Selon des géologues japonais, un nouveau séisme de forte magnitude pourrait se produire à Fukushima. Des experts et des diplomates pointent le danger d’une nouvelle catastrophe, dont la gravité surpasserait largement Tchernobyl.
Dans le bâtiment du réacteur n°4 de la centrale de Fukushima Daiichi, la piscine de stockage des combustibles usés risque de s’effondrer si un nouveau séisme important se produisait à proximité du site – ce que craignent des géologues.
Sa structure a subi d’énormes contraintes mécaniques et thermiques lors des explosions et incendies qui ont eu lieu en mars 2011. Perchée à 30 mètres au-dessus du sol, elle contient 1535 assemblages combustibles, soit environ 264 tonnes de matériaux extrêmement radioactifs [1]. Son effondrement pourrait provoquer une catastrophe d’une ampleur sans précédent, d’un ordre de gravité encore bien supérieur à celui de Tchernobyl.
Goshi Hosono, ministre en charge de la gestion des accidents nucléaires, observe la piscine du réacteur n°4 le 28 mai 2012. Photo : Tepco
Selon Dapeng Zhao, professeur de géophysique à la Tohoku University et directeur de l’étude, "Dans la mesure où un séisme important s’est produit à Iwaki il y a peu de temps, nous pensons qu’il est possible qu’un séisme de magnitude similaire se produise à Fukushima." [3]
L’étude des trois géologues a porté sur la zone encadrée par un carré noir. L’étoile rose marque l’épicentre du séisme du 11 mars 2011 (magnitude 9) et l’étoile rouge marque l’épicentre du séisme d’Iwaki du 11 avril 2011 (magnitude 7). La centrale de Fukushima est figurée par le petit carré rouge. Les triangles noirs indiquent des volcans actifs. Crédit : Ping Tong, Dapeng Zhao, Dinghui Yang. Le 11 avril 2011, un séisme de magnitude 7 a en effet frappé Iwaki, à 60 km au sud-ouest de la centrale de Fukushima, et à 200 km de l’épicentre du séisme du 11 mars. Selon le communiqué annonçant la parution de l’étude, à proximité d’Iwaki, le réseau de sismographes japonais a enregistré plus de 24 000 secousses du 11 mars au 27 octobre 2011. Seulement 1300 secousses avaient été détectées pendant les neuf années précédentes...
Bien qu’ils ne puissent pas prédire quand un tremblement de terre se produira à Fukushima Daiichi, les chercheurs affirment que les fluides ascendants observés dans la zone indiquent qu’un tel événement est susceptible de se produire dans un futur proche.
Fukushima Daiichi : The Truth and the Future from Fairewinds Energy Education on Vimeo.
Dans une intervention filmée en date du 12 mai 2012 [4], Gundersen déclarait : "Le réacteur 4 demeure ma plus grosse inquiétude concernant le site de Fukushima. Le réacteur 4 contient plus de combustible que n’importe lequel des autres réacteurs de la centrale, mais surtout il contient la plus grande quantité de combustible usé, utilisé très récemment. Tout ce combustible est dénué de confinement. En soi, ce serait déjà bien assez dangereux – si ce n’est que, bien sûr, le réacteur 4 a subi une série d’explosions et que ses structures sont affaiblies. Auparavant, il aurait pu supporter un tremblement de terre de magnitude 7,5. Je pense que les dommages à la structure du réacteur n°4 sont si importants que, si un séisme de magnitude 7,5 se produit, le réacteur n’y résistera pas."
Selon le Professeur Robert Alvarez [5], expert reconnu des questions nucléaires, ex-conseiller auprès du Federal Department of Energy du gouvernement américain (1993-1999) :
"La piscine n°4 est située à environ 30 mètres au-dessus du sol ; sa structure est endommagée et elle est exposée à l’air libre. Si un séisme ou tout autre événement entraînait sa vidange, il pourrait en résulter un incendie radiologique catastrophique, avec près de dix fois la quantité de césium-137 relâchée par la catastrophe de Tchernobyl.
L’infrastructure nécessaire pour récupérer en toute sécurité ces matériaux a été détruite, de même que dans les trois autres réacteurs. On ne peut pas simplement enlever le combustible usé avec une grue comme s’il s’agissait d’un chargement banal. Pour éviter de sévères irradiations, des incendies et de possibles explosions, il doit être transféré dans des conteneurs isolants spéciaux ("dry casks") en étant constamment maintenu immergé sous eau dans des structures lourdement blindées. Dans la mesure où cela n’a jamais été fait auparavant, la récupération du combustible usé dans les piscines des réacteurs endommagés à Fukushima Daiichi est une opération en terres inconnues, qui nécessitera un effort de re-construction important et chronophage."
Alvarez ajoute que les quelques 11 138 assemblages combustibles usés stockés dans l’ensemble de la centrale de Fukushima contiennent environ 134 millions de curies de césium-137. Selon le Conseil National des États-Unis pour la Protection Radiologique (NCRP), cela représente à peu près 85 fois la quantité de césium-137 relâchée par Tchernobyl.
Pour Hiroaki Koide, professeur à l’Institut de Recherche Nucléaire Universitaire de Kyoto, "Si la piscine devait s’effondrer à cause d’un nouveau gros séisme, les émissions de matières radioactives seraient énormes : une estimation prudente donne une radioactivité équivalente à 5000 fois la bombe nucléaire d’Hiroshima." [6]
"Les assemblages combustibles sont suffisamment chauds pour devoir être refroidis sous eau. S’ils n’étaient refroidis qu’à l’air, ils prendraient feu. Les gaines en zircaloy [alliage à base de zirconium] qui contiennent les pastilles de combustible réagiraient avec l’oxygène, provoquant un incendie. Et c’est un incendie qui, une fois déclenché, ne peut pas être éteint en l’aspergeant d’eau. L’eau le rendrait pire encore. Le combustible nucléaire devrait brûler entièrement avant que l’incendie ne s’éteigne. Avec un tel incendie, toute la radioactivité du combustible s’élèverait dans l’atmosphère et se disperserait au-dessus du Japon et du monde. […]
Des assemblages combustibles usés stockés dans la piscine du réacteur n°4 à Fukushima. Photo : Tepco Il y a plus de césium dans la piscine du réacteur 4 actuellement, que n’en ont dispersé l’ensemble des essais atmosphériques de bombes atomiques. La situation est donc grave. […] Nous devons rapidement sortir le combustible de cette piscine et l’enterrer. Le mot-clé, c’est "rapidement". […] Je pense que la priorité numéro un de TEPCO et du gouvernement japonais devrait être de sortir le combustible de cette piscine aussi vite que possible. Et en même temps, ils doivent renforcer cette piscine pour garantir qu’elle puisse supporter un séisme. N’oublions pas que cette piscine n’est plus confinée. On peut l’observer depuis l’espace par satellite et voir le combustible nucléaire ; le toit a été soufflé par l’explosion. […]
Le bâtiment du réacteur 4, le 15 septembre 2011. Photo : Tepco Aux États-Unis, le Brookhaven National Laboratory a mené une étude [7] pour déterminer ce qui se passerait en cas d’incendie dans une piscine de combustibles usés. Ils ont estimé que 187 000 personnes développeraient un cancer à cause d’un tel incendie."
Cette étude du BNL examinait un certain nombre de scénarios différents, et les chiffres cités en termes de conséquences varient selon les auteurs et les références, mais les ordres de grandeur demeurent similaires. Ainsi, Robert Alvarez et son équipe citaient en 2003 une fourchette de 54 000 à 143 000 décès par cancers et la condamnation de 2000 à 7000 km2 de terres agricoles. [8] Pour Arjun Makhijani, ingénieur spécialisé en fusion nucléaire et président de l’Institute for Energy and Environmental Resarch, selon l’étude du BNL les dégâts résultant de l’incendie d’une piscine à combustibles sur un réacteur à eau bouillante pourraient atteindre un montant compris entre 900 millions de dollars (dans le cas d’un seul assemblage combustible prenant feu) et 700 milliards de dollars actuels (dans le cas de toute une piscine en feu, stockant une quantité maximale de combustible) ; les décès par cancers pourraient atteindre 138 000 personnes dans un rayon de 800 km autour du réacteur concerné. [9]
Gundersen estime que "Les conséquences [d’un incendie du combustible stocké dans la piscine du réacteur 4] dépendraient de la direction dans laquelle le vent soufflerait. Dans le pire des cas, cela pourrait impliquer l’évacuation de Tokyo. Cela pourrait aussi couper en deux le Japon, la partie nord étant séparée de la partie sud du pays par une bande de territoire contaminé. C’est donc un accident très grave qui risque de se produire, et nous devons tous prier qu’un séisme ne se produise pas avant que le combustible soit récupéré."
Dans un article de 2002 publié par le Bulletin of Atomic Scientists, Robert Alvarez évoque les travaux de Gordon Thomson, lui-même un ingénieur et physicien qui a travaillé pendant plus de 25 ans pour tenter de convaincre les instances de régulations américaines et européennes que les piscines de refroidissement des combustibles usés présentent des risques sévères.
Selon Thompson, si un incendie se déclarait dans la piscine du réacteur n°3 de la centrale de Millstone dans le Connecticut, environ 75 100 km2 deviendraient inhabitables (en comparaison, la superficie de l’État du Connecticut est d’environ 12 950 km2). Thompson estime qu’ "avec un peu d’imagination, on voit qu’un incendie de piscine à combustibles serait un désastre régional et national de proportions historiques." [10]
"Je dois dire qu’il y a un risque concernant l’unité 4. La piscine est actuellement refroidie par un système temporaire. Mais les conduits s’étendent sur des dizaines de kilomètres et étant donné que c’est une construction provisoire, ce n’est pas censé résister aux secousses sismiques. Il n’y a pas assez de maintenance. Les tuyaux courent à travers les décombres. J’estime qu’il faudrait peu de temps pour vider la piscine si les tuyaux étaient endommagés et causaient une fuite. Les émissions de matières radioactives seraient si élevées que personne ne pourrait s’approcher. [...] J’aimerais que le gouvernement et Tepco se préparent avec une notion de crise imminente à l’esprit. [...] Si la piscine se vide, aucun travailleur ne pourra s’approcher du bâtiment réacteur 4, ni des bâtiments 1, 2 et 3."
Le bâtiment du réacteur 4 le 28 mai 2012. Photo : Tepco Il est important de s’y arrêter un instant : "Si la piscine se vide, aucun travailleur ne pourra s’approcher du bâtiment réacteur 4, ni des bâtiments 1, 2 et 3." Cela signifie que l’effondrement de la piscine du réacteur 4 provoquerait une perte de contrôle totale sur l’ensemble du site de Fukushima, qui contient plus de 2000 tonnes de combustibles usés (sans parler des combustibles encore présents dans les cœurs, soit environ 480 tonnes), selon les estimations de Pierre Fetet, l’animateur du précieux "Blog de Fukushima" [11].
Même l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français a reconnu cela, par la voix d’Olivier Isnard, chercher à l’IRSN, lors d’une conférence le 7 juillet 2011 à l’ambassade de France à Tokyo (voir la vidéo, de 1:47 à 2:43) :
"On [l’IRSN] a regardé les conséquences qui étaient associées à la perte d’une piscine. Effectivement, les conséquences sont bien plus importantes que les rejets des réacteurs, pour plusieurs raisons, c’est que la quantité contenu dans ces piscines est la quantité d’un réacteur, voire plus, à l’intérieur de ces piscines, et celles-ci ne sont pas protégées par des enceintes. Elles sont en gros à l’air libre, ou pas loin, donc notamment en plus avec l’état actuel des bâtiments, on peut dire qu’effectivement elles sont à l’air libre. L’impact fondamental, c’est que l’irradiation qui est associée au fait que le combustible de cette piscine serait mis à l’air, est telle qu’en fait on ne serait pas en mesure d’approcher le site. C’est-à-dire que sur un km de distance il y a aurait un débit de dose qui serait sur des centaines de Gray/heure. C’est un million de fois plus que ce qu’on a ici, et il n’y a pas un humain qui serait en mesure d’approcher le site."
Fukushima réacteur 4, un danger au delà de tout... par kna60
Mitsuhei Murata, ex-ambassadeur du Japon en Suisse et au Sénégal, témoignait devant le Comité budgétaire de la Chambre des Conseillers (l’équivalent du Sénat français) le 22 mars 2012. Matsumura rapporte qu’à cette occasion, Murata a affirmé que, si la piscine n°4 s’effondrait, "non seulement les six réacteurs de la centrale devraient être arrêtés, mais cela affecterait aussi la piscine de stockage commune [complémentaire aux piscines propres à chaque réacteur] qui contient 6375 assemblages combustibles [équivalent à 1097 tonnes de matériaux (1)], située à 50 mètres du réacteur n°4. […] Cela provoquerait une catastrophe mondiale sans précédent."
Le quotidien nippon Asahi rapporte que l’ex-ambassadeur a par ailleurs déclaré que "L’existence du réacteur n°4 est désormais un enjeu majeur de sécurité nationale pour le monde entier, dont la gravité ne le cède en rien même à la question des missiles nords-coréens." Murata a même estimé que "si un accident devait se produire sur le réacteur n°4, ce pourrait être le début de la catastrophe ultime pour le monde. […] Bien sûr, Tokyo deviendrait inhabitable." L’ex-ambassadeur a envoyé une lettre au Premier Ministre Yoshihiko Noda pour lui demander qu’une action forte soit entreprise. [13]
Dans une lettre adressée le 25 mai au secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki-moon, Mitsuhei Murata enfonçait le clou : "Il n’est pas exagéré d’affirmer que le destin du Japon et du monde entier dépend du réacteur n°4."
Le 16 avril 2012, après une visite sur le site de Fukushima, le sénateur américain Ron Wyden (Oregon) a adressé une lettre à Ichiro Fujisaki, l’ambassadeur du Japon aux États-Unis, ainsi qu’à Hillary Clinton (secrétaire d’État aux affaires étrangères) et à Steven Chu (secrétaire d’État à l’énergie). Membre du Comité sur l’Énergie et les Ressources Naturelles (US Committee on Energy and Natural ressources), Wyden y écrivait que "l’ampleur des dommages subis par les réacteurs et la zone environnante est bien pire que ce [qu’il avait] imaginé, et l’ampleur du défi pour l’exploitant, le gouvernement du Japon et les habitants de la région est redoutable." Il ajoutait que "Le statut précaire des réacteurs de Fukushima Daiichi et le risque que représente l’énorme inventaire de matériaux radioactifs et de combustible usé en cas de séismes ultérieurs devraient être un sujet de préoccupation pour tous, et devrait concentrer de plus grands efforts d’assistance internationale." [14]
Wyden a fortement incité M. Fujisaki à accepter une aide internationale pour accélérer les opérations de retrait des combustibles usés et éviter toute nouvelle catastrophe.
Elles estiment qu’ "Étant donné que l’effondrement de cette piscine pourrait conduire à des conséquences catastrophiques aux implications mondiales, le gouvernement japonais – en tant que membre responsable de la communauté internationale – devrait mobiliser toute la connaissance et tous les moyens disponibles pour stabiliser ces combustibles nucléaires usés et éviter tout désastre supplémentaire. […] Nous en appelons aux Nations-Unies pour qu’elles aident le Japon et la planète afin d’empêcher les conséquences irréversibles d’une catastrophe qui pourrait affecter les générations à venir. […] Les Nations-Unies devraient organiser un Sommet sur la Sécurité Nucléaire pour s’atteler au problème crucial de la piscine de stockage des combustibles usés du réacteur n°4 de Fukushima Daiichi. Les Nations-Unies devraient mettre en place un groupe indépendant d’évaluation de la situation du réacteur n°4 et coordonner l’assistance internationale avec pour objectif la stabilisation des combustibles usés du réacteur […]". [15]
À cette lettre ouverte, se sont publiquement associés le diplomate Akio Matsumura, l’ex-ambassadeur Mitsuhei Murata, l’expert en combustibles nucléaires Robert Alvarez, ainsi qu’Hiroaki Koide, professeur à l’Institut de Recherche Nucléaire Universitaire de Kyoto, et Masashi Goto, ingénieur expert en conception de centrales nucléaires qui a travaillé sur le programme nucléaire de Toshiba. Le même Goto qui, lors d’un mea-culpa collectif de plusieurs cadres de l’industrie nucléaire japonaise le 17 mars 2011, déclarait à propos de la phase de construction de la centrale de Fukushima : "Nous n’avons presque pas contesté les plans de General Electric [concepteur américain du modèle de réacteur utilisé à Fukushima]. Nous avons importé une technologie qui n’était pas conçue pour notre géographie très particulière et les menaces qui vont avec." [16]
Une pétition a été lancée pour en appeler à l’intervention de l’ONU :http://www.change.org/petitions/the-president-of-the-united-states-urgent-request-on-un-intervention-to-stabilize-the-fukushima-reactor-unit-4
Xavier Rabilloud - Réseau "Sortir du nucléaire"
Sa structure a subi d’énormes contraintes mécaniques et thermiques lors des explosions et incendies qui ont eu lieu en mars 2011. Perchée à 30 mètres au-dessus du sol, elle contient 1535 assemblages combustibles, soit environ 264 tonnes de matériaux extrêmement radioactifs [1]. Son effondrement pourrait provoquer une catastrophe d’une ampleur sans précédent, d’un ordre de gravité encore bien supérieur à celui de Tchernobyl.
Des géologues craignent un nouveau séisme à Fukushima
Selon une étude publiée mi-février 2012 par la European Geosciences Union [2], conduite par trois chercheurs, le risque sismique sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima s’est accru depuis le séisme de magnitude 9 qui a frappé le Japon le 11 mars 2011. Exploitant des données qui concernent 6000 séismes survenus au Japon de juin 2002 à octobre 2011, les auteurs de l’étude montrent que le séisme du 11 mars a réactivé une faille sismique proche de la centrale.Selon Dapeng Zhao, professeur de géophysique à la Tohoku University et directeur de l’étude, "Dans la mesure où un séisme important s’est produit à Iwaki il y a peu de temps, nous pensons qu’il est possible qu’un séisme de magnitude similaire se produise à Fukushima." [3]
Bien qu’ils ne puissent pas prédire quand un tremblement de terre se produira à Fukushima Daiichi, les chercheurs affirment que les fluides ascendants observés dans la zone indiquent qu’un tel événement est susceptible de se produire dans un futur proche.
Le réacteur n°4 ne résisterait pas à un séisme de magnitude 7,5
Arnie Gundersen est ingénieur nucléaire et expert agréé en matière de sûreté nucléaire ; il a coordonné des projets dans 70 centrales nucléaires américaines au cours des ses quarante ans de carrière.Fukushima Daiichi : The Truth and the Future from Fairewinds Energy Education on Vimeo.
Dans une intervention filmée en date du 12 mai 2012 [4], Gundersen déclarait : "Le réacteur 4 demeure ma plus grosse inquiétude concernant le site de Fukushima. Le réacteur 4 contient plus de combustible que n’importe lequel des autres réacteurs de la centrale, mais surtout il contient la plus grande quantité de combustible usé, utilisé très récemment. Tout ce combustible est dénué de confinement. En soi, ce serait déjà bien assez dangereux – si ce n’est que, bien sûr, le réacteur 4 a subi une série d’explosions et que ses structures sont affaiblies. Auparavant, il aurait pu supporter un tremblement de terre de magnitude 7,5. Je pense que les dommages à la structure du réacteur n°4 sont si importants que, si un séisme de magnitude 7,5 se produit, le réacteur n’y résistera pas."
Dix fois plus de césium qu’à Tchernobyl
Selon le Professeur Robert Alvarez [5], expert reconnu des questions nucléaires, ex-conseiller auprès du Federal Department of Energy du gouvernement américain (1993-1999) :
"La piscine n°4 est située à environ 30 mètres au-dessus du sol ; sa structure est endommagée et elle est exposée à l’air libre. Si un séisme ou tout autre événement entraînait sa vidange, il pourrait en résulter un incendie radiologique catastrophique, avec près de dix fois la quantité de césium-137 relâchée par la catastrophe de Tchernobyl.
L’infrastructure nécessaire pour récupérer en toute sécurité ces matériaux a été détruite, de même que dans les trois autres réacteurs. On ne peut pas simplement enlever le combustible usé avec une grue comme s’il s’agissait d’un chargement banal. Pour éviter de sévères irradiations, des incendies et de possibles explosions, il doit être transféré dans des conteneurs isolants spéciaux ("dry casks") en étant constamment maintenu immergé sous eau dans des structures lourdement blindées. Dans la mesure où cela n’a jamais été fait auparavant, la récupération du combustible usé dans les piscines des réacteurs endommagés à Fukushima Daiichi est une opération en terres inconnues, qui nécessitera un effort de re-construction important et chronophage."
Alvarez ajoute que les quelques 11 138 assemblages combustibles usés stockés dans l’ensemble de la centrale de Fukushima contiennent environ 134 millions de curies de césium-137. Selon le Conseil National des États-Unis pour la Protection Radiologique (NCRP), cela représente à peu près 85 fois la quantité de césium-137 relâchée par Tchernobyl.
Pour Hiroaki Koide, professeur à l’Institut de Recherche Nucléaire Universitaire de Kyoto, "Si la piscine devait s’effondrer à cause d’un nouveau gros séisme, les émissions de matières radioactives seraient énormes : une estimation prudente donne une radioactivité équivalente à 5000 fois la bombe nucléaire d’Hiroshima." [6]
Le scénario catastrophe vu par des experts en sûreté nucléaire
Arnie Gundersen expose "ce qui se passerait si le bâtiment du réacteur 4 s’effondrait et que la piscine se vidait de son eau.""Les assemblages combustibles sont suffisamment chauds pour devoir être refroidis sous eau. S’ils n’étaient refroidis qu’à l’air, ils prendraient feu. Les gaines en zircaloy [alliage à base de zirconium] qui contiennent les pastilles de combustible réagiraient avec l’oxygène, provoquant un incendie. Et c’est un incendie qui, une fois déclenché, ne peut pas être éteint en l’aspergeant d’eau. L’eau le rendrait pire encore. Le combustible nucléaire devrait brûler entièrement avant que l’incendie ne s’éteigne. Avec un tel incendie, toute la radioactivité du combustible s’élèverait dans l’atmosphère et se disperserait au-dessus du Japon et du monde. […]
Cette étude du BNL examinait un certain nombre de scénarios différents, et les chiffres cités en termes de conséquences varient selon les auteurs et les références, mais les ordres de grandeur demeurent similaires. Ainsi, Robert Alvarez et son équipe citaient en 2003 une fourchette de 54 000 à 143 000 décès par cancers et la condamnation de 2000 à 7000 km2 de terres agricoles. [8] Pour Arjun Makhijani, ingénieur spécialisé en fusion nucléaire et président de l’Institute for Energy and Environmental Resarch, selon l’étude du BNL les dégâts résultant de l’incendie d’une piscine à combustibles sur un réacteur à eau bouillante pourraient atteindre un montant compris entre 900 millions de dollars (dans le cas d’un seul assemblage combustible prenant feu) et 700 milliards de dollars actuels (dans le cas de toute une piscine en feu, stockant une quantité maximale de combustible) ; les décès par cancers pourraient atteindre 138 000 personnes dans un rayon de 800 km autour du réacteur concerné. [9]
Gundersen estime que "Les conséquences [d’un incendie du combustible stocké dans la piscine du réacteur 4] dépendraient de la direction dans laquelle le vent soufflerait. Dans le pire des cas, cela pourrait impliquer l’évacuation de Tokyo. Cela pourrait aussi couper en deux le Japon, la partie nord étant séparée de la partie sud du pays par une bande de territoire contaminé. C’est donc un accident très grave qui risque de se produire, et nous devons tous prier qu’un séisme ne se produise pas avant que le combustible soit récupéré."
Dans un article de 2002 publié par le Bulletin of Atomic Scientists, Robert Alvarez évoque les travaux de Gordon Thomson, lui-même un ingénieur et physicien qui a travaillé pendant plus de 25 ans pour tenter de convaincre les instances de régulations américaines et européennes que les piscines de refroidissement des combustibles usés présentent des risques sévères.
Selon Thompson, si un incendie se déclarait dans la piscine du réacteur n°3 de la centrale de Millstone dans le Connecticut, environ 75 100 km2 deviendraient inhabitables (en comparaison, la superficie de l’État du Connecticut est d’environ 12 950 km2). Thompson estime qu’ "avec un peu d’imagination, on voit qu’un incendie de piscine à combustibles serait un désastre régional et national de proportions historiques." [10]
Aucun être humain ne pourrait plus intervenir sur le site
Yukiteru Naka, qui fut ingénieur chez General Electric et impliqué dans la construction de la centrale de Fukushima Daiichi (réacteurs 1, 2 et 6), est maintenant engagé dans les travaux de démantèlement. Le 25 mai, il déclarait :"Je dois dire qu’il y a un risque concernant l’unité 4. La piscine est actuellement refroidie par un système temporaire. Mais les conduits s’étendent sur des dizaines de kilomètres et étant donné que c’est une construction provisoire, ce n’est pas censé résister aux secousses sismiques. Il n’y a pas assez de maintenance. Les tuyaux courent à travers les décombres. J’estime qu’il faudrait peu de temps pour vider la piscine si les tuyaux étaient endommagés et causaient une fuite. Les émissions de matières radioactives seraient si élevées que personne ne pourrait s’approcher. [...] J’aimerais que le gouvernement et Tepco se préparent avec une notion de crise imminente à l’esprit. [...] Si la piscine se vide, aucun travailleur ne pourra s’approcher du bâtiment réacteur 4, ni des bâtiments 1, 2 et 3."
Même l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français a reconnu cela, par la voix d’Olivier Isnard, chercher à l’IRSN, lors d’une conférence le 7 juillet 2011 à l’ambassade de France à Tokyo (voir la vidéo, de 1:47 à 2:43) :
"On [l’IRSN] a regardé les conséquences qui étaient associées à la perte d’une piscine. Effectivement, les conséquences sont bien plus importantes que les rejets des réacteurs, pour plusieurs raisons, c’est que la quantité contenu dans ces piscines est la quantité d’un réacteur, voire plus, à l’intérieur de ces piscines, et celles-ci ne sont pas protégées par des enceintes. Elles sont en gros à l’air libre, ou pas loin, donc notamment en plus avec l’état actuel des bâtiments, on peut dire qu’effectivement elles sont à l’air libre. L’impact fondamental, c’est que l’irradiation qui est associée au fait que le combustible de cette piscine serait mis à l’air, est telle qu’en fait on ne serait pas en mesure d’approcher le site. C’est-à-dire que sur un km de distance il y a aurait un débit de dose qui serait sur des centaines de Gray/heure. C’est un million de fois plus que ce qu’on a ici, et il n’y a pas un humain qui serait en mesure d’approcher le site."
Deux diplomates japonais tirent la sonnette d’alarme
Akio Matsumura, diplomate ayant travaillé trois décennies pour divers organes des Nations-Unies et d’autres institutions internationales, estime qu’un effondrement de la piscine n°4 en cas de séisme "détruirait l’environnement mondial et notre civilisation. Ce n’est pourtant pas sorcier, et ce n’est pas non plus en rapport avec le débat vigoureux pour ou contre les centrales nucléaires. C’est une question de survie de l’humanité." Il insiste : "Il n’est pas exagéré de parler de catastrophe mondiale." [12]Fukushima réacteur 4, un danger au delà de tout... par kna60
Mitsuhei Murata, ex-ambassadeur du Japon en Suisse et au Sénégal, témoignait devant le Comité budgétaire de la Chambre des Conseillers (l’équivalent du Sénat français) le 22 mars 2012. Matsumura rapporte qu’à cette occasion, Murata a affirmé que, si la piscine n°4 s’effondrait, "non seulement les six réacteurs de la centrale devraient être arrêtés, mais cela affecterait aussi la piscine de stockage commune [complémentaire aux piscines propres à chaque réacteur] qui contient 6375 assemblages combustibles [équivalent à 1097 tonnes de matériaux (1)], située à 50 mètres du réacteur n°4. […] Cela provoquerait une catastrophe mondiale sans précédent."
Le quotidien nippon Asahi rapporte que l’ex-ambassadeur a par ailleurs déclaré que "L’existence du réacteur n°4 est désormais un enjeu majeur de sécurité nationale pour le monde entier, dont la gravité ne le cède en rien même à la question des missiles nords-coréens." Murata a même estimé que "si un accident devait se produire sur le réacteur n°4, ce pourrait être le début de la catastrophe ultime pour le monde. […] Bien sûr, Tokyo deviendrait inhabitable." L’ex-ambassadeur a envoyé une lettre au Premier Ministre Yoshihiko Noda pour lui demander qu’une action forte soit entreprise. [13]
Dans une lettre adressée le 25 mai au secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki-moon, Mitsuhei Murata enfonçait le clou : "Il n’est pas exagéré d’affirmer que le destin du Japon et du monde entier dépend du réacteur n°4."
Un sénateur américain en appelle à l’aide internationale
Le 16 avril 2012, après une visite sur le site de Fukushima, le sénateur américain Ron Wyden (Oregon) a adressé une lettre à Ichiro Fujisaki, l’ambassadeur du Japon aux États-Unis, ainsi qu’à Hillary Clinton (secrétaire d’État aux affaires étrangères) et à Steven Chu (secrétaire d’État à l’énergie). Membre du Comité sur l’Énergie et les Ressources Naturelles (US Committee on Energy and Natural ressources), Wyden y écrivait que "l’ampleur des dommages subis par les réacteurs et la zone environnante est bien pire que ce [qu’il avait] imaginé, et l’ampleur du défi pour l’exploitant, le gouvernement du Japon et les habitants de la région est redoutable." Il ajoutait que "Le statut précaire des réacteurs de Fukushima Daiichi et le risque que représente l’énorme inventaire de matériaux radioactifs et de combustible usé en cas de séismes ultérieurs devraient être un sujet de préoccupation pour tous, et devrait concentrer de plus grands efforts d’assistance internationale." [14]
Wyden a fortement incité M. Fujisaki à accepter une aide internationale pour accélérer les opérations de retrait des combustibles usés et éviter toute nouvelle catastrophe.
La société civile japonaise cherche à mobiliser les Nations-Unies
Le 1er mai, 72 organisations japonaises ont adressée une lettre ouverte à Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU.Elles estiment qu’ "Étant donné que l’effondrement de cette piscine pourrait conduire à des conséquences catastrophiques aux implications mondiales, le gouvernement japonais – en tant que membre responsable de la communauté internationale – devrait mobiliser toute la connaissance et tous les moyens disponibles pour stabiliser ces combustibles nucléaires usés et éviter tout désastre supplémentaire. […] Nous en appelons aux Nations-Unies pour qu’elles aident le Japon et la planète afin d’empêcher les conséquences irréversibles d’une catastrophe qui pourrait affecter les générations à venir. […] Les Nations-Unies devraient organiser un Sommet sur la Sécurité Nucléaire pour s’atteler au problème crucial de la piscine de stockage des combustibles usés du réacteur n°4 de Fukushima Daiichi. Les Nations-Unies devraient mettre en place un groupe indépendant d’évaluation de la situation du réacteur n°4 et coordonner l’assistance internationale avec pour objectif la stabilisation des combustibles usés du réacteur […]". [15]
À cette lettre ouverte, se sont publiquement associés le diplomate Akio Matsumura, l’ex-ambassadeur Mitsuhei Murata, l’expert en combustibles nucléaires Robert Alvarez, ainsi qu’Hiroaki Koide, professeur à l’Institut de Recherche Nucléaire Universitaire de Kyoto, et Masashi Goto, ingénieur expert en conception de centrales nucléaires qui a travaillé sur le programme nucléaire de Toshiba. Le même Goto qui, lors d’un mea-culpa collectif de plusieurs cadres de l’industrie nucléaire japonaise le 17 mars 2011, déclarait à propos de la phase de construction de la centrale de Fukushima : "Nous n’avons presque pas contesté les plans de General Electric [concepteur américain du modèle de réacteur utilisé à Fukushima]. Nous avons importé une technologie qui n’était pas conçue pour notre géographie très particulière et les menaces qui vont avec." [16]
Une pétition a été lancée pour en appeler à l’intervention de l’ONU :http://www.change.org/petitions/the-president-of-the-united-states-urgent-request-on-un-intervention-to-stabilize-the-fukushima-reactor-unit-4
Xavier Rabilloud - Réseau "Sortir du nucléaire"
Notes
[1] Les chiffres varient selon les sources. Nous reprenons ici ceux issus de l’analyse détaillée de Pierre Fetet : http://fukushima.over-blog.fr/article-centrale-nucleaire-de-fukushima-daiichi-toutes-les-donnees-sur-les-reacteurs-et-les-combustibles-74272123.html[2] "Tomography of the 2011 Iwaki earthquake (M 7.0) and Fukushima nuclear power plant area", Ping Tong, Dapeng Zhao, Dinghui Yang, Solid Earth, European Geosciences Union, 14 février 2012,http://www.solid-earth.net/3/43/2012/se-3-43-2012.pdf
[3] http://www.egu.eu/home/fukushima-at-increased-earthquake-risk.html
[4] "Fukushima Daiichi : the truth and future", 12 mai 2012,http://www.fairewinds.com/content/fukushima-daiichi-truth-and-future
[5] http://akiomatsumura.com/2012/04/682.html
[6] Cette citation est issue de l’émission Hodo Station du 25 mai 2012, diffusée par la chaîne de télévision Asahi, telle que reproduite par Pierre Fetet dans son article "Fukushima et l’avenir du monde", en date du 3 juin 2012, sur son blog : http://fukushima.over-blog.fr/
[7] Brookhaven National Laboratory, "Severe Accidents in Spent Fuel Pools in Support of Generic Safety Issue 82" (NUREG/CR-4982).
[8] "Reducing the Hazards from Stored Spent Power-Reactor Fuel in the United States", Robert Alvarez et al., Science and Global Security, 2003, http://irss-usa.org/pages/documents/11_1Alvarez.pdf
[9] "Post-Tsunami Situation at the Fukushima Daiichi Nuclear Power Plant in Japan : Facts, Analysis, and Some Potential Outcomes", Arjun Makhijani, IEER, 16 mars 2011, http://ieer.org/wp/wp-content/uploads/2011/03/Daiichi-Fukushima-reactors_IEERstatement.pdf
[10] "What about the spent fuel", Robert Alvarez, The Bulletin of Atomic Scientists vol.58 no.1 pp.45-47, janvier-février 2002, www.nirs.org/radwaste/atreactorstorage/alvarezarticle2002.pdf
[11] Les chiffres varient selon les sources. Nous reprenons ici ceux issus de l’analyse détaillée de Pierre Fetet : http://fukushima.over-blog.fr/article-centrale-nucleaire-de-fukushima-daiichi-toutes-les-donnees-sur-les-reacteurs-et-les-combustibles-74272123.html
[12] http://akiomatsumura.com/2012/04/682.html
[13] "Doomsday scenarios spread about No. 4 reactor at Fukushima plant", Asahi, 10 mai 2012, Hideo Sato, Shukan Asahi Weekly Magazine,http://ajw.asahi.com/article/behind_news/social_affairs/AJ201205100051
[14] http://www.wyden.senate.gov/news/press-releases/after-tour-of-fukushima-nuclear-power-station-wyden-says-situation-worse-than-reported
[15] http://fukushima.greenaction-japan.org/2012/05/01/an-urgent-request-on-un-intervention-to-stabilize-the-fukushima-unit-4-spent-nuclear-fuel/
[16] "Des ex-cadres nippons accusent", Le Temps, Richard Werly, 17 mars 2011,http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/6ed08616-5015-11e0-93ec-7b0ac0b11c86/Des_ex-cadres_nippons_accusent
http://groupes.sortirdunucleaire.org/Danger-mondial-les-combustibles
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