Steven Heydemann |
Je vous propose un article qui a été signalé par plusieurs sources, dont Angry Arab et un commentateur sur le site InfoSyrie (favorable au gouvernement syrien).
Il vient en fait utilement illustrer (s’il en était besoin) l’article très documenté de Charlie Skelton sur la gestion d’une partie de l’opposition syrienne par les Etats Unis et leurs habituels associés, la Grande Bretagne et la France.
L’organisme dont il est question ici, l’U.S. Institute for Peace (USIP), s’intéresse à l’organisation institutionnelle de la Syrie le ‘jour d’après’.
Et non, le ‘jour d’après’ n’est pas celui qui suit une catastrophe, nucléaire ou climatique comme on pu en voir sur les écrans.
Parce que le ‘jour d’après’ c’est le lendemain de la chute du régime baathiste, ce qui, du point de vue américain, serait tout sauf une catastrophe.
A lie cet article de Foreign Policy, on a presque le sentiment d’être devant des gens qui font un travail innocent et cherchent à rendre un service désintéressé. Voyez-vous, ils rendent même compte de leurs travaux à l’ONU et à la Ligue Arabe.
Le gouvernement syrien n’y est cependant pas convié. Et pour cause. Depuis quand un Etat souverain, démocratique ou non, confie-t-il sa destinée à une officine qui dépend directement d’ ‘un gouvernement étranger.
Et on croit comprendre que certains acteurs politiques ne participent pas non plus aux discussions. C’est semble-t-il le cas des Frères Musulmans et d’autres organisations qui ne sont pas « mainstream » sans qu’on sache exactement ce qui est entendu par là.
Peut-être l’opposition patriotique qui a toujours refusé de pactiser avec la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis ? En tout cas l’article laisse clairement apparaître qu’une partie de l’opposition est hostile aux manigances de l’USIP.
Le responsable de cette officine, Steven Heydemann insiste sur le fait qu’elle ne travaille pas sur les modalités d’éviction du pouvoir en place. Du moins pas directement.
De toute façon, nous précise-t-il, si son organisation travaille sur le ‘jour d’après’, d’autres travaillent sur le ‘jour d’avant.’
C’est ce qu’on appelle la division du travail, le taylorisme appliqué à la chirurgie sociopolitique.
par Josh Rogin, The Cable - Foreign Policy (USA) 20 juillet 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Ces six derniers mois, quarante hauts responsables des diverses organisations de l’opposition syrienne se sont réunis discrètement sous la tutelle de l’U.S. Institute for Peace (USIP) pour étudier les modalités de mise en place d’un gouvernement post-Assad.
Ce projet, qui l’implique pas directement des officiels du gouvernement des Etats Unis mais a été partiellement financé par le Département d’Etat, a vu sa pertinence s’accroître ce mois-ci avec le déchaînement d’une violence incontrôlée en Syrie et l’éloignement de la perspective d’une transition politique pacifique. Le responsable du projet, Steven Heydemann de l’USIP, un universitaire spécialiste de la Syrie, a présenté le plan à des officiels de l’administration Obama ainsi qu’à des officiels d’autres pays, y compris en marge de la réunion des Amis Syrie à Istanbul le mois dernier.
Le projet est baptisé «Le jour d’après : Soutenir une transition démocratique en Syrie.» Heydemann a parlé en détail du projet pour la première fois dans un entretien accordé à The Cable. Il a décrit l’action de l’USIP comme consistant à « travailler dans un rôle d’appui à un groupe important d’organisations d’opposition pour définir une Syrie post-Assad.»
Les leaders d’opposition impliqués dans le projet de l’USIP se réunissent depuis janvier et informent de leurs travaux la Ligue Arabe, le groupe des Amis de la Syrie, l’équipe de l’envoyé spécial de l’ONU Kofi Annan et le Conseil national Syrien d’opposition.
Les efforts du groupe se concentrent sur la mise au point de plans concrets pour ce qui suivra immédiatement après l’effondrement du régime, pour atténuer les risques d’un chaos bureaucratique, sécuritaire et économique. Le projet a aussi identifié certaines choses qui peuvent être faites à l’avance pour préparer une Syrie post-Assad.
«Nous avons organisé le projet par des approches systématiques, y compris pour la réforme du secteur de la sécurité,» explique Heydemann. Nous avons apporté un appui technique aux opposants Syriens qui participent à notre projet, et les Syriens ont identifié des priorités pour des choses qui doivent être mises en œuvre maintenant.»
Il souligne que le rôle de l’USIP est principalement un rôle de facilitation et de coordination. «Les Syriens sont beaucoup à l’initiative là-dessus,» dit-il.
Dans les semaines à venir, l’USIP a l’intention de publier un rapport sur le projet qui fera fonctionde document de stratégie à l’usage du nouveau gouvernement. La phase suivante est la mise sur pied d’un réseau de soutien «pour commencer à appliquer ces recommandations au sujet des choses qui doivent se produire maintenant,» explique Heydemann.
En plus de la réforme du secteur de la sécurité, le groupe a abouti à un plan de réforme du secteur de la justice et à un cadre de travail pour le rôle de l’opposition armée dans la Syrie post-Assad. L’idée est de préserver ces structures de l’Etat syrien qui peuvent être maintenues le temps de préparer des réformes dans les secteurs qui ne peuvent pas attendre. A titre d’exemple, une bonne partie du système judiciaire syrien pourrait être conservé.
Le groupe a mis au point quelques propositions innovantes pour rendre moins chaotique la transition post-Assad. Un exemple cité par Heydemann était l’idée de brigades mobiles de contrôle judiciaire qui pourraient être déployées afin d’examiner rapidement et de libérer les détenus prisonniers du régime après sa chute.
Le projet a également essayé d’identifier les personnels du régime qui pourraient jouer un rôle utile dans la phase suivant immédiatement la chute d’Assad.
«Les Syriens qui travaillent à ce projet comprennent très bien qu’une transition ne consiste pas à effacer l’ensemble du cadre juridique et politique de la Syrie,» observe Heydemann. «Nous avons appris quantité de choses par les participants de sorte que nous pouvons vraiment commencer un travail de sélection très grossier.» [de ce qui doit subsister].
Le projet conduit par l’USIP a soigneusement évité de travailler à l’éviction du pouvoir du régime d’Assad.
«Nous avons tout à fait intentionnellement laissé de côté toute contribution directe au renversement du régime d’Assad, » déclare Heydemann. «Notre projet s’intitule ‘le jour d’après.’ Il y a d’autres groupes qui travaillent sur le jour d’avant.»
Le projet a été financé par le Département d’Etat, mais il a aussi reçu des subventions du ministère suisse des affaires étrangères ainsi que d’ONG de Norvège et des Pays-bas. L’USIP est partenaire de l’Institut Allemand des relations Internationales, c’est pourquoi toutes nos réunions se sont tenues à Berlin.
L’absence d’officiels de l’administration Obama à ces réunions, même en tant qu’observateurs, était délibérée.
«C’est une situation où un rôle trop visible des Etats Unis aurait été extrêmement contre-productif. Il aurait donné au régime d’Assad et à [certains] des éléments de l’opposition une excuse pour délégitimer le processus,» explique Heydemann.
Il dit aussi qu’aucune des organisations qui s’écartent des courants dominants de l’opposition n’a de relations avec le projet, bien que les participants supposent que les islamistes seront une composante significative de tout nouvel ordre politique syrien.
L’idée n’est pas de prédire si, comment et quand le régime d’Assad pourrait tomber, mais plutôt de faire autant que possible, le plus discrètement possible, pour se préparer à toute éventualité.
«L’effondrement du régime pose un ensemble de défis ; une transition négociée en pose d’autres. Même si nous ne sommes pas certains qu’une transition va se produire, il serait profondément irresponsable de ne pas se préparer à une transition, » déclare Heydemann. «Nous donnons à l’opposition une opportunité pour qu’elle fasse la démonstration de sa capacité à entreprendre ce travail, ce qui est déjà très important.»
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