jeudi 12 septembre 2013

Éveil politique des peuples… L’ennemi dont on n’ose prononcer le nom

 

“Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.”
(Article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1793)
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D’Hiroshima à la Syrie, l’ennemi dont on ose pas prononcer le nom

John Pilger

10 Septembre 2013

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~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Sur mon mur est affichée la première page du quotidien Daily Express datée du 5 Septembre 1945 avec ces mots “J’écris ceci en avertissement au monde”. Ainsi commençait le reportage de Wilfred Burchett sur Hiroshima. C’était le scoop du siècle. Pour son périple solitaire et périlleux qui défia les autorités d’occupation américaines, Burchett fut mis au pilori, même par ses collègues intégrés au Japon. Il avertissait qu’un acte prémédité de meurtre de masse à une échelle épique avait lancé une nouvelle ère de terreur. Presque chaque jour aujourd’hui, il est absout. La criminalité intrinsèque du bombardement atomique a été confirmée par les archives nationales américaines et par les décennies qui s’ensuivirent de militarisme camouflé en démocratie. Le psychodrame de Syrie ne fait qu’illustrer tout ceci. Et pourtant, une fois de plus, nous sommes les otages d’un terrorisme potentiel dont la nature et l’histoire sont toujours niées, même par les critiques les plus libéraux. Le non-dit le plus tabou est que l’ennemi le plus dangereux de l’humanité réside outre-Atlantique.

La farce John Kerry et les pirouettes Obama ne sont que temporaires. L’accord de paix arraché par la Russie sur les armes chimiques, sera traité dans le temps avec tout le mépris que réserve habituellement les militaristes à la diplomatie. Avec Al Qaïda parmi ses alliés et ses maîtres du coup-d’état en sécurité au Caire, les Etats-Unis vont essayer d’écraser les derniers états indépendants du moyen-orient, la Syrie puis l’Iran. “Cette opération en Syrie”, a dit l’ancien ministre français des affaires étrangères Roland Dumas en juin, “remonte à bien longtemps. Elle a été préparée, préconçue et planifiée.” Quand le public est “psychologiquement terrorisé”, comme l’a décrit le journaliste de la chaîne 4 Jonathan Rugman au sujet du peuple britannique et de son hostilité à une attaque de la Syrie, renforcer le non-dit est urgent. Que Bachar al-Assad ou les “rebelles” aient utilisé du gaz  dans les banlieues de Damas, ce sont les Etats-Unis et non la Syrie, qui sont les utilisateurs les plus prolifiques de ces terribles armes. En 1970, le sénat rapporta que “Les Etats-Unis ont largué sur le Vietnam une quantité de toxine chimique (dioxine de l’agent orange) équivalente à 3kg par personne de la population.” Ceci fut l’opération Hadès (NdT: gardien des enfers dans la mythologie grecque… tout un programme…), qui fut rebaptisée plus tard du nom plus doux d’opération Rand Hand: la source de ce que les médecins vietnamiens appellent “un cycle de catastrophe fœtale”. J’ai personnellement vu des générations de jeunes enfants avec leurs familères et monstrueuses déformités.

John Kerry, avec son propre actif de guerre sanguinaire, s’en rappellera. Je les ai également vu en Irak, où les Etats-Unis ont utilisé le phosphore blanc et l’uranium appauvri, tout comme le firent les Israéliens à Gaza, faisant pleuvoir ces substances sur les écoles et hôpitaux de l’ONU.

 Pas de “ligne rouge” d’Obama pour eux. Pas de mise en scène psychodramatique non plus. Le débat devenu rengaine sur le sujet du “devrions-nous agir” contre les dictateurs sélectionnés (acclamons les Etats-Unis et leurs acolytes dans un nouvel élan meurtrier aérien), fait partie de notre lavage de cerveau. Richard Falk, professeur émérite de droit international et rapporteur extraordianire de l’ONU sur la Palestine, décrit cela comme “l’écran moral, légal, unidirectionnel à auto-rectitude avec images positives des valeurs occidentales et de l’innocence dépeinte comme étant menacée, validant ainsi une campagne de violence politique sans limites.” Ceci est du reste “largement accepté au point d‘être devenue inattaquable.”

C’est le plus gros mensonnge: le produit des “réalistes libéraux” de la politique anglo-américaine, le monde académique et les médias qui s’adoubent eux-mêmes comme les gérants de la crise mondiale, plutôt que la cause même de la crise. Dépouillant l’humanité de l’étude des nations et la congelant en un jargon qui ne sert que les desseins du pouvoir occidental, ils notent “en échec”, “voyou” ou “mauvais” certains états pour “intervention humanitaire” future. Une attaque sur la Syrie, l’Iran ou tout autre “démon” de l’Amérique amènerait une variante à la mode, la fameuse “Responsabilité de Protéger” ou R2P, dont le zélote de service est l’ancien premier ministre australien Gareth Evans, co-président du “Global Centre” de New York. Evans et ses lobbyistes généreusement financés, jouent un rôle propagandiste vital en poussant la “communauté internationale” à attaquer des pays où “le conseil de sécurité rejette une proposition ou ne s’en occuppe pas dans des temps raisonnables.” Evans a une forme. Il apparaît dans mon film de 1994 “Mort d’une nation”, qui révèle l’amplitude du génocide réalisé au Timor oriental. L’homme souriant de Canberra lève sa coupe de champagne pour proposer un toast à sa contre-partie indonésienne alors qu’ils survolent le Timor Oriental dans un avion australien, après avoir signé un traité qui piratait le pétrole et le gaz naturel d’un pays délabré qui s’étendait sous eux et où le tyran indonésien Suharto avait affamé ou fait assassiner un tiers de la population.

Sous le “faible” Obama, le militarisme s’est développé comme peut-être jamais auparavant. Sans qu’il n’y ait un seul char d’assaut sur la pelouse de la Maison Blanche, un coup d’état a eu lieu à Washington. En 2008, alors que ses dévôts libéraux sèchaient leurs yeux larmoyants, Obama accepta la totalité du Pentagone de son prédecesseur George W. Bush, avec ses guerres et ses crimes. Alors que la constitution est remplacée pas à pas par un état policier d’urgence, ceux qui ont détruits l’Irak avec leur campagne de “choc et stupeur”, réduit l’Afghanistan en un tas de ruines et réduit la Libye à un cauchemard hobbésien, sont la vague montante du gouvernement américain. Derrière la façade enrubannée, toujours plus d’anciens militaires américains se suicident, plus se suicident que ne meurent sur les champs de bataille. L’an dernier, 6500 vétérans se sont donnés la mort. Sortez toujours plus de drapeaux.

L’historien Norman Pollack appelle ceci le “fascisme libéral”. “Pour ceux qui marchent au pas de l’oie”, écrivit-il, “substituez-y l’apparente militarisation innocente de la culture totale et pour les leaders adeptes du bombardement, nous avons le reformateur manqué, agissant avec désinvolture, planifiant et exécutant des assassinats le sourire aux lèvres.” Chaque mardi, “l’humanitaire Obama” supervise personnellement un réseau de terrorisme mondial constitué de drones qui “pulvérisent” des gens, leurs sauveteurs et ceux qui portent leur deuil. Dans les zones de confort de l’occident, le premier leader noir du pays de l’esclavage se sent toujours à l’aise, comme si son existence même représentait une avancée sociale, indépendamment de la trainée de sang qu’il laisse derrière lui. Cette obéissance à un symbole a détruit le mouvement anti-guerre : voilà un résultat bien singulier d’Obama.

En Grande-Bretagne, les distractions des fausses images et des politiques identitaires n’ont pas atteint leur objectif. Un mécontentement a commencé, bien que les personnes de bonne conscience devraient se dépêcher. Les juges de Nüremberg furent brefs : “Les citoyens en tant qu’individus ont le devoir de violer les lois domestiques pour prévenir des crimes contre la paix et l’humanité.” (NdT:Ceci est très similaire à l’article 35 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793, que nous avons reproduit en préambule de cette traduction). Les gens ordinaires de Syrie et de bon nombre d’autres pays ainsi que notre propre respect, ne méritent rien d’autre maintenant.

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