pénale internationale ou s’il fera face à une justice sommaire chez lui, en Libye, où il n’existe pas de système judiciaire.
Un procès devant la Cour pénale internationale a été une possibilité refusée à son père, et c’est ce que Saif al-Islam bien évidemment préférerait. Je sais par ailleurs que des canaux de communication avaient précédemment été ouverts entre le tribunal et le fugitif pour une possible reddition négociée, donc il y a encore une chance.
Toutefois, un jugement en Libye est le plus probable. L’OTAN a très certainement approuvé l’exécution sommaire de Mouammar Kadhafi, qui connaissait aussi trop de secrets qui auraient été exposés au grand jour dans un procès juste et équitable à La Haye. Un « tribunal révolutionnaire » à Tripoli condamnera très probablement Saif al-Islam à la peine de mort et ses secrets seront enterrés avec lui. Au moins, il lui sera épargné les tortures que son père a endurées aux mains de ceux qui prétendent maintenant conduire le pays vers un avenir démocratique.
Donc, quels seraient les secrets présumés que la Cour pénale internationale pourrait entendre ? Celui qui pourraient faire le plus de dégâts, selon toute vraisemblance, donnent grand souci à l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. En mai de l’an passé, j’ai appris par de très bonnes sources que Tony Blair était devenu conseiller de la Libyan Investment Authority, un fonds de 70 milliards de dollars mis en place par Mouammar Kadhafi et ses fils en 2006. Vers la même époque, Saif al-Islam a informé le Daily Mail, dans une interview, que Tony Blair était devenu un très bon ami de la famille Kadhafi et qu’il avait visité la Libye à plusieurs reprises depuis qu’il a quitté Downing Street, séjournant dans une des principales résidences de la famille .
Alors en poste, Tony Blair a été l’un des partisans les plus enthousiastes pour la réhabilitation du colonel Kadhafi aux yeux de la communauté internationale, et il est devenu à partir de 2004 un visiteur régulier à la tente du dirigeant, à Tripoli.
En 2007, Tony Blair a usé de son intimité avec le dirigeant libyen pour le compte des multinationales, assurant pour la British Petroleum un accord d’exploration avec la compagnie pétrolière nationale libyenne lors d’une visite en mai de la même année. Un accord qui pesait près d’un milliard de dollars...
La nature exacte de la relation de Blair avec la famille Kadhafi et les avantages personnels que l’ancien Premier ministre pourrait en avoir tirés sont un sujet de spéculation. Mais Saif al-Islam, bien sûr, connaît les faits.
En Juin 2010, Tony Blair a nié être un conseiller du colonel Kadhafi, mais il s’agit de l’homme qui a osé affirmer que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive et des missiles qui pouvaient atteindre la Grande-Bretagne en quarante minutes. [Sur la base de ces affirmations, la coalition a déclenché la guerre en Irak et des centaines de milliers d’Irakiens innocents ont perdu la vie, et des milliards de dollars d’argent des contribuables ont été dépensés dans un conflit dont les seuls bénéficiaires sont les Iraniens et les fabricants d’armes]. Pour beaucoup d’Arabes, Tony Blair n’est pas considéré comme un homme dont la parole est digne de confiance.
Pour la dynastie Kadhafi, la capture de Saif al-Islam représente la fin définitive de leur période dans l’Histoire. Trois des frères ont été assassinés et le père a été lynché. En dehors de Saif, deux frères sont encore vivants : Mohammad qui est un homme d’affaires sans aucune ambition politique et Saadi, actuellement en résidence surveillée au Niger, qui est un playboy.
L’étrange carrière de Saadi incarne peut-être mieux que tout le reste le rôle du clan Kadhafi sur la scène internationale : la famille a contribué généreusement au rachat de trois clubs de football italiens et en retour, le footballeur en herbe Saadi a pu s’entraîner avec les équipes. C’était un joueur notoirement médiocre, mais cela n’a pas empêché le Premier ministre Berlusconi d’encourager le patron du club de Perugia de le laisser jouer dans un vrai match - « même s’il n’est pas très bon », aurait-il dit. « Laissez-le jouer, c’est bon pour les relations entre nos deux pays ».
Un manque identique de sens moral - et un énorme intérêt dans le pétrole - semblent avoir poussé d’autres dirigeants nationaux à approcher le clan Kadhafi. Les détails sur d’autres arrangements hauts en couleur qui s’en sont suivis pourraient bien être enterrés avec Saif al-Islam sous les sables du désert.
Abdel Bari Atwan
Traduction : Al-Mukhtar
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